Zone euro, États-Unis : une divergence durable
Selon les prévisions du consensus, les Etats-Unis comme la zone euro devraient enregistrer en 2016 et 2017 une croissance supérieure d’environ 0,5 pp à leur taux de croissance potentielle respectif. Les décisions des deux banques centrales peuvent pourtant être difficilement plus divergentes. Jeudi dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un nouvel assouplissement monétaire tandis que la Réserve fédérale (Fed) devrait vraisemblablement, pour la première fois en près de dix ans, augmenter ses taux le 16 décembre. Par la suite, la Fed relèvera selon nous son taux directeur à 2,75 % d’ici à début 2018 alors que nous n’anticipons aucune hausse des taux de la BCE sur cette période. Cette divergence durable sera principalement due aux différences en termes d’emploi et de transmission de la politique monétaire par le canal du crédit.
Divergence d’après-crise
Les performances économiques des Etats-Unis et de la zone euro étaient très corrélées avant-crise, la zone euro évoluant, en règle générale, dans le sillage de l’économie américaine avec quelques trimestres de retard. Cette relation s’est toutefois modifiée avec la crise et un écart important s’est creusé ces dernières années. La structure plus flexible de l’économie américaine, la politique économique plus accommodante et les mesures prises relativement rapidement pour remédier aux difficultés du système financier expliquent l’essentiel de cet écart. Par ailleurs, en zone euro, si les solutions adoptées pour résoudre la crise de la dette sont encourageantes, d’autres avancées sont nécessaires.
Un écart considérable en matière d’excédent de capacités
En termes de politique monétaire, ces différences ont des conséquences importantes. Aux Etats-Unis, le taux de chômage, proche de 5 %, est en ligne avec ce que nous considérons comme le taux de plein emploi. En revanche, le taux de chômage en zone euro – à 10,7 % en octobre – dépasse largement notre estimation du taux de plein emploi (8,1 %). D’ici à 2017, nous tablons sur une baisse du taux de chômage américain à 4,1 % contre un repli à 9,8 % en zone euro (restant toujours nettement supérieur au plein emploi !). Aux Etats-Unis, une configuration inférieure au taux de plein emploi implique un risque de pression accrue sur les salaires, incitant la Fed à renverser progressivement sa politique monétaire accommodante. En zone euro, à l’inverse, le risque d’accélération des salaires reste faible, ce qui devrait permettre à la BCE de maintenir sa politique accommodante.
La transmission monétaire par le canal du crédit
Le second facteur crucial en matière de politique monétaire est la rapidité de la transmission monétaire par le canal du crédit. Si les Etats-Unis ont rapidement réduit le problème des créances douteuses, le processus a été plus long dans les pays périphériques de la zone euro notamment. Les PME, très dépendantes du financement par le secteur bancaire, en ont particulièrement pâti. Ce contexte explique pourquoi le mécanisme de transmission de la politique monétaire reste décevant en zone euro. Néanmoins, des mesures sont à l’étude pour résoudre ces problèmes dans les pays périphériques ; par exemple, le gouvernement italien a récemment réfléchi à l’établissement d’une structure de défaisance. Bien qu’encourageantes, ces démarches prendront du temps. La rapidité de la transmission monétaire par le canal du crédit plaide donc également en faveur, d’une part, d’un resserrement de la politique monétaire américaine et, d’autre part, d’une politique toujours très accommodante en zone euro.
En résumé, même si des deux côtés de l’Atlantique la croissance est supérieure à la tendance, d’importants écarts demeurent en termes d’excédent de capacités sur les marchés du travail ou de vitesse de transmission monétaire par le canal du crédit. Par conséquent, la divergence de politique monétaire entre la BCE et la Fed ne fait que commencer et devrait durer encore longtemps.
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