Si l’environnement macroéconomique reste globalement porteur pour les entreprises, la visibilité sur les perspectives d’activité s’en trouve néanmoins réduite par rapport à la même période de l’an dernier, en raison notamment du regain de tensions protectionnistes dans le monde. Cette situation n’empêche toutefois pas les responsables financiers de se montrer confiants, leur projet de budget pour 2019 laissant la part belle aux investissements.
- Marc Rolland, directeur financier, Sodexo
- Philippe Garin, directeur financier, Korian
- Jean-Sébastien Leoni, directeur général adjoint finances, NGE
- Sylvain Béchet, directeur financier, GL Event
- Philippe Gautier, directeur financier, SMCP
- Nicolas Dutreuil, directeur financier, Gecina
- Catherine Mallet, membre du directoire finance & communication, Actia
- Marc Jacobs, directeur administratif, financier et ressources humaines et Wouaïd Nouri, directeur du contrôle de gestion et de la planification stratégique, Groupe Armor
- Guillaume Demulier, directeur financier, Roche Bobois
- Stanislas Piot, directeur financier, Balyo
Depuis quelques semaines, le processus budgétaire bat son plein au sein des entreprises. Après un exercice 2018 qui s’annonce positif pour la plupart d’entre elles sur le plan des résultats, la confiance semble de mise. Alors qu’Option Finance a interrogé dix directeurs financiers évoluant dans des groupes de tailles et de secteurs variés, les premières hypothèses retenues pour leur budget 2019 mettent en effet l’accent sur la croissance des investissements, notamment en recherche et développement ainsi qu’en capex. Aussi optimistes soient-ils, les responsables n’en restent pas moins vigilants. «Les incertitudes sont aujourd’hui plus nombreuses qu’il y a un an à la même époque, informe Ana Boata, économiste chez Euler Hermes. 2017 avait, il faut dire, constitué une année exceptionnelle, avec un commerce mondial en bonne santé et un alignement parfait des diverses zones géographiques en matière de croissance. Hormis les Etats-Unis, dont l’économie continue d’accélérer, nous observons désormais un ralentissement partout ailleurs, qui devrait se confirmer en 2019.»
Dans ce contexte, deux principaux risques suscitent la vigilance des directeurs financiers. Le premier concerne le Brexit, plus précisément les conséquences d’une sortie du Royaume-Uni de l’espace communautaire sans accord. Selon Coface, un tel scénario pourrait faire perdre 0,4 point de croissance à la zone euro en 2019 (à 1,5 %). Le second risque porte sur le regain de tensions commerciales. «Tandis que les Etats-Unis taxent à ce jour 200 milliards de dollars d’importations venues de Chine à hauteur de 10 %, ce taux doit grimper à 25 % dès janvier prochain, indique Julien Marcilly, économiste en chef chez Coface. Au-delà des conséquences directes sur la croissance chinoise, les répercussions sur les pays partenaires de l’Empire du Milieu devraient être plus marquées en 2019.» Or celles-ci seront loin d’être neutres. «Lorsque les Etats-Unis augmentent leurs droits de douane de 1 %, les exportations de valeur ajoutée à destination du pays visé tendent à reculer de 0,5 % en moyenne, poursuit Julien Marcilly. De quoi pénaliser de nombreuses entreprises européennes, par exemple dans le secteur automobile.» Plusieurs pays pourraient également pâtir d’une dépréciation de leur devise, ce qui est susceptible de fragiliser la rentabilité des sociétés présentes sur les marchés concernés.
Des délais de paiement en hausse
Si ces paramètres sont dans le viseur des dirigeants depuis plusieurs mois déjà, les économistes cherchent aussi à attirer leur attention sur d’autres facteurs. C’est le cas en particulier de la situation financière de nombreuses entreprises à l’international. «Le cycle économique actuel s’accompagne d’une forte accumulation de dette des entreprises, rappelle Ana Boata. Mais alors que les taux d’intérêt ont commencé à repartir à la hausse outre-Atlantique, la tendance devrait s’amplifier l’an prochain, notamment sous l’effet de la normalisation monétaire en Europe. Cela pourrait se traduire par une hausse de la sinistralité et par un allongement des délais de paiement, de nature à peser sur les trésoreries.»
