Banques : comment bien faire évoluer les salariés fidèles

Publié le 8 avril 2024 à 15h39

Chloé Consigny    Temps de lecture 6 minutes

Le temps où l’on entrait dans un groupe bancaire à 20 ans pour y mener l’ensemble de sa carrière semble bien révolu. Et pourtant, une part non négligeable des collaborateurs bancaires dépasse les dix ans d’ancienneté. En moyenne, 15 à 20 % des effectifs des banques sont présents au sein des groupes depuis plus de 20 années. Les banques déploient de nouvelles stratégies pour développer leurs compétences et les faire évoluer, dans leur intérêt comme dans celui de l’organisation.

« J’ai un sang rouge et noir qui coule dans mes veines. » Pour cette collaboratrice de Société Générale, l' engagement envers son entreprise n 'est pas un vain mot: elle y a accompli la majeure partie de sa carrière et entend y rester pour de longues années encore. Au sein de la banque de la Défense, ce sont 18 % des effectifs qui sont présents depuis plus de vingt années. A la Banque Postale, 23 % des effectifs ont une ancienneté comprise entre 11 et 23 ans.

Si ces profils ne sont pas rares, ils ont besoin d’être accompagnés dans leur montée en compétences et leur évolution de poste. « Les opportunités sont réelles pour les collaborateurs, car la Banque Postale est une structure créée il y a 18 ans et qui s’est énormément développée au fil des années, souligne Guillaume de Roucy, directeur des ressources humaines de la Banque Postale. Des passerelles existent au sein du grand pôle public financier et nous travaillons à les renforcer avec notamment notre filiale CNP Assurances, mais également au sein du groupe La Poste et plus largement du groupe Caisse des Dépôts auxquels nous appartenons. » Pour accompagner ses talents dans leur changement d’orientation, La Banque Postale (32 500 collaborateurs) a opté pour un accompagnement individuel au cas par cas. Au sein du groupe Société Générale (117 000 salariés), en revanche, un programme de reskilling a vu le jour en 2020. Quatre années plus tard, il propose une trentaine de parcours autour de trois typologies de métiers : banque, digital et projet. « Ce programme a vu le jour à la suite du constat suivant : au sein du groupe, nous avons un bouquet de compétences, néanmoins, nous avons des trous dans la raquette, explique Valérie Goutard, directrice du programme de reskilling, Société Générale. Les compétences dont nous avons besoin évoluent en permanence et nous devons accompagner nos collaborateurs pour leur permettre d’acquérir ces compétences. »

Des garanties nécessaires

Pour chaque bouquet de compétences, le groupe se place aux côtés d’écoles et d’universités de renom (Paris Dauphine, Kedge Business School, l’Institut des actuaires, Centrale Supélec…). La formation se fait en alternance et débouche sur un poste préalablement identifié. Au-delà du nouveau poste signé, pour pouvoir être qualifié, le candidat doit préalablement détenir environ 60 % des compétences recherchées, les 40 autres pour cent seront acquis grâce à la formation. Actuellement, environ 300 collaborateurs passent chaque année par ce programme. Chiffre que le groupe entend rapidement doubler. Le programme de reskilling de Société Générale s’accompagne d’une clause de dédit, c’est-à-dire que si le collaborateur décide de quitter le groupe dans les deux années qui suivent sa formation, il s’engage à rembourser une partie de la formation financée. « Nous sommes vigilants s’agissant de nos coûts, souligne Valérie Goutard. Une formation ne débute que lorsqu’un poste est signé. Il faut que les compétences acquises soient ensuite directement utilisables par le collaborateur. » Même son de cloche au sein de la Banque Postale où les candidats au changement doivent a minima justifier de trois années dans un même poste.

«Tous les postes à pourvoir sont mis sur la bourse de l’emploi interne avec une priorité absolue aux collaborateurs du groupe La Poste.»

Guillaume de Roucy Directeur des ressources humaines ,  La Banque Postale

Une priorité donnée à l’interne

La promotion interne est aujourd’hui clairement identifiée par les spécialistes RH comme un fort levier de fidélisation. « Tous les postes à pourvoir sont mis sur la Bourse de l’emploi interne avec une priorité absolue aux collaborateurs du groupe La Poste, explique Guillaume de Roucy. Nous nous autorisons à recruter à l’externe uniquement pour des postes très spécialisés, par exemple sur les risques climatiques ou les risques de marché. » Le postulat est le même pour le groupe Société Générale. « La promesse de mobilité a toujours été source de rétention des talents au sein du groupe Société Générale », relève Valérie Goutard. Pour les salariés passés par le programme reskilling de Société Générale, c’est un sentiment de reconnaissance qui s’instaure. « A 47 ans, j’avais une petite frustration personnelle, explique Irina Noble, désormais banquier patrimonial, Société Générale. J’avais ce regret de ne pas être en contact direct avec la clientèle. Cependant, je me disais que ce projet n’était pas réaliste. » Après être entrée au sein du groupe en middle-office dérivé actions, Irina travaille durant cinq années en qualité de directrice de projet à la conformité. En interne, elle demande alors un poste de banquier patrimonial et l’obtient. Elle bénéficie du programme de reskilling et suit une formation délivrée par Kedge Business School. « J’ai été écoutée en interne. Je suis désormais à l’agence Charles Péguy de Suresnes, pas loin de mon domicile et, au quotidien, je bénéficie de l’accompagnement d’un banquier patrimonial », détaille-t-elle. Pour la direction de Société Générale parcours d’Irina est un parfait exemple de reskilling réussi : « Le socle de compétences était présent, le projet était cohérent et il y avait une offre d’emploi signée, souligne Valérie Goutard. Nous l’avons donc logiquement accompagnée. »

Le reskilling fait partie des leviers mis en place par les établissements bancaires pour fidéliser les talents. Il aboutit à un turnover réduit. Il s’établit à 7 % au sein de la Banque Postale, contre 11 % en moyenne dans les banques. « Historiquement, notre taux de turn-over est en deçà de la moyenne du secteur, relève Guillaume de Roucy. Cela s’explique par un fort attachement des collaborateurs à la culture et à l’histoire de notre banque. » Une fidélisation qui tient aussi et surtout aux possibilités d’évolution interne.

Du département DSI à la fonction RH

Dans une logique de fidélisation et de rétention des talents, les grandes banques françaises mettent souvent en avant la pluralité de métiers qu’il est possible d’exercer au sein d’une seule organisation. De fait, certains profils parviennent en quelques années à changer totalement de métiers. Au sein de la Banque Postale, par exemple, Frédérique a d’abord rejoint le groupe en qualité de responsable de département DSI. C’était en 2006. Une année plus tard, elle devient responsable des partenariats au sein de la direction de la stratégie. Poste qu’elle occupera jusqu’en 2012, avant de devenir business manager (2012-2015), puis responsable développement des cadres stratégiques au sein de la DRH. En 2020, elle est nommée DRH opérationnel et devient ensuite responsable de la coordination des activités et projets transverses des DRH opérationnels.

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