Afin d’accompagner la croissance du groupe, la direction financière d’Assystem, très décentralisée, a souhaité mieux encadrer certaines fonctions régaliennes. Une évolution qui s’est notamment traduite par l’adoption d’un reporting commun à l’ensemble des filiales ainsi que par la mise en place d’un cash pooling au sein de la zone euro
Organisée auparavant sur la base d’un modèle entièrement décentralisé, la fonction finance d’Assystem (855,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012) a été amenée à s’adapter au changement de périmètre de la société. Alors que le chiffre d’affaires du groupe spécialisé dans l’ingénierie et dans le conseil en innovation, présent dans seize pays, a progressé de près 30 % au cours des cinq dernières années, le fait que les équipes financières locales disposent d’importantes marges de manoeuvre était en effet devenu problématique en termes de consolidation. «Chaque filiale renseignait, par exemple, son propre reporting, témoigne Gilbert Vidal, directeur financier d’Assystem. Ainsi, certaines entités ne communiquaient pas sur la même définition de la marge brute sur affaire. Or ce solde fi nancier, qui correspond à la marge réalisée sur la base des coûts directs – tels que les salaires –, est primordial dans le cadre de notre activité car plus de 70 % de nos coûts portent sur la main-d’oeuvre.»
Toutefois, cette démarche s’est davantage traduite par une uniformisation et par un meilleur encadrement des pratiques que par une véritable centralisation, qui n’a concerné que certains métiers comme, par exemple, la trésorerie et la fiscalité. En raison de son histoire, marquée par de nombreuses opérations de croissance externe, Assystem reste en effet attaché au principe d’autonomie des filiales. Gilbert Vidal continue donc de s’appuyer, en dehors des équipes du siège, sur un nombre inchangé de collaborateurs, d’une centaine de personnes. Ses principaux interlocuteurs, les directeurs financiers pays, coordonnent le travail d’une trentaine de contrôleurs de gestion, répartis au sein d’une dizaine de business units, mais également celui des opérationnels locaux, qui occupent une place prépondérante dans le processus financier.
«Chaque business unit comprend des assistants de gestion, qui s’occupent notamment de la gestion des commandes et de la facturation, précise Gilbert Vidal. Plus de 60 % de nos revenus proviennent de contrats au forfait à obligation de résultat, ce qui nécessite un suivi à la fois opérationnel et financier de l’avancement et du “reste-à-réaliser” des projets. Le binôme gestion- opérationnel est donc le plus à même de donner la meilleure image prévisionnelle des affaires.» Gilbert Vidal est également en lien permanent avec les contrôleurs financiers à la tête des trois pôles autour desquels est organisé le groupe – le pôle d’ingénierie des infrastructures complexes et celui de recherche et développement externalisé, luimême scindé en deux branches («Aerospace engineering» et «Technology and Product Engineering»).
Des effectifs resserrés
Conséquence de cette organisation, la direction financière centrale compte, pour sa part, des effectifs resserrés. Gilbert Vidal – dont le périmètre d’intervention comprend à la fois le contrôle de gestion et l’analyse financière, la consolidation, la fiscalité, la fonction juridique, les fusions-acquisitions et la communication financière – coordonne une quinzaine de collaborateurs. Même si elle ne compte que trois membres, la direction de la trésorerie, confiée à Catherine Debray, représente l’une des équipes les plus importantes en termes d’effectifs de la fonction finance du siège. Ces aspects sont en effet jugés déterminants par Assystem.
«Le véritable indicateur de la performance d’une entreprise porte sur sa capacité à générer du cash et sur la bonne gestion des placements, indique Gilbert Vidal. Nous avons donc souhaité optimiser la gestion de la trésorerie et de la liquidité du groupe via la mise en place, en 2008, d’un cash pooling pour la zone euro.» Présent notamment au Nigeria, au Yémen et aux Emirats Arabes Unis, le spécialiste en ingénierie et en conseil en innovation est également en train d’optimiser les flux sur ces zones par le biais d’une gestion centralisée des excédents et besoins de trésorerie des filiales.