D’autant que l’évolution des prix du pétrole, en hausse quasi continue depuis mi-2017, pourrait nuire à la profitabilité des sociétés. «La moitié du rebond des marges des entreprises françaises observé depuis 2015 s’explique par la baisse des coûts du baril enregistrée en 2014 et 2015, souligne Julien Marcilly. Ces derniers s’inscrivant dorénavant dans une dynamique haussière, il y a tout lieu de penser que le taux de marge, au mieux, plafonnera en 2019.» Les directeurs financiers sont prévenus.
Arnaud Lefebvre
Marc Rolland, directeur financier, Sodexo
- Chiffre d’affaires 2016-2017 : 20,7 Md e
- Secteur d’activité : services de qualité de vie (restauration collective, conciergerie, entretien d’espaces verts, maintenance…)
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
Dans l’ensemble de nos métiers et des pays où Sodexo est présent, nous employons des salariés locaux et recourons à des fournisseurs domestiques. Ce faisant, nous sommes peu affectés par les facteurs géopolitiques, exception faite des variations de change au moment de consolider les comptes des diverses entités du groupe. Comme l’activité mondiale continue de croître, l’environnement actuel ne nous préoccupe pas outre mesure. Ce constat ne nous empêche toutefois pas d’être vigilants sur plusieurs sujets. D’abord, le Brexit pourrait se traduire, au travers d’une dépréciation de la livre sterling, par une accélération de l’inflation importée. Or 30 % environ des denrées que nous achetons outre-Manche proviennent d’Europe continentale. En outre, nous surveillons de près l’inflation, salariale cette fois-ci, observée aux Etats-Unis. Favorisée par le retour de l’économie américaine au plein emploi, cette tendance nécessite d’être correctement évaluée et prise en compte sur le plan budgétaire, de manière à pouvoir être fidèlement répercutée sur les tarifs appliqués à nos clients. Parmi les évolutions favorables, nous devrions enfin bénéficier de la remontée récente des prix du pétrole, Sodexo disposant d’une activité de services significative à destination du secteur des énergies et des ressources naturelles.
Quelles sont les perspectives sectorielles pour 2019 ?
Soutenus par la croissance mondiale, les métiers de la restauration collective et des services devraient progresser de l’ordre de 2 % à 5 % par an au cours des prochaines années. Les perspectives sont donc positives, aussi bien en Europe qu’en Asie et en Amérique latine, la région la plus dynamique restant cependant l’Amérique du Nord.
Quelles seront les priorités de votre prochain budget ?
Sodexo étant en exercice décalé, nous avons débuté notre exercice 2018/2019 le mois dernier. A ce titre, nous avons récemment bouclé notre processus budgétaire. Sur la forme, nous avons choisi d’innover. Jusqu’alors, nous produisions pour nos quelque 40 000 sites un budget très détaillé mois par mois, sur un horizon d’un an. Dans un souci de simplification et pour mieux coller à la réalité, nous avons décidé de réduire le nombre d’indicateurs suivis et de nous projeter sur une période plus courte, de trois à quatre mois. Ce modus operandi, qui a été mis en œuvre pour la France, sera progressivement appliqué dans les autres pays. Sur le fond, notre priorité consiste à renouer avec des niveaux de croissance organique parmi les meilleurs du marché. Pour y parvenir, nous avons mis en place un nouveau «cadre de performance», reposant sur le suivi d’indicateurs plus opérationnels que financiers. Nous allons également renforcer nos investissements, en capex notamment. Nous avons enfin instauré un programme visant à redéployer nos coûts de structure : nous allons ainsi diminuer nos dépenses dans certains domaines (back-office, reportings, etc.) pour augmenter celles de domaines essentiels, comme le marketing et le digital. Notre enveloppe consacrée aux dépenses informatiques, dont celles liées au digital, va ainsi être relevée de 40 à 50 millions d’euros par an progressivement lors des prochains exercices, pour se porter à environ 400 millions par an.
