L'analyse de Jean-Louis Mourier
Quelle utilité pour l’épargne «forcée» des ménages ?
Les ménages européens ont accumulé une importante épargne involontaire pendant le confinement : leurs revenus ont été peu ou prou maintenus par des transferts publics massifs, tandis que leurs dépenses se sont effondrées. Cette épargne «forcée» est sans doute cantonnée dans des comptes à vue ou sur des produits d’épargne à court terme, inclus dans l’agrégat monétaire M3. Sur les mois de mars, avril et mai, ces dépôts ont augmenté, en zone euro, de 160 milliards d’euros de plus qu’en moyenne sur la même période ces dix dernières années, ou 100 milliards de plus que l’année dernière. Ce gonflement n’est certes pas le seul fait des ménages, puisque les entreprises ont elles aussi accumulé le plus de trésorerie possible. Mais s’y ajoute une augmentation exceptionnelle de l’encours de billets en circulation (60 milliards d’euros de plus que l’augmentation moyenne des dix dernières années) qui, elle, est très largement imputable aux ménages.
Cette épargne involontaire pourrait être dépensée ces prochains mois, ce qui serait le scénario le plus favorable à un rebond rapide de l’activité économique. Le taux d’épargne des ménages serait pendant un temps sensiblement plus faible qu’auparavant, voire négatif. Mais, face à l’incertitude, les ménages pourraient – au contraire – conserver un taux d’épargne plus élevé qu’avant la crise, scénario qui rendrait difficile une amélioration de la conjoncture économique. Enfin, il est possible que les ménages conservent cette épargne supplémentaire et retrouvent un taux d’épargne proche de son niveau d’avant la crise. La reprise de l’activité serait alors molle dans un contexte de forte contrainte sur leurs revenus.
Jean-Louis Mourier occupe la fonction d’économiste chez Aurel BGC, société de courtage qu’il a rejoint en 1998. Titulaire d’un DEA d’économie internationale obtenu à Grenoble, Jean-Louis Mourier exerce la profession d’économiste dans des institutions financières depuis plus de 20 ans. D’abord au sein du groupe Louis-Dreyfus, puis chez Aurel, il suit la conjoncture des pays de l’OCDE, et plus particulièrement de la zone euro, ainsi que de quelques économies émergentes. Il s’intéresse notamment aux politiques monétaires et aux mouvements internationaux de capitaux.