Taux directeurs et défaillances d’entreprises, le chassé-croisé

Publié le 6 septembre 2024 à 15h00

Bruno De Moura Fernandes    Temps de lecture 4 minutes

L’annonce par la Banque centrale européenne (BCE) de sa première baisse de taux d’intérêt en juin dernier a marqué le début du cycle d’assouplissement monétaire tant attendu par les entreprises. Après avoir subi les impacts de la pandémie en 2020-2021, puis l’envolée des coûts des matières premières en 2022, les entreprises avaient dû faire face en 2023 à des taux de financement inédits depuis la grande crise financière de 2009 (4,9 % en moyenne pour les nouveaux prêts en toute fin d’année). Toutefois, si 2024 devait marquer le retour progressif à la normale, il n’en sera rien pour les entreprises françaises, l’instabilité politique et sociale venant s’ajouter aux risques géopolitiques mondiaux.

Ainsi, malgré le reflux de l’inflation (notamment grâce à la stabilité des prix des matières premières) et le ralentissement des coûts salariaux, l’enquête Coface sur les comportements de paiement des entreprises, qui paraîtra le 18 septembre, laisse entrevoir des perspectives mitigées de la part des entreprises, aussi bien en termes de risques pesant sur l’activité que sur l’évolution des retards de paiement.

Déjà, le nombre de défaillances d’entreprises a atteint un niveau record sur les sept premiers mois de l’année avec 39 506 défaillances enregistrées entre janvier et juillet, en hausse de 23 % par rapport à 2023 et de 26 % par rapport à 2019. Si le caractère historique de ce chiffre doit être relativisé par le nombre croissant d’entreprises en France, il serait erroné d’en déduire que la forte hausse des défaillances s’explique seulement par l’envolée du nombre de microentreprises. Pas moins de 60 ETI et grandes entreprises ont lancé une procédure de défaillance au cours des douze derniers mois, contre 30 par an en moyenne entre 2012 et 2019, et même 54 lors de la crise financière en 2009.

Le montant des dettes fournisseurs affectées par les défaillances atteint également des niveaux records : 3,3 milliards d’euros depuis le début de l’année. Au-delà du coût financier, celui en termes d’emplois concernés est également à des niveaux inédits, avec près de 165 000 emplois touchés entre janvier et juillet.

Preuve du caractère généralisé des difficultés rencontrées par les entreprises, les défaillances sont nettement au-dessus de leur niveau de 2019 dans tous les secteurs. Sur l’année, la dynamique de hausse des défaillances est toutefois particulièrement prononcée dans la construction (+35 % vs 2023), le transport (+40 %, principalement tirées par le transport routier) et les services aux entreprises (+28 %).

Au cours des prochains trimestres, malgré l’assouplissement progressif de la politique monétaire de la BCE, le coût de financement moyen des entreprises françaises ne diminuera pas. Si, en 2022 et 2023, la structure de financement à taux fixe et à maturité longue a protégé les entreprises de la hausse rapide des taux, cette spécificité les expose également à une hausse du coût de l’endettement plus persistante. La part de la dette des entreprises à taux variable représentant à peine plus de 20 % de l’encours total, la baisse des taux directeurs de la BCE ne se répercutera que très lentement. De plus, le refinancement de la dette à taux fixe, qui a été négociée – en moyenne – il y a quatre ans à un coût plus bas, sera nécessairement renouvelé à un taux plus élevé.

Dans ce contexte, en l’absence – probable, au vu des derniers indicateurs avancés – d’accélération de l’activité, les entreprises les plus fragiles continueront de faire face à un environnement adverse, alors même que bon nombre d’entre elles devront continuer de rembourser leur PGE. Ainsi, les défaillances resteront vraisemblablement à un niveau élevé au second semestre 2024 et (au moins) en première partie d’année 2025.

Bruno De Moura Fernandes Responsable de la recherche macroéconomique ,  Coface

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