A.L.
Philippe Garin, directeur financier, Korian
- Chiffre d’affaires 2017 : 3,135 Md e
- Secteur d’activité : services et soins aux seniors
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
Celui-ci est plutôt bon, en ce qui nous concerne. Implantés dans quatre pays européens, la France, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, nous ne travaillons qu’en devise euro, et sommes donc protégés des effets de change négatifs. Les conditions de financement extrêmement favorables ces dernières années ont largement profité à l’activité du groupe, tant sur le plan de la croissance externe que sur celui de la rénovation et de l’extension de son parc immobilier, ainsi qu’en termes de création de valeur patrimoniale. A titre illustratif, notre taux de détention d’actifs au global est passé de 14 % en 2016 à près de 20 % en 2018.
Quelles sont vos perspectives sectorielles ?
Porté par le vieillissement continu de la population – le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus en Europe croîtra de 3 % par an jusqu’en 2030 –, le marché européen des services et soins aux seniors connaît une croissance structurelle. Avec les progrès de la médecine et les évolutions technologiques, les solutions d’accompagnement et de prise en charge ne sont plus uniquement cantonnées aux maisons de retraite médicalisées, mais se diversifient vers les soins à domicile, les séjours temporaires ou les résidences services. Nous comptons renforcer notre présence sur ces différents services.
Quelles seront les priorités de votre budget 2019 ?
Notre processus budgétaire pour 2019 s’inscrit dans un plan à cinq ans lancé en 2016 et baptisé K2020. Par conséquent, il obéit dans un premier temps à une dynamique de «top-down», au cours de laquelle le siège communique à chacun des 760 établissements les grands indicateurs financiers du plan assortis de quelques ajustements. Dans un deuxième temps, ces établissements remonteront leurs anticipations aux cinq business units du groupe, qui les restitueront elles-mêmes, dans le courant de l’automne ,au siège selon une logique de «bottom-up».
Notre budget 2019 sera entièrement tourné vers la réalisation des objectifs de croissance communiqués par le groupe à l’occasion du lancement de K2020 : un chiffre d’affaires en progression de plus de 5 % et une marge opérationnelle de 14,3 %. L’an prochain, le groupe poursuivra par ailleurs ses investissements immobiliers et ses opérations de croissance externe, de prise de participation ou de partenariats.
T.F.
Jean-Sébastien Leoni, directeur général adjoint finances, NGE
- Chiffre d’affaires 2017 : 1,87 Md e
- Secteur d’activité : BTP
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
Alors que nous venons de débuter notre processus budgétaire, nous abordons cette tâche avec plus de sérénité que l’an dernier. Il faut dire que nous profitons d’une conjoncture extrêmement porteuse pour les marchés sur lesquels nous nous sommes positionnés : chantiers liés au Grand Paris, déploiement de la fibre très haut débit… En outre, en marge des élections municipales en 2020 en France, de nombreux travaux publics sont en cours de réalisation. En conséquence, nous disposons d’une très bonne visibilité sur notre activité.
Quelles sont les perspectives sectorielles pour 2019 ?
En un an, notre carnet de commandes a progressé de près de 25 %. Au titre de 2019, nous savons déjà que notre chiffre d’affaires acquis est en croissance de 30 %. Par conséquent, après une hausse attendue de notre chiffre d’affaires de plus de 6 % cette année, la dynamique devrait rester semblable l’an prochain. Nous sommes d’autant plus confiants que la tendance est également favorable à l’étranger, où nous réalisons 15 % de notre activité.
Quelles seront les priorités de votre prochain budget ?
