Porté notamment par l’évolution des réglementations relatives aux assurances, le marché de l’emploi des actuaires reste sous tension depuis plusieurs années, en dépit d’une augmentation du nombre de jeunes formés, de plus en plus séduits par cette activité.
Aujourd’hui, l’Institut des Actuaires compte plus de 5 000 membres. « Un chiffre qui a été multiplié par deux en 15 ans, précise Laurent Griveau, directeur général de l’Institut des Actuaires. Notre marché de l’emploi est particulièrement tendu, notamment pour les actuaires qui ont entre deux et cinq ans d’expérience. Ils restent ainsi très recherchés par les compagnies d’assurances mais aussi par le secteur du conseil, en pleine expansion, et parfois les DRH et DAF de grandes entreprises d’autres secteurs. » Une tension qui se ressent également dans les écoles et universités qui forment à ce métier et dont les effectifs ont particulièrement gonflé ces dernières années. « Gage que le métier séduit de plus en plus les jeunes, le nombre de candidats au concours d’entrée à l’Institut de science financière et d’assurance (ISFA), qui recrute sur concours commun Beceas (concours créé en 2015 et commun à plusieurs formations reconnues par l’Institut des Actuaires), a été multiplié par deux en 10 ans et nous avons doublé les effectifs de nos promotions, ajoute ainsi Anne Eyraud-Loisel, directrice adjointe de l’ISFA. Un engouement que nous expliquons notamment par une plus large communication auprès des jeunes sur les opportunités qu’offrent les formations d’actuaires. Chaque année, l’ISFA Lyon accueille ainsi entre 70 et 80 nouveaux étudiants et le marché est tellement tendu que tous nos étudiants trouvent un emploi dès leur sortie de l’école. » A ce jour, seules 10 filières de formation à l’actuariat sont reconnues par l’Institut des Actuaires, dont deux en formation continue (CNAM et CEA) et huit en formation initiale (Euria Brest, Dauphine, Université de Strasbourg, Essec, ISUP, Collège des Ingénieurs, Ensae, ISFA Lyon).
«Preuve que le métier séduit de plus en plus les jeunes, nous avons doublé les effectifs de nos promotions en 10 ans. »
Un marché de l’emploi porté par les évolutions réglementaires et les nouveaux risques
Principales raisons de la tension de l’emploi sur ce marché, les évolutions réglementaires en lien notamment avec les règles prudentielles et comptables. « L’application de la directive Solvency II en 2016 avait déjà largement contribué à l’augmentation du recrutement des actuaires capables de mettre en place des modèles provisionnels et d’assumer les fonctions clés, précise Laurent Griveau. Aujourd’hui, ce sont les nouveaux référentiels sur la norme IFRS 17 qui participent à la dynamique de l’emploi. Avec la réforme des retraites, les actuaires seront sûrement sollicités par les entreprises pour les accompagner dans le calcul de leurs passifs et engagements sociaux. Mais surtout, la diversification, l’imbrication et l’intensification des risques (sanitaires, cyber, climatiques, financiers…) concourent à l’augmentation de l’offre d’emploi d’actuaires dans leurs secteurs traditionnels et même au-delà. »
Particulièrement contraints par ces réglementations, les assureurs restent les principaux recruteurs. « Près des deux tiers des actuaires travaillent aujourd’hui dans des compagnies d’assurance », précise Laurent Griveau. Ils ont pour mission de recueillir et analyser toutes les informations nécessaires à la création des contrats d’assurance, aux calculs des tarifs et plus généralement à la gestion des risques. « Nous avons également pour vocation de veiller au respect des normes et règles de solvabilité », témoigne Sophie Dussaule responsable de l’équipe reporting IFRS 17 & MVBS au sein de l’Actuariat Vie chez Allianz France. A cet effet, les actuaires travaillent sur l’évaluation du montant des provisionnements en vertu des normes sociales, comptables et prudentielles en vigueur. « Une fois le montant de la provision calculé, nous le reportons, à l’issue de la période de la clôture, en normes Solvency 2, IFRS 4 et IFRS 17 ajoute pour sa part Yannis Amamou, actuaire de l’équipe au sein de l’Actuariat IARD et Santé & Prévoyance d’Allianz France. »
