MÉTIER

Analyste financier d’ETI : un métier qui monte

Publié le 2 mai 2014 à 15h12    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h34

Alexandre Rajbhandari

Le plan PEA-PME, comme l’ouverture progressive du marché obligataire aux ETI, incitent les gérants à s’intéresser davantage à ce type d’entreprises. Pour répondre à ce nouveau besoin, les acteurs du secteur recherchent des profils expérimentés en analyse financière, issus notamment de la banque d’affaires.

"Compte tenu de l’actualité chargée sur les valeurs moyennes, les analystes financiers dédiés à ce segment de marché sont très recherchés." Comme le constate Marie-Pierre Peillon, présidente de la Société française des analystes financiers (Sfaf) et directrice de la recherche chez Groupama Asset Management, les entreprises de taille intermédiaire, longtemps délaissées par les analystes, sont revenues au cœur de leurs préoccupations. Du côté du marché actions, la création récente du PEA-PME devrait certainement pousser les gérants à investir davantage sur les petites valeurs, et donc à allouer davantage de ressources au suivi et à l’évaluation de ces sociétés. Mais, surtout, le mouvement général de désintermédiation bancaire constaté en Europe permet à de plus en plus d’entreprises de taille modeste d’accéder directement au marché obligataire. Une évolution qui demande, de la même manière, de recourir à des professionnels pour en évaluer la solidité financière. L’ensemble du secteur commence à s’organiser pour répondre à ces nouveaux besoins.

Des équipes à renforcer

Pour l’heure, l’analyse des entreprises de taille moyenne ou intermédiaire n’est pas particulièrement bien assurée, car peu de professionnels s’y consacrent exclusivement. «Pour chaque valeur, on trouve en général seulement deux ou trois analystes qui la suivent de façon régulière», explique Jean-François Arnaud, analyste-gérant du fonds BNP Paribas Actions PME chez CamGestion. Ainsi, les sociétés de Bourse généralistes consacrent encore peu de ressources à ce segment de marché. «En effet, compte tenu de la faible liquidité des titres des ETI et des PME – qu’il s’agisse d’actions ou d’obligations – le suivi de ces valeurs n’est, aujourd’hui, pas assez rentable pour que les courtiers y dédient des analystes spécialisés», explique ainsi Marie-Pierre Peillon.

De la même manière, au sein des sociétés de gestion, les professionnels dédiés à ces valeurs sont encore très rares, surtout du côté obligataire.«En effet, pour la majorité de ces dernières, le marché high yield restait un marché limité et ne constituait pas une stratégie d’investissement que recherchaient leurs clients, poursuit Marie-Pierre Peillon. Dès lors, les équipes d’analystes ou d’analystes-gérants qui travaillaient uniquement sur ces valeurs sont encore restreintes.» Toutefois, la situation est en train d’évoluer. D’ailleurs même si les valeurs small et midcap ont toujours été recherchées sur le marché actions, les sociétés de gestion commencent à se rendre compte de leurs futurs besoins. «En effet, si le PEA-PME est un succès, que les encours de nos fonds consacrés augmentent significativement, ou encore que nous sommes amenés à en créer de nouveaux, nous pourrions envisager d’adapter nos ressources, explique Jean-François Arnaud. Alors, la question de recruter un analyste ou un analyste-gérant supplémentaire serait donc posée.»

Pour l’instant, le PEA-PME étant encore très récent, les recrutements d’analystes pour le marché actions sont encore limités (voir encadré). En revanche, pour ce qui est de la partie consacrée à la dette, les sociétés de Bourse commencent déjà à renforcer leurs équipes en recrutant des analystes qui travailleront exclusivement sur des sociétés de taille plus modeste. «Kepler Cheuvreux, avec qui nous avons un partenariat pour l’évaluation des entreprises dans lesquelles nous voulons investir en obligataire, a déjà recruté deux analystes dédiés à ces valeurs moyennes», explique Jean Rozière, directeur de la gestion crédit chez Fédéris Gestion d’Actifs. Un métier pour lequel il ne comptait aucun salarié jusqu’alors.

Des postes exigeants

Pour recruter ce type d’analystes, les sociétés de Bourse ou de gestion se montrent exigeantes. Alors qu’autrefois les «midcaps» étaient souvent dévolues aux juniors, les recruteurs recherchent maintenant des candidats expérimentés, notamment dans le domaine de l’évaluation financière.«Nous nous intéressons à des professionnels issus du corporate finance, ou bien qui ont déjà une carrière avancée – au moins cinq ans – en tant qu’analyste», explique Jean Rozière. Cette exigence d’ancienneté s’explique avant tout par la difficulté du métier lorsqu’il s’agit d’évaluer une entreprise de taille petite, moyenne, voire même intermédiaire.