Compte tenu de ces perspectives, la maîtrise de notre besoin en fonds de roulement restera la priorité. L’atteinte de cet objectif passera notamment, après la mise en place cette année d’un logiciel d’aide à la relance clients, par le lancement d’un nouvel ERP. Initié en partenariat avec la solution du Suédois IFS, cet ERP nous permettra d’avoir dès 2019 les premiers suivis en temps réel de l’évolution de chacun de nos chantiers, avec un déploiement de l’outil sur les deux prochains exercices. Grâce à cette solution, nous serons aussi en mesure de facturer plus rapidement. En parallèle, nous accroîtrons la taille de notre enveloppe dédiée aux investissements. Nous maintenons un haut niveau d’investissement dans notre parc de matériels : plus de 100 millions d’euros devraient ainsi être consacrés à l’achat et à l’entretien d’équipements et machines. Nous poursuivons nos efforts en matière de R&D et d’innovation, axe stratégique majeur de notre développement, avec une attention particulière sur les problématiques environnementales (53 % de notre budget R&D) : par exemple, nous avons récemment créé et déposé le brevet d’un tout nouvel outil d’intelligence artificielle capable d’analyser quasi instantanément la composition des matériaux extraits par les tunneliers. Enfin, pour accompagner l’accélération de notre croissance, nous renforçons depuis trois ans notre politique de recrutement. Après l’arrivée de plus de 2 000 collaborateurs au sein du groupe en 2018, il est probable que nous poursuivrons sur le même rythme.
A.L.
Sylvain Béchet, directeur financier, GL Event
- Chiffre d’affaires 2017 : 953,8 M e
- Secteur d’activité : événementiel
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
Plutôt favorablement, même si nous subissons, avec la dépréciation du real brésilien et de la livre turque par rapport à l’euro ces derniers mois, un effet de change négatif de 27 millions d’euros entre le 30 septembre 2017 et le 30 septembre 2018. Point positif, nous ne subissons que très marginalement l’incidence de la hausse des droits de douane américains, puisque l’essentiel de notre activité sur place dépend de ressources locales.
Quelles sont vos perspectives sectorielles ?
Pour un pays donné, la croissance du secteur de l’événementiel est en général légèrement inférieure à celle de l’économie. Aussi, la progression du marché en Europe devrait se situer autour de 2,5 % à 3 % l’an prochain et autour de 6,5 % en Asie. La Chine constitue donc, à ce titre, un marché particulièrement attractif, sur lequel nous ambitionnons de réaliser 100 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2020, contre 8 à 10 % aujourd’hui. Si, à l’échelle internationale, le nombre de mètres carrés allouables à l’organisation de manifestations publiques a augmenté de 20 % en moyenne chaque année depuis cinq ans, cette croissance annuelle a atteint 50 % en Chine sur la période. Quoique la dynamique de l’événementiel business ait quelque peu décliné ces derniers mois, les manifestations culturelles et sportives ont largement compensé ce ralentissement. La diversification de nos activités et de nos lieux d’implantation nous permet d’absorber les chocs lorsqu’un segment se porte moins bien.
Quelles seront les priorités de votre budget 2019 ?
Notre processus budgétaire suit, comme dans bien des entreprises, un cheminement pyramidal. Nos business units, au nombre d’une centaine dans le monde, se sont d’abord emparées du sujet à partir de septembre, avant que les responsables de nos trois grands pôles, GL events Live (événementiel corporate, institutionnel et sportif), GL events Exhibitions (salons) et GL events Venues (réseau de sites événementiels) ne livrent leurs arbitrages à compter d’octobre. Accompagnés des responsables financiers de nos principaux métiers, ils présentent en ce moment même leurs orientations à la direction générale, qui aura pour tâche de les ajuster avant leur présentation au conseil d’administration fin novembre. Par ailleurs, au cours de chaque exercice, deux phases de rolling forecast ont lieu en avril et en octobre.
Si le budget 2018 était tourné en grande partie vers l’amélioration de notre taux de sous-traitance interne, le fil rouge de notre budget 2019 sera l’optimisation de notre capacité de production et de l’allocation de nos actifs en vue de diminuer nos coûts directs. L’augmentation de notre masse salariale dans des proportions équivalentes à l’inflation et le renouvellement de nos capex seront également deux postes de dépenses importants en vue de soutenir notre activité. Enfin, forts de notre récente augmentation de capital de 107 millions d’euros menée à terme début octobre, nous avons signé des déclarations d’intention portant sur l’acquisition de deux sociétés organisatrices de salons en Chine réalisant respectivement 40 et 10 millions d’euros de chiffre d’affaires.
