La direction financière du spécialiste des compléments nutritifs pour les animaux Adisseo accorde une attention particulière à l’évolution des dépenses ainsi qu’à celle des marges. Une situation qui s’explique par le fait que l’activité du groupe s’étend de la production à la distribution de ses produits. Après avoir renforcé les missions du contrôle de gestion, l’une de ses priorités va porter sur le développement d’indicateurs permettant de mieux mesurer la performance
Depuis son rachat, en 2006, par le groupe chinois Bluestar, le spécialiste de la nutrition animale Adisseo (1,15 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2012) s’est considérablement développé. Sous l’impulsion de son actionnaire, son chiffre d’affaires a plus que doublé en six ans, sous l’effet d’une croissance tant organique qu’externe. Une évolution qui ne s’est toutefois pas accompagnée d’un bouleversement de l’organisation de la fonction finance. «Après l’acquisition d’Adisseo, en janvier 2006, par le groupe d’Etat chinois Bluestar, la direction de Bluestar s’est inscrite dans une démarche pragmatique et de confiance, témoigne Frédéric Puistienne, directeur administratif et financier groupe d’Adisseo. Nos bons résultats aidant, la confi ance a grandi et notre mode de fonctionnement les a convaincus, ce qui nous permet de bénéfi cier d’une certaine autonomie.»
Un tiers des équipes financières basées au siège
La direction financière a ainsi conservé sa structure, qui est calquée sur celle du groupe. Au niveau industriel, Adisseo compte cinq usines, dont trois sont situées en France, une autre en Espagne et, depuis la fin 2012, une dernière en Chine. Pour chacune d’entre elles, un responsable financier pilote le travail d’une équipe de trois à huit personnes, composée de comptables et de contrôleurs de gestion. Parmi leurs principales missions, ces derniers accordent une attention particulière aux problématiques de production, de rendement et de frais fixes.
Sur le plan de la distribution, Adisseo s’appuie sur cinq plateformes régionales – Amérique du Nord (Atlanta et Mexico), Europe, Moyen-Orient et Afrique (Antony et Moscou), Amérique du Sud (São Paulo), Asie (Singapour) et Chine (Shanghai) –, qui contrôlent les filiales commerciales de la société. Chacune de ces plateformes compte un responsable financier, également en charge d’une équipe de collaborateurs. Assez logiquement, le contrôle de gestion lié à l’activité de distribution des produits se focalise sur d’autres indicateurs, tels que le suivi et l’évolution des marges par produit et par client, ainsi que sur le crédit client et le recouvrement.
Afin de superviser le travail des équipes locales, la direction financière centrale a choisi de s’appuyer sur des effectifs assez conséquents. En effet, sur les soixante membres que compte la fonction finance, près d’un tiers sont basés au siège. Une décision qui s’explique par le fait que les fonctions régaliennes sont assurées par Frédéric Puistienne et ses collaborateurs directs, mais aussi parce que le groupe accorde une attention particulière à la production de données chiffrées consolidées et de rapports permettant de suivre l’évolution du business. En effet, compte tenu de son activité, le groupe doit investir significativement, notamment dans les usines et dans la recherche et développement.
En outre, il est exposé à la volatilité de nombreux facteurs, comme le prix des matières premières. Parmi les quatre départements qui composent la direction financière centrale – Frédéric Puistienne en dirige un cinquième puisqu’il est également directeur des systèmes d’information –, la direction du contrôle de gestion occupe donc une place jugée déterminante. «La tâche de cette direction consiste à délivrer aux opérationnels des pistes d’amélioration, en leur offrant une analyse approfondie des chiffres réalisés et prévisionnels», explique Frédéric Puistienne. Confiée à Caroline Blaise, elle compte, au total, quatre membres et gère principalement l’analyse des résultats et les prévisions. Pour établir ces dernières, la direction fi nancière d’Adisseo s’appuie sur un système de prévisions glissantes, dit «rolling forecasts.»
Le parcours de Frédéric Puistienne, directeur
Avant d’intégrer une direction financière, c’est dans l’audit que Frédéric Puistienne débute sa carrière. Diplômé de l’ESLSCA en business administration, il rejoint en effet, en 1990, les équipes d’Ernst & Young en tant qu’audit manager. Six ans plus tard, il décide de changer de voie. Il est ainsi recruté par Cegetel, où il exerce successivement comme corporate finance manager puis comme contrôleur de gestion. En 1999, il est nommé directeur financier d’Econocom, avant d’occuper la même fonction, deux ans plus tard, au sein de la société minière britannique Crew Development puis, à partir de 2005, au sein du cabinet de conseil SVP. Il a pris la tête de la fonction finance d’Adisseo en 2007.
Ce dernier a commencé à voir le jour à partir de 2010, lorsque le groupe a lancé un travail de refonte de cette direction afin d’optimiser le processus budgétaire. «Pour une société dont la profitabilité dépend d’indicateurs économiques très volatils, tels que le cours du baril de pétrole et la parité euro-dollar, le budget n’est pas adapté, témoigne Frédéric Puistienne. A peine terminé, il se retrouve déjà obsolète. Pour résoudre ce problème de la pertinence du niveau des hypothèses retenues dans le budget, nous avons donc opté pour un pilotage par un système de prévisions glissantes mensuelles.» Désormais, la société prépare donc, sur la base d’un processus d’élaboration simplifié, un budget sur douze mois glissants avant de réviser, chaque mois, les hypothèses pour le mois suivant. Autre pilier de la fonction finance, la direction du reporting financier et de la fiscalité est dirigée par Sylvie Beaujan.
