Les déterminants de la liquidité des ETF
Les ETF (Exchange Traded Funds, également dénommés Trackers) constituent l’une des innovations financières majeures des vingt dernières années. A l’instar des fonds indiciels, les ETF permettent à un investisseur de s’exposer aux variations d’un panier d’actifs sous-jacents (actions, obligations, matières premières, etc.). Ils se distinguent cependant radicalement des fonds indiciels classiques en ceci qu’ils peuvent être négociés en continu sur le marché, au même titre qu’une action ordinaire. C’est cette caractéristique des ETF qui leur vaut d’être considérés comme des instruments liquides.
Une idée largement répandue dans l’industrie financière est que la liquidité d’un ETF est déterminée par celle des actifs entrant dans la composition du panier qu’il réplique. Le raisonnement s’appuie sur la structure duale des ETF, plus particulièrement ceux ayant recours à la réplication «physique». A la clôture, l’intermédiaire qui assure la tenue de marché d’un ETF termine la journée avec une position qu’il lui faut déboucler. Le débouclage s’effectue grâce à un mécanisme particulier dit de «création-rachat», grâce auquel l’intermédiaire va obtenir de son sponsor ou céder à celui-ci des parts d’ETF en échange de la fourniture ou de la réception du panier d’actifs correspondant. Puisqu’il lui faudra respectivement acquérir ou vendre ce panier, l’intermédiaire supportera le coût d’illiquidité des titres sous-jacents sur leur marché. Ce coût sera naturellement intégré par le teneur de marché dans les prix d’ETF qu’il cote via une fourchette de prix. C’est donc à travers la re-facturation implicite de ce coût que l’illiquidité du panier se trouvera transférée à l’ETF.
Si séduisant soit-il, ce raisonnement n’est cependant pas satisfaisant. En effet, comment expliquer que deux ETF répliquant le même indice puissent présenter des niveaux de liquidité différents ? De même, pourquoi un ETF sectoriel sera-t-il généralement moins liquide qu’un ETF largement diversifié alors même qu’une partie du panier des titres sous-jacents leur est commune ?
Dans un document de travail récent[1], nous montrons que la réponse à ces questions passe par l’analyse du comportement de l’intermédiaire chargé d’assurer la tenue de marché d’un ETF. Lorsqu’il se porte contrepartie d’une transaction, le teneur de marché doit intégrer deux éléments dans le prix qu’il cote. Le premier est celui que nous avons décrit, à savoir la perte espérée, au moment de la liquidation de son stock d’ETF lors de la création-rédemption, du fait de l’illiquidité des titres du panier. Le second est un élément de risque. En effet, au moment d’une transaction, le teneur de marché s’engage sur un prix d’achat ou de vente pour l’ETF qu’il gère, et encourt un risque de perte en cas d’évolution défavorable des cours des titres du panier (hausse des cours dans le cas d’une vente d’ETF, baisse dans le cas d’un achat) durant le laps de temps qui sépare le moment de la transaction de celui de la création ou du rachat. Plus la volatilité du panier de titres est forte, plus le teneur de marché prend un risque élevé et plus la compensation exigée sera importante. En vertu de ce raisonnement, un ETF répliquant un indice bien diversifié – et donc comportant peu de risque idiosyncratique – sera plus liquide qu’un ETF portant sur une sous-composante de cet indice (par exemple un secteur d’activité).
Ces deux éléments verront cependant leur impact significativement réduit si le teneur de marché peut gérer de façon efficace sa position au cours de la journée, de sorte à détenir un stock quasi nul d’ETF au moment de la clôture du marché. Cela sera notamment possible si l’ETF en question fait l’objet d’un nombre régulier et important de transactions, le teneur de marché pouvant alors, grâce à une politique de prix incitative, attirer les ordres qui lui permettent de rééquilibrer sa position de façon à maintenir un stock moyen d’unités d’ETF proche de zéro.
Dans notre étude portant sur un échantillon de 361 ETF sur actions, couvrant 22 marchés différents et 177 indices distincts, nous observons effectivement une forte dépendance entre les fourchettes de prix des ETF et la volatilité de leur panier d’actifs. Ces mêmes fourchettes sont corrélées négativement avec la taille des ETF (Assets under Management) et leurs volumes de transactions. La liquidité du panier quant à elle n’explique que faiblement celle de l’ETF qui lui est associé, sauf dans le cas où l’ETF en question est peu échangé. Dans ce cas, en effet, la difficulté pour le teneur de marché de gérer son stock autrement que par le mécanisme de création-rachat l’oblige à intégrer les coûts de transaction qu’il supporte sur le panier dans les prix qu’il cote pour l’ETF.
[1] Calamia A., Deville L. et Riva F., «The determinants of ETF liquidity: Theory and evidence from European markets». Cet article a fait l’objet d’une présentation lors de la première conférence de la Lyxor ETF Research Academy.
Fabrice Riva est professeur à l’Université Paris-Dauphine – PSL