T. F.
Philippe Gautier, directeur financier, SMCP
- Chiffre d’affaires 2017 : 912,4 M e
- Secteur d’activité : luxe accessible
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
La plupart des pays dans lesquels nous sommes implantés, essentiellement en Europe de l’Ouest, aux Etats-Unis et en Chine, ont des tendances de consommation qui favorisent le marché du luxe accessible. Si, sur le plan commercial, la hausse des droits de douanes américains a une incidence négative sur nos importations aux Etats-Unis d’accessoires en provenance de Chine, ce rehaussement est compensé par la baisse récente des tarifs douaniers chinois sur le textile. En outre, du point de vue des devises, le renforcement actuel du dollar devrait nous permettre de compenser une partie de l’effet de change négatif subi au premier semestre.
Quelles sont vos perspectives sectorielles ?
Le marché du luxe dit «accessible», d’environ 130 milliards d’euros, est aujourd’hui plus important par la taille que celui du haut de gamme, et affiche la croissance annuelle mondiale la plus dynamique de tous les segments du retail textile, à 5 %. Bien sûr, cette expansion n’est pas uniforme. En France, le marché s’est plutôt contracté ces dernières années, tandis qu’en Chine, pays dans lequel nous avons ouvert quelque 40 magasins l’an dernier et où nous réalisons désormais près de 20 % de notre chiffre d’affaires, son développement frôle les 10 % annuellement. Sur le plan de la distribution, la numérisation de la vente au détail de vêtements et accessoires recèle des gisements de croissance considérable : en quatre ans, notre taux de pénétration digitale est passé de 3 % à 14 % de notre chiffre d’affaires.
L’e-commerce compte aujourd’hui pour près de la moitié de notre croissance en base comparable (like for like).
Quelles seront les priorités de votre budget 2019 ?
Comme chaque année, notre processus budgétaire suit un déroulement précis. Celui-ci a débuté en mai avec l’élaboration d’un business plan à cinq ans, validé par le conseil d’administration au mois d’août. Il y a quelques semaines, nos cinq business units, c’est-à-dire nos trois marques ainsi que nos antennes multimarques Amériques et Asie, ont fait remonter vers la direction générale leurs budgets prévisionnels pour l’année à venir. Sur la base de ces projections, il appartiendra à cette dernière de bâtir un budget global d’ici la fin du mois de novembre, qui pourra éventuellement être ajusté dans les prochains mois par le biais du rolling forecast.
Notre budget 2019 sera tourné, comme un certain nombre avant lui, vers le soutien de notre forte croissance, laquelle devrait s’élever l’an prochain à 11/13 % à taux de change constant (soit un revenu équivalent à 1,07 milliard d’euros). Ceci implique la réalisation d’investissements importants en immobilisations (capex), comme l’ouverture, la relocalisation ou la réfection de magasins, postes de dépenses annuels équivalents à 5 % de notre chiffre d’affaires, ainsi qu’en ressources humaines, qu’il s’agisse des forces de vente ou des équipes centrales. Nous disposerons pour ce faire de marges de manœuvre élargies, grâce notamment à notre introduction en bourse de fin 2017, qui nous a permis de réduire à la fois notre endettement et nos charges financières des deux tiers (10 millions au S1 2018 vs. 30 millions au S1 2017).
