Ressources humaines

Absentéisme : quel rôle pour la direction financière ?

Publié le 9 janvier 2024 à 8h30

Chloé Consigny    Temps de lecture 7 minutes

En France, le taux d’absentéisme progresse dans le secteur privé : depuis l’année 2019, la hausse des arrêts de travail s’établit à + 40 %. Une augmentation consécutive à la crise sanitaire, mais pas seulement. Pour faire baisser le taux d’absentéisme, les entreprises initient différentes stratégies, dont les effets et la mesure sont à la main des directions financières.

Depuis une dizaine d’années, en France, le taux d’absentéisme dans les entreprises du secteur privé est orienté à la hausse. Cette hausse est particulièrement sensible sur les deux dernières années : selon le Baromètre Absentéisme de wtw (ex-Willis Towers Watson), le taux d’absence a bondi de 9 % entre 2020 et 2022. Depuis l’année 2019, la progression s’établit à 40 %. Parmi les tendances observées : l’absentéisme touche désormais de nouvelles catégories de personnel, notamment les cadres. Il atteint également de nouveaux secteurs, à l’instar des SSII, de la finance et de l’assurance ; des secteurs qui, jusqu’alors, semblaient épargnés. Autre constat, l’explosion de la prévalence et de la fréquence. « Les absences sont désormais plus courtes et plus fréquentes, tandis qu’il y a quelques années, nous observions principalement des absences de longue durée », observe Clémence Beun, manager du service prévention, assurance de personnes chez wtw en France.

Une démotivation et une perte de repères

Parmi les causes de ces absences plus nombreuses : un effet Covid, encore particulièrement à l’œuvre au cours de l’année 2022. « 2022 a été clairement marquée par une augmentation des arrêts allant de quatre à sept jours liés à la Covid-19, explique Sidonie Tulars, consultante senior, pilotage et reporting RH, Ayming. Les chiffres pour l’année 2023 indiqueront si la tendance continue de s’orienter à la hausse. » Selon le baromètre wtw, entre 2021 et 2022, l’absentéisme bondit de 14 %, tandis que le télétravail ne semble pas avoir permis d’enrayer la hausse des absences de courte durée : le secteur tertiaire – c’est-à-dire celui qui est le plus à même de mettre en place du télétravail – connaît lui aussi une hausse importante des absences. Parmi les autres motifs d’absences se trouvent la démotivation et la perte de repère au sein des équipes. « Nous retrouvons régulièrement des problématiques liées à la clarté des rôles, souligne Clémence Beun. Par exemple, lorsqu’un collaborateur ne sait pas où commence et où se termine son activité, il est davantage sujet à la démobilisation ».

«Les absences sont désormais plus courtes et plus fréquentes, tandis qu’il y a quelques années, nous observions principalement des absences de longue durée.»

Clémence Beun Manager service prévention, assurance de personnes ,  WTW en France

Un coût en forte hausse

Dans ce contexte, les entreprises sont aujourd’hui à l’œuvre pour réduire leur taux d’absentéisme. Loin de concerner uniquement le département ressources humaines, l’absentéisme engage les différentes directions, le comex et l’ensemble des collaborateurs. « A mon sens, le sujet de l’absentéisme n’est pas spécifiquement un sujet RH. C’est un sujet qui doit impliquer tous les collaborateurs de l’entreprise », détaille Sidonie Tulars. Les directions financières sont, elles aussi, largement impliquées, notamment sur le volet financier. Selon le baromètre wtw, le coût direct par salarié d’une absence (indemnité jour de la Sécurité sociale + maintien de salaire + indemnité jour complémentaire prévoyance) est estimé à 1 614 euros par salarié et par an en 2022. Un coût en forte augmentation : en 2019, le coût moyen par salarié et par an, selon le même baromètre, était estimé à 1 139 euros. A ce coût direct, il faut ajouter des coûts de désorganisation et de démobilisation des équipes.