Il s’agit de la plus importante en termes d’effectifs, avec quatorze personnes. A l’image du département en charge du contrôle de gestion, celui-ci a, lui aussi, fait l’objet d’importants aménagements. Auparavant, la direction financière publiait une dizaine de reportings, dans lesquels certains indicateurs faisaient l’objet d’un traitement multiple. «Nous avons beaucoup travaillé à l’émission plus rapide, à la simplification et à la réduction du nombre de reportings», indique Frédéric Puistienne. Dans une optique d’optimisation, la direction a donc été réorganisée.
Ainsi, une équipe de cinq personnes, en charge du reporting et de la consolidation, a été affectée au sein d’un département dédié à la collecte de l’ensemble des données du groupe, à l’émission des reportings financiers statutaires et de gestion. Grâce à cette nouvelle organisation ainsi qu’à la diminution du nombre de reportings effectués, les délais de production ont été significativement réduits. En outre, cette direction s’occupe également, pour des raisons pratiques, des problématiques fiscales. «Nous sommes amenés à traiter des questions sensibles comme des réflexions sur des pistes d’optimisation fiscale, les prix de transfert ou encore le crédit impôt recherche», explique le directeur administratif et financier.
Une politique active de couverture contre le risque de change
Troisième composante de la direction financière centrale, la direction de la trésorerie et des financements est animée par Nelly Giovansily. Avec quatre collaborateurs sous ses ordres, l’une de ses principales missions porte, comme son nom l’indique, sur la gestion des ressources financières du groupe. Comme pour l’ensemble des autres problématiques de la fonction finance, Adisseo bénéficie, en termes de financement, d’une réelle autonomie vis-à-vis de notre actionnaire. Ainsi, sa dette est portée par le siège, qui procède ensuite à des prêts intra-groupe. A l’instar du mode de financement, la gestion des liquidités échappe également aux entités locales.
En effet, leur trésorerie est remontée au niveau du groupe chaque semaine, bien que la direction financière ne dispose pas d’un outil automatisé. «La mise en place d’un cash pooling automatique nécessite des flux importants afin de rentabiliser les frais fixes prélevés par les banques, ce qui n’est pas encore le cas pour Adisseo, indique Frédéric Puistienne. Pour le moment, nous procédons par des remontées manuelles des excédents de trésorerie par les responsables financiers locaux.»Enfin, la stratégie de couverture de la société est également gérée par Nelly Giovansily et son équipe. Il s’agit d’un volet essentiel pour le groupe.
C’est notamment le cas des protections contre le risque de change, car 70 % des ventes d’Adisseo sont libellées en dollar. «En raison de notre forte exposition, nous nous devons de sécuriser un certain niveau de recettes attendues, d’autant plus dans un contexte où les monnaies fluctuent brutalement, précise Frédéric Puistienne. Dès lors, nous couvrons la majorité de nos flux sur une période d’un an glissant, via des contrats à terme classiques et des options de change.» Cette année, le groupe s’est ainsi couvert au cours d’un euro à 1,30 dollar. En effet, en tant qu’exportateur, il est directement pénalisé en cas de hausse de la monnaie unique.
Des réunions trimestrielles avec l’actionnaire chinois
Outre les changes, Adisseo est très sensible aux évolutions de taux. Dans la mesure où son endettement se révèle exclusivement bancaire, la rémunération qu’il doit verser à ses prêteurs s’établit à taux variable. Profitant des taux d’intérêt actuellement extrêmement bas, la société a ainsi fait le choix de couvrir une grande partie de sa dette à taux fixe via des «futures». En outre, la direction financière se protège aussi contre une remontée des prix du brent dans la mesure où une part importante des matières premières utilisées dans les produits fabriqués par la société sont des dérivés pétroliers (propylène notamment). La quatrième direction de la fonction finance, en charge du corporate finance, est, quant à elle, pour le moins limitée en termes d’effectif puisqu’elle ne compte… qu’une seule personne, Raphaël Hillaire.
Ce dernier s’occupe notamment de la préparation du business plan du groupe ainsi que des «projets spéciaux » comme, par exemple, des acquisitions, et de l’évaluation de la création de valeur des investissements réalisés. «Son rôle est primordial puisqu’il est le garant de l’évaluation du retour sur investissement de nos différents développements», souligne Frédéric Puistienne. Enfin, les relations avec l’actionnaire sont assurées sous la forme de réunions trimestrielles, en Chine, animées par le président d’Adisseo, Jean-Marc Dublanc, et Frédéric Puistienne. En termes de management, Frédéric Puistienne organise des réunions avec ses collaborateurs directs régulièrement. Cela ne l’empêche pas de chercher à maintenir un lien direct avec ses équipes décentralisées.
Une relation de proximité avec la Chine
- Même si la Chine ne représente, à ce jour, qu’environ 10 % du chiffre d’affaires du groupe, ce pays occupe une place de premier rang chez Adisseo. Une situation qui découle de son rachat, en 2006, par un groupe chinois. Ancienne filiale de Sanofi , la société a d’abord été acquise en LBO, en 2002, par CVC Capitals Partners, avant d’entrer dans le giron, quatre ans plus tard, du chimiste chinois Bluestar. Ce groupe est lui-même détenu par ChemChina, une structure ayant comme actionnaire l’Etat chinois.
- Compte tenu de cette situation, la priorité d’Adisseo consiste à se développer au sein de la deuxième économie mondiale. A ce titre, elle vient d’y construire une cinquième usine, qui vient s’ajouter aux unités de production existantes : trois en France et une en Espagne.
- Afin de gagner en visibilité sur le continent asiatique, Adisseo a envisagé de s’introduire sur la Bourse de Hong Kong à deux reprises, en 2010 puis en 2011. Deux projets qui ont toutefois été interrompus en raison de conditions de marché défavorables. A ce jour, le groupe n’envisage plus de cotation.