«Alors que les informations et les études réalisées sur les actions des grandes entreprises sont nombreuses un analyste sur les PME doit prendre bien plus d’initiatives et travailler davantage ses dossiers car les données sont plus difficiles à collecter», explique Don Fitzgerald, analyste-gérant chez Tocqueville Finance. En effet, il faut souvent insister auprès des sociétés pour se les procurer, ce qui laisse moins de temps à l’élaboration de l’analyse elle-même.

En outre, si les recruteurs privilégient des candidats plus seniors, c’est également parce que les analystes de PME sont très souvent en contact avec les dirigeants et les directeurs financiers des sociétés qu’ils suivent et évaluent, et pas seulement avec des responsables de relations investisseurs – comme c’est généralement le cas pour un analyste qui travaille sur des grosses valeurs. «Compte tenu de la relation qui doit être entretenue avec les dirigeants de ces entreprises, nous ne pouvons pas nous permettre de recruter des débutants qui découvrent encore le métier», explique Emmanuel Parot, analyste chez Gilbert Dupont.

Cette demande très ciblée restreint mécaniquement le volume de candidats potentiels à ce type de postes, et risque de rendre les recrutements difficiles à effectuer. C’est d’ailleurs déjà le cas pour les sociétés qui souhaitent recruter des analystes crédits dédiés à ces valeurs. «En effet, à mesure que le mouvement de désintermédiation bancaire, qui concerne les entreprises de toute taille, s’accentue, nous notons une hausse significative de la demande pour les analystes crédit en général, témoigne Jean Rozière. Ainsi, il est plus difficile de trouver des analystes crédit spécialisés dans l’évaluation des ETI ou des PME.»

Des difficultés qui pourraient, à terme, entraîner une pénurie de candidats pour les postes d’analystes obligataires, contrairement aux analystes actions, beaucoup plus nombreux sur le marché.

Des rémunérations inégales

A priori, la demande naissante pour des analystes financiers spécialisés sur les valeurs moyennes place les candidats à ce type de postes dans une position confortable pour négocier leur salaire à l’embauche. Toutefois, il est encore difficile de parler d’une tendance à la hausse. «Les recrutements pour ces postes s’effectuent encore de façon ponctuelle», explique Frédéric Hatsadourian, senior manager, division banque et assurance chez Robert Walters.

• Toutefois, la différence entre la demande, bien établie, pour des analystes obligataires, et celle, encore seulement naissante, pour des profils actions, se fait déjà sentir sur les niveaux de rémunération proposés. «En effet, les candidats pour les postes tournés vers le marché obligataire sont moins nombreux, et peuvent de fait bénéficier de rémunérations plus importantes», explique Emmanuelle Villacèque, consultante senior chez Michael Page. Ainsi, un candidat qui affiche environ dix ans d’expérience à divers postes en analyse financière peut espérer recevoir une rémunération fixe qui évolue entre 75 000 et 80 000 euros par an, chiffre qui peut monter à 100 000 euros en tenant compte de la part variable.

• En revanche, pour ce qui est des analystes actions, la demande du secteur, en attente des premiers résultats du PEA-PME, n’est pas encore assez forte pour absorber l’ensemble des candidats actuellement sur le marché. Ainsi, la rémunération à laquelle ils peuvent prétendre lorsqu’ils se font recruter est moindre : généralement, pour un profil qui affiche également une dizaine d’années d’expérience en tant qu’analyste, le salaire annuel fixe s’établit autour de 60 000 euros, accompagné d’un variable d’environ 20 000 euros.

Une demande encore limitée pour le marché actions

Tout en admettant devoir renforcer leurs équipes actions midcaps à l’avenir, les sociétés de Bourse et de gestion sont encore très peu actives sur le front des embauches. En effet, le PEA-PME venant seulement d’être créé, il est encore trop tôt pour que les acteurs du marché en évaluent le succès. «Nous n’avons pas encore besoin de recruter des analystes ou des analystes-gérants spécifiquement pour ce segment de marché pour l’instant, estime Jean-François Arnaud, analyste-gérant du fonds BNP Paribas Actions PME chez CamGestion. Nous disposons en effet aujourd’hui des ressources nécessaires pour la gestion de cette classe d’actifs.»

Un constat partagé par les sociétés de Bourse spécialisées sur les petites et moyennes entreprises. «Certes, nous avons noté un regain d’intérêt des investisseurs pour notre activité, explique Emmanuel Parot. Toutefois, cela ne se traduit pas pour autant par une augmentation des valeurs que nous devons suivre, car la majorité des entreprises qui intéressent nos clients dans le cadre du PEA-PME sont déjà suivies par nos analystes. De ce fait, nous ne pensons pas recourir à des embauches dans l’immédiat.»

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