En outre, cette direction pilote le financement du siège et de ses filiales. Enfin, l’activité de couverture contre le risque de change constitue aussi une de ses attributions. Certes, les contrats en devises étrangères sont rares, la monnaie de référence restant l’euro, y compris pour ceux passés aux Etats-Unis. En revanche, la Roumanie, où Assystem développe actuellement son activité, fait figure d’exception. Alors que les prestations sont rémunérées dans la devise locale, la direction financière préfère couvrir, tout au long de l’année, le risque de change. «Dans ce cadre, nous recourons toujours aux contrats à terme», précise Gilbert Vidal.
Le parcours de Gilbert Vidal
Avant d’occuper des fonctions financières au sein d’entreprises, Gilbert Vidal a débuté sa carrière en… inspectant ces dernières ! Titulaire d’une maîtrise de sciences économiques et diplômé de l’Ecole nationale des impôts, il intègre en effet, en 1977, la Direction générale des impôts du ministère des Finances, où il est chargé de contrôler de grands groupes internationaux, évoluant notamment dans les secteurs de l’aéronautique, de la défense et de la pharmacie. En 1991, il rejoint le groupe nucléaire Framatome en tant que directeur fiscal, avant d’être successivement promu directeur des services financiers puis directeur financier. Lors de la création d’Areva, à la suite du regroupement de plusieurs groupes nucléaires, dont Framatome, Gilbert Vidal est nommé, en 2001, directeur financier adjoint du nouvel ensemble, en charge du contrôle financier et de la fiscalité. Depuis 2006, il occupe la fonction de directeur financier d’Assystem, en charge de la finance et du juridique.
Un reporting de gestion plus encadré
Seconde composante de la direction financière, la direction en charge du contrôle financier est composée de deux membres. Dirigée par Françoise Decavele, l’une de ses principales missions porte sur l’établissement du budget du groupe. Une fois ce dernier voté, les prévisions retenues sont ensuite actualisées à deux reprises durant l’exercice. Jugé trop long, le processus budgétaire pourrait toutefois évoluer prochainement. «La préparation du budget est très décentralisée, informe Gilbert Vidal. La direction du controlling demande ainsi aux filiales, dès le mois de septembre, de faire remonter leurs hypothèses pour l’exercice à venir – ce qui dure généralement deux mois –, avant que ces dernières ne soient consolidées au niveau de groupe. Laborieux, ce processus se révèle d’autant moins satisfaisant que les prévisions arrêtées en fin d’année sont souvent dépassées vers la fin du premier trimestre. Nous menons donc actuellement des réflexions afin de l’alléger et de le rendre plus efficace et exploitable au cours de l’année.»
Outre cette tâche, Françoise Decavele s’occupe également de la consolidation, tous les mois, des reportings envoyés par chaque entité. A ce titre, elle veille à ce que les normes éditées par le siège soient bien respectées par les entités locales. «Par exemple, il arrive encore, dans certaines filiales, que les coûts liés à nos appels d’offres soient renseignés en tant que “coûts de non-facturation” alors qu’ils doivent être imputés en tant que “coûts indirects”, constate Gilbert Vidal. Cela pose des difficultés d’analyse et de lecture du compte de résultat. Dans cette situation, il est du ressort de l’équipe du contrôle financier de veiller à détecter ces incohérences et d’en faire part au directeur financier pays.»
Un recours plus large aux centres de services partagés envisagé
En revanche, la consolidation statutaire est confi ée à une direction autonome, qui ne compte qu’un membre, Christophe Moreau. Cette dernière est en rapport permanent avec les directeurs fi nanciers pays ainsi qu’avec les assistants de business units. En France, Christophe Moreau s’appuie sur un centre de services partagés (CSP) pour obtenir les liasses fiscales des filiales. «Alors que nous avons plusieurs entités juridiques françaises représentant 60 % de l’activité du groupe, le fait de centraliser nos fonctions comptables, dès la fin 2005, nous a permis de gagner en effi cacité, en qualité et en productivité tout en réduisant le nombre de comptables à moins d’une trentaine dans un contexte de croissance de l’activité», apprécie Gilbert Vidal.