En société de conseil, les actuaires sont également amenés à travailler sur les sujets de réglementation, de gestion des risques pour garantir la solvabilité, de souscription, de stratégie avec des opérations de restructuration ou encore d’audit (des provisions techniques à l’audit des politiques de gestions de risques) auprès des assurances, des banques mais aussi des entreprises. « Dans les grandes entreprises, nous intervenons par exemple auprès de la DRH ou de la DAF sur tout ce qui doit se chiffrer pour le salarié dans le long terme : engagement de retraite, prévoyance santé, épargne salariale, revenus différés, précise Maud Vannier Moreau, associée au sein du cabinet de conseils en actuariat Galea. Nous vérifions également l’évolution des coûts des assureurs et l’adaptation des contrats et garanties proposés par les assureurs avec les besoins exprimés par les entreprises. Dans la sphère assurantielle, nous interagissons beaucoup avec nos pairs actuaires dans les directions des risques, et selon la taille des structures, nos interlocuteurs sont davantage les directions générales ou les administrateurs. Nous avons alors surtout pour vocation de les conseiller sur l’ensemble des aspects techniques et de les accompagner pour s’adapter aux nouveaux risques. Nous formons au monde de l’assurance les plus novices. »
Certains actuaires sont directement recrutés par les grandes entreprises au sein de leur service ressources humaines ou finance. Ils travaillent alors sur les rémunérations au sens large, les « benefits » sur les sujets de la santé, de la prévoyance, de la retraite ou encore de l’épargne salariale. Dans les banques enfin, les actuaires sont notamment chargés de calculer les risques liés aux placements, notamment sur les marchés obligataires, et de réaliser de la valorisation de produits financiers, parfois extrêmement complexes.
Des salaires toujours très attractifs
- Alors que les professionnels peinent à recruter, les revenus proposés aux actuaires sont attractifs. Selon l’Institut des Actuaires, le salaire d’un actuaire junior après une première expérience en alternance peut atteindre 45 000 euros. Entre trois et cinq ans d’expérience, il peut grimper dans une fourchette comprise entre 60 000 et 70 000. Au-delà des salaires, le métier est également attractif au regard des opportunités offertes. Dans les sociétés de conseil en actuariat, les actuaires peuvent ainsi gravir tous les échelons pour devenir manager voire associé. Au sein des compagnies d’assurances ainsi que dans les entreprises, ils ont également la possibilité d’évoluer vers des postes de management, voire de direction financière, des inventaires…
Des profils très scientifiques
Quel que soit l’employeur, le métier d’actuaire nécessite des compétences techniques métiers et mathématiques pointues (statistiques et probabilités). Les actuaires doivent également maîtriser les bases de la comptabilité et être ouverts à de nombreux champs disciplinaires (économie, économétrie, sciences sociales, etc.). « A leur base scientifique solide s’ajoute désormais une capacité à collecter et traiter la donnée en s’appuyant, par exemple, sur les nouvelles technologies d’intelligence artificielle et ce afin de quantifier et qualifier au mieux les risques », poursuit Laurent Griveau. Ils doivent également savoir appréhender les nouvelles normes ou textes juridiques en lien avec leur métier.
Au-delà de leur expertise technique, les actuaires sont également attendus sur leurs soft skills et en particulier sur leur capacité à s’exprimer et à expliquer clairement leurs résultats. A cet effet, la maîtrise des outils de datavisualisation (présentation graphique de données) est indispensable. Enfin, ils doivent faire preuve de curiosité et être capables de procéder à une veille sur leurs sujets. Une attente d’autant plus importante aujourd’hui au regard des évolutions constantes des risques et de leurs impacts.