Une mobilisation des directions financières

A terme, c’est la couverture prévoyance de l’entreprise qui peut être impactée : « l’augmentation significative de l’absentéisme au sein d’une organisation peut remettre en cause l’assurabilité du risque », poursuit Clémence Beun. Ainsi, lorsque le taux d’absentéisme augmente, les solutions de prévoyance proposées à l’entreprise se réduisent. « Le risque est que l’assureur ne souhaite plus couvrir l’entreprise, explique Sidonie Tulars. Certaines entreprises doivent alors frapper à la porte d’autres assureurs qui acceptent de prendre en charge le risque moyennant des polices plus élevées. » Pour éviter la désaffection des assureurs, les directions financières sont mobilisées. Si leur prisme est financier, elles ont néanmoins un regard global qui va permettre de faire avancer des solutions, au travers de reportings spécifiques. « Les directions financières ont en charge la data, souligne un expert. Plus la data est précise, plus elle permettra de suggérer des pistes d’amélioration. » En effet, s’il apparaît qu’une business unit est particulièrement concernée par l’absentéisme, il faudra ensuite identifier les causes du problème. Cela peut être notamment un management toxique ou un changement structurant dans l’équipe qui n’a pas été accompagné.

Des process, indicateurs et data, au cœur de la solution

La mise en place et le suivi d’indicateurs chiffrés peuvent permettre d’améliorer significativement le taux d’absentéisme ; à la condition, toutefois, que le projet soit porté par l’ensemble des acteurs de l’entreprise, depuis le comex jusqu’aux opérationnels, en passant par les directions RH et finance. Il s’agit, en premier lieu, d’identifier ce qui génère de l’absentéisme. Pour ce faire, il faut mettre en place des indicateurs chiffrés. « Ces indicateurs doivent être le reflet du terrain, il faut donc aller à la rencontre des salariés », prévient Sidonie Tulars. Par la suite, le travail porte sur la mise en place de process, fixant un cadre pour les arrêts de travail.

« Il faut que l’entreprise structure sa démarche de prévention de l’absentéisme en réfléchissant notamment, de manière opérationnelle, à la définition de son process de gestion des absences, détaille Sidonie Tulars. C’est-à-dire qu’il faut déterminer les actions à mener à chaque moment de l’arrêt : lorsque l’absence est déclarée, pendant l’absence et au retour du salarié. » Les absences multiples au sein d’une même équipe ou d’une même entité peuvent avoir des causes organisationnelles. Dans ce cas, il est nécessaire d’aller voir concrètement ce qui se passe sur le terrain.

La fonction ressources humaines pilote le process de gestion des absences, en lien avec le comité de direction. La direction financière endosse le rôle du suivi et de la mesure des indicateurs. « Ces indicateurs ne peuvent permettre de faire baisser le taux d’absentéisme dans l’entreprise qu’à la condition qu’ils soient suivis », explique Sidonie Tulars. Une fois les process implantés dans l’entreprise, c’est à la direction financière que revient leur analyse. Celle-ci se doit également d’être actrice de l’amélioration de la situation, en faisant remonter directement les anomalies au comité de direction et aux ressources humaines.

L’absentéisme en 2022 en chiffres

58 % des arrêts sont de courte durée, c’est-à-dire inférieurs à sept jours.

Le coût annuel direct par salarié est estimé à 1 614 euros. Ce coût a progressé de 42 % entre 2019 et 2022.

Le quart nord-est reste la région la plus touchée, avec la prévalence et la fréquence d’arrêts les plus élevées (taux d’absentéisme de 6,8 % en 2022). L’Ile-de-France est en dernière position, avec un taux d’absentéisme de 4,7 % en 2022.

La tendance à l’augmentation est constatée dans toutes les organisations, quelle que soit leur taille.

Source : baromètre Absentéisme – Rapport 2023 – wtw

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