Convaincu par cette structure, Assystem réfléchit actuellement à la mise en place d’un CSP en Allemagne, qui représente déjà son second marché derrière la France avec une part de 15 % de son chiffre d’affaires et qui a vocation à croître. A l’instar du département de consolidation statutaire, la direction en charge des fusionsacquisitions comprend, elle aussi, un seul collaborateur. En liaison avec les responsables opérationnels de chaque pays dans lequel Assystem est implanté, Régis Peltier est en charge de dénicher des cibles potentielles puis de mener, avec le soutien de cabinets externes, la phase de due diligence. Si la dernière opération de croissance externe du groupe concerne le rachat du groupe familial de services à l’ingénierie MPH, réalisé entre juillet 2011 et février 2012, les récentes démarches de prospection devraient prochainement porter leurs fruits. En effet, même si aucun calendrier n’est encore précisément établi, le groupe a comme objectif de se renforcer rapidement en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Les partenaires de la direction financière : Les Banques
Depuis le renouvellement de sa structure de financement, en 2011, Assystem s’appuie principalement sur six banques. CIC Nord-Ouest et la Société Générale, partenaires historiques du groupe, ont été rejoints par Natixis, Crédit Agricole CIB et la caisse régionale Crédit Agricole Ile-de-France, LCL, BECM et Banque Palatine. Le cash pooling mis en place en 2008 pour la zone euro est, quant à lui, géré par BNP Paribas. Enfin, la société dispose également de comptes bancaires chez Commerzbank en Allemagne et chez Lloyds au Royaume-Uni. Dans les autres zones géographiques où elle est présente, l’entreprise place ses liquidités dans les filiales d’établissements français, à savoir BNP Paribas en Asie et au Moyen-Orient et la Société Générale en Roumanie et au Maroc.
Les partenaires de la direction financière : les commissaires aux comptes
Le co-commissariat aux comptes d’Assystem est assuré par Deloitte & Associés et par KPMG Audit. La relation avec le premier cabinet remonte à 2003, au moment de la fusion d’Assystem avec Brime Technologies – ce dernier était suivi par Deloitte & Associés. En 2008, la direction financière s’est adjoint, après un appel d’offres, les services d’un second commissaire aux comptes. «Dans la perspective de notre développement géographique, nous avons choisi de répartir la vérification des comptes et la couverture géographique, précise Gilbert Vidal, directeur financier d’Assystem. Deloitte & Associés s’occupe du pôle recherche et développement externalisé, et de l’Allemagne. KPMG Audit, pour sa part, suit le pôle ingénierie des infrastructures complexes, et les activités localisées au Royaume-Uni, au Moyen-Orient et en Afrique.» Les mandats des deux cabinets prendront respectivement fin en 2014 et 2015.
Autres conseils
En fonction des dossiers et des pays concernés, Assystem recourt parfois aux services de cabinets de conseil. C’est notamment le cas au moment d’acquisitions, à la fois pour les aspects juridiques et de due diligence. N’entretenant pas de relations suivies, il procède, le cas échéant, à des appels d’offres. Par exemple, lors du rachat de la société allemande Berner & Mattner, en février 2011, le groupe a mandaté le cabinet d’avocats Heuking, situé outre-Rhin. Concernant la phase de due diligence, la société travaille fréquemment avec Accuracy et KPMG ou Deloitte & Associés. Enfin, Oddo Corporate Finance avait conseillé l’entreprise, en 2011, pour la structuration de son financement, incluant notamment une émission d’obligations remboursables en numéraire et en actions nouvelles et existantes (ORNANE).