T. F.
Nicolas Dutreuil, directeur financier, Gecina
- Revenus locatifs bruts 2017 : 558,9 M e
- Valeur du patrimoine au 30 juin 2018 : 19,8 Md e
- Secteur d’activité : immobilier
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
Suite à l’évolution de notre actionnariat en 2014, la stratégie de Gecina a profondément évolué, ce qui nous a amenés à adapter notre façon de structurer notre budget. En effet, nous sommes passés d’un business model dans lequel la gestion de portefeuille bureaux était assez statique (notre activité consistait essentiellement à détenir des immeubles et à en encaisser les loyers) à une approche beaucoup plus dynamique. En effet, nous mettons dorénavant en œuvre une politique de rotation du patrimoine beaucoup plus volontariste, avec des acquisitions et des cessions d’actifs tout au long de l’année pour des volumes conséquents, qui se combine avec une politique de restructuration d’une partie de notre patrimoine contribuant ainsi à sa transformation progressive. Ce pipeline de projets de développements/restructurations représente environ 10 % de notre patrimoine avec les livraisons de plus de 300 000 m2 prévues dans les trois prochaines années. En conséquence, nous sommes passés d’un modèle de budget assez simple à construire, basé sur la prédiction de loyers sur un portefeuille d’immeubles, à un modèle beaucoup plus évolutif qui nous oblige à travailler notre budget de façon plus précise et dynamique. D’autant que le budget de Gecina, en tant que société cotée, a bien entendu une importance clé vis-à-vis du marché car il sert à préparer l’objectif de résultat (guidance) que nous communiquerons au moment de la publication des comptes annuels 2018 (publiés en février 2019).
Quelles sont les perspectives sectorielles pour 2019 ?
80 % de notre patrimoine est composé de bureaux, avec la priorité donnée aux zones très centrales (à Paris et notamment dans le quartier central des affaires). Ce marché présente d’excellentes perspectives compte tenu du très faible nombre de surfaces disponibles et de la forte demande des locataires à la recherche de surfaces de bureaux de qualité et très bien localisées.
Quelles seront les priorités de votre prochain budget ?
En 2017, nous avons réalisé une acquisition importante, celle d’Eurosic (1 240 000 m2, 6 milliards d’euros d’actifs en valeur de patrimoine contre 13 milliards pour Gecina). Il s’agit d’un vrai défi car même si, d’un point de vue opérationnel, la société est déjà totalement intégrée, nous allons pour la première fois incorporer ses immeubles dans notre processus budgétaire. A ce titre, l’un des axes forts du budget 2019 sera le suivi des synergies et de la maîtrise des coûts de structure à la suite à cette opération de croissance externe. En outre, l’intégration d’Eurosic dans notre budget n’empêche pas le développement parallèle de Gecina puisque nous allons continuer à regarder si d’autres acquisitions sont possibles au-delà de notre pipeline de développements.
A.M.
Catherine Mallet, membre du directoire finance & communication, Actia
- Chiffre d’affaires 2017 : 436,13 M e
- Secteur d’activité : fabrication de composants électroniques dédiés à la gestion des systèmes dans les domaines de l’automotive (électronique embarquée dans l’automobile), de l’aéronautique, du ferroviaire, des réseaux de télécommunications et de l’énergie
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
A partir du moment où nous remportons un appel d’offres, nous savons que le contrat en question nécessitera environ deux ans de R&D, un an de développement et générera quatre à cinq ans d’exploitation. De ce fait, nous bénéficions d’une excellente visibilité à moyen terme sur notre carnet de commandes, pour près de 70 % de notre activité. Pour autant, notre préparation budgétaire est aujourd’hui rendue compliquée en raison des incertitudes entourant l’achat de composants dits passifs (résistances, transistors, etc.). Depuis plusieurs années, nous étions habitués à voir leur prix diminuer de manière continue, ce qui amenait nos clients à réclamer une répercussion à la baisse sur nos propres prix.
Or les tarifs de ces composants ont récemment cessé de baisser en raison d’une demande qui explose pour ces matériels, soutenue notamment par la multiplication des objets connectés. Cette situation pourrait non seulement peser sur nos marges, mais aussi affecter nos capacités de production, les fournisseurs n’étant pas certains de pouvoir nous approvisionner en temps et en heure. Autre facteur de vigilance : la montée du protectionnisme. Si celle-ci ne nous touche pas directement, elle pourrait fragiliser nos clients constructeurs (automobiles, poids lourds, etc.) et les contraindre à réduire leur niveau d’investissement, ce qui nous pénaliserait par ricochet. Mais il ne semble pas s’agir d’un risque à court terme.
Quelles sont les perspectives sectorielles pour 2019 ?