Une fonction fiscale récemment internalisée
En dehors des fonctions financières, Gilbert Vidal pilote également la direction juridique, qui est considérée comme stratégique par le groupe. Celle-ci est scindée en deux parties. La première cellule, composée de deux personnes, est pilotée par Geneviève Laverny. Elle traite à plein temps des aspects inhérents au droit des sociétés et au droit boursier. Elle est ainsi impliquée dans le suivi de la gouvernance ainsi que dans le choix de la forme juridique des nouvelles filiales et des consortiums mis en place. La seconde structure, dirigée par Stéphane Paillard, est quant à elle plus étoffée puisqu’elle compte six collaborateurs. «Il s’agit de juristes d’affaires, dont chacun est en appui quotidien d’un périmètre d’activité bien défini, témoigne Gilbert Vidal. Leur mission consiste notamment, en liaison avec les responsables opérationnelles, à valider et à optimiser nos réponses aux appels d’offres.»
Si l’ensemble de ces directions est déjà en place depuis de nombreuses années, la direction fiscale constitue, pour sa part, une création récente. «Auparavant, les problématiques fi scales étaient externalisées, indique Gilbert Vidal. Mais compte tenu de la taille croissante du groupe et de son développement à l’international, nous avons fait le choix, mi-2011, de recruter un fiscaliste, avec toujours une vision très opérationnelle de cette discipline.» Confiée à Virginie Rolgen, cette direction intervient à différents niveaux. En amont de chaque acquisition, elle procède à une étude de l’imposition locale, sur laquelle s’appuie ensuite sur le comité exécutif quand il prend la décision de s’implanter ou non dans le pays concerné.
Surtout, cette direction apporte son expertise sur les enjeux fiscaux entourant chaque projet. «Lorsque nous participons à des projets transfrontaliers, ce qui est très souvent le cas, nous devons savoir quelle fiscalité personnelle s’applique à nos ingénieurs, signale Gilbert Vidal. Il en va également de même pour les règles relatives à la TVA et à la territorialité de l’impôt sur les bénéfices, qui varient d’un pays à l’autre.»Afin de faire face à cette charge de travail importante, le recrutement d’un deuxième fiscaliste est actuellement à l’étude.
Un séminaire annuel pour les équipes financières
Enfin, en tant que société cotée – elle est présente sur le compartiment B de NYSE Euronext –, Assystem doit assurer une communication financière. Pour autant, la création d’une direction dédiée n’a pas été jugée nécessaire, le groupe disposant d’un noyau actionnarial fort. Le fondateur et président du directoire, Dominique Louis, les salariés et la société elle-même détiennent en effet 40 % du capital. Ainsi, le suivi des relations investisseurs est effectué à la fois par Gilbert Vidal, par la directrice de la communication, Pauline Bucaille, et par Dominique Louis. Au final, cette organisation de la direction financière, reposant sur une centralisation limitée aux fonctions régaliennes, donne entière satisfaction à Gilbert Vidal.
En contact quotidien avec ses collaborateurs, au travers soit de conférences téléphoniques ou de déplacements, ce dernier cherche d’ailleurs à maintenir un lien fort entre les membres de la fonction finance en organisant, chaque année, un séminaire de deux jours. «C’est l’occasion pour les contrôleurs de gestion, les comptables, les directeurs financiers et certains assistants de business units de se retrouver et d’échanger sur leurs problématiques, précise Gilbert Vidal. Ces réunions constituent même parfois, à ma plus grande satisfaction, un moteur à la mobilité interne.»En effet, un membre de la fonction finance corporate vient de rejoindre la filiale espagnole en tant que contrôleur de gestion de business unit. Un exemple qui devrait être prochainement suivi, Gilbert Vidal souhaitant envoyer un collaborateur du siège pour intégrer une unité d’affaires dédiée au secteur automobile en Roumanie.