Lors du premier semestre, notre chiffre d’affaires a progressé de 3,6 % sur un an. Sur l’ensemble de 2018, la croissance sera plus soutenue que prévu et 2019 s’annonce dans la même lignée. Nos clients continuent en effet de se développer, en particulier en Asie ou aux Etats-Unis, où nous renforçons notre outil de production.
Quelles seront les priorités de votre prochain budget ?
Notre principale ligne sera consacrée à la R&D. Traditionnellement, ce poste représente 15 % à 18 % de notre chiffre d’affaires. Finalisant le déploiement d’un ERP l’an prochain, nous continuerons également d’investir significativement dans nos systèmes d’information. En outre, après avoir consacré des efforts importants depuis trois ans dans des actifs immobiliers, avec notamment la construction d’une usine outre-Atlantique, nous allons ralentir nos dépenses dans ce domaine pour privilégier celles dédiées à l’entretien de nos matériels. Enfin, nous poursuivrons les actions visant à diminuer nos coûts et à augmenter notre productivité.
A.L.
Marc Jacobs, directeur administratif, financier et ressources humaines et Wouaïd Nouri, directeur du contrôle de gestion et de la planification stratégique, Groupe Armor
- Chiffre d’affaires 2017 : 256 M e
- Secteur d’activité : technologies d’impression
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
Malgré une conjoncture plus porteuse et une bonne visibilité sur nos carnets de commandes, nous évoluons depuis quelques années déjà dans un environnement rempli d’incertitudes. Alors que nous commençons à travailler sur le budget 2019, la situation ne s’est pas améliorée : remontée du prix du baril de brent (nous utilisons des matières dérivées du pétrole), tensions commerciales sino-américaines (une partie de nos produits expédiés aux Etats-Unis provient de Chine), impasse en ce qui concerne le Brexit, aléas politiques au Brésil…
Dans ce contexte, la prudence s’impose, même si nous restons confiants quant à nos perspectives.
Quelles sont les perspectives sectorielles pour 2019 ?
Tandis que notre activité de vente de cartouches d’encre a connu en 2018 un léger ralentissement en Europe, celle dédiée au ruban transfert thermique – il s’agit de notre principale activité – a enregistré une croissance à deux chiffres. L’an prochain, la dynamique devrait être sensiblement comparable. Ainsi, nous nous attendons à ce que nos marchés européens et américains progressent à un rythme globalement inchangé, et à ce que ceux situés dans les économies émergentes accélèrent fortement, notamment en Inde, en Afrique du Sud, en Chine ou encore dans certains pays d’Amérique latine. En capitalisant sur notre position de leader et sur notre internationalisation, nous devrions profiter pleinement de cette dynamique d’ensemble.
Quelles seront les priorités de votre prochain budget ?
Conformément à notre plan stratégique, l’accélération de notre croissance restera notre priorité. Pour ce faire, nous comptons renforcer nos positions dans les zones les plus attractives, particulièrement en Inde, en Afrique du Sud et en Afrique de l’Ouest, ce qui passera principalement par du développement organique. Toutefois, après avoir acquis cette année un fonds de commerce aux Etats-Unis, nous n’excluons pas de procéder à des acquisitions, si des opportunités se présentent à nous. Même si les enveloppes n’ont pas encore été arrêtées, nous continuerons donc d’investir de manière significative (capex, R&D, etc.). En outre, pour une ETI comme Armor, la gestion du cash est essentielle, quel que soit le contexte économique. A ce titre, la maîtrise de nos coûts demeurera un axe important du prochain budget.
A.L.
Guillaume Demulier, directeur financier, Roche Bobois
- Chiffre d’affaires 2017 : 249 M e
- Secteur d’activité : mobilier haut de gamme
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
Nous réalisons 28 % de notre chiffre d’affaires en Amérique du Nord, et, à ce titre, sommes très heureux que nos produits ne soient pas visés par les récentes hausses successives de tarifs douaniers mises en place par l’administration américaine. Sur le plan des changes, la hausse du dollar au premier semestre 2018 n’a eu qu’un effet limité puisque nous produisons tous nos meubles en Europe. En outre, nous ne sommes pas du tout exposés aux devises émergentes, qui se sont beaucoup dépréciées ces derniers mois. L’environnement actuel est donc plutôt favorable de notre point de vue.
Quelles sont vos perspectives sectorielles ?
En 2021, le segment du mobilier haut de gamme, soit 28 milliards d’euros, devrait compter pour environ 4,5 % des ventes globales de meubles. Sa croissance annuelle sur la période, de 4,9 % environ, devrait être supérieure à celle du marché global, de 4,3 %. L’Europe (43 % du segment), l’Amérique du Nord (29 %) et la Chine (4,1 %) sont les marchés qui tirent cette activité. De manière générale, la hausse de la démographie, l’urbanisation et l’enrichissement des populations, en particulier dans les pays émergents, sont d’importants moteurs structurels du marché de l’ameublement haut de gamme.
Quelles seront les priorités de votre budget 2019 ?
Notre budget est élaboré de façon «bottom-up». Les 79 filiales du groupe implantées en Europe, aux Etats-Unis et au Canada remontent en ce moment même leurs projections de chiffre d’affaires, de marges et de charges au contrôle de gestion central. Courant novembre, la direction financière travaillera avec les filiales pour ajuster ces prévisions et ces objectifs à ceux du groupe. Ces arbitrages seront ensuite soumis au comité d’audit et au conseil de surveillance dans les premiers jours de décembre. En outre, chaque année, nous réalisons trois révisions budgétaires, chacune fondée sur un trimestre réel.
Pour 2019, nous avons pour ambition de faire passer notre taux d’Ebitda consolidé, indicateur qui, selon nous, est le plus représentatif de notre activité d’éditeur, de franchiseur et de distributeur, de 8,4 % actuellement à au moins 10 %. Notre budget consolidé pour l’an prochain doit être compatible avec cet objectif. A plus long terme, nous envisageons d’augmenter notre chiffre d’affaires de 249 millions d’euros en 2017 à 320 millions d’euros en 2021. A cette échéance, notre rentabilité opérationnelle pour le marché français devra se hisser au niveau de celle de la moynne du groupe, soit 8 %. Sur la période 2018-2021, nous procéderons à l’ouverture de 55 magasins, dont quatre en propre aux Etats-Unis l’an prochain et une dizaine en franchise. Enfin, nous réaliserons des investissements dans le digital, à la fois dans nos points de vente avec l’implémentation de la réalité virtuelle, mais aussi en ligne, avec la marchandisation des sites Roche Bobois et Cuir Center.
T. F.
Stanislas Piot, directeur financier, Balyo
- Chiffre d’affaires 2017 : 16,4 M e
- Secteur d’activité : robotisation de chariots de manutention
Comment jugez-vous l’environnement actuel ?
La préparation budgétaire représente cette année un chantier aussi important que complexe. Mais cette double caractéristique tient plus à notre propre situation qu’au contexte macroéconomique ou géopolitique. Entre 2016 et 2017, notre chiffre d’affaires a bondi de 218 %. Au premier semestre 2018, il a encore progressé de 56 %. A ce titre, le budget est essentiel pour organiser notre croissance, ce qui réclame une forte mobilisation de mes équipes.
Quelles sont les perspectives sectorielles pour 2019 ?
Même si Balyo est un groupe industriel, propriétaires d’usines pour concevoir et fabriquer des chariots de manutention, il constitue avant tout une société technologique, ces derniers étant robotisés, car totalement autonomes et capables de circuler dans presque tous les environnements industriels. Toutes les études consacrées à l’industrie 2.0 aboutissent au même constat, à savoir que la robotisation des engins va s’accélérer, car ils génèrent des des gains de productivité substantiels pour les industriels et augmentent la sécurité au sein de leurs espaces.
Quelles seront les priorités de votre prochain budget ?
Afin d’innover toujours plus et de rester un leader technologique dans notre domaine, nous allons poursuivre nos efforts d’investissement en R&D. Mais il sera nécessaire de procéder à des arbitrages. Nos ressources sont en effet limitées et nous devrons également impérativement nous atteler à la gestion de notre développement. Pour ce faire, nous prévoyons de renforcer nos équipes dédiées à la vente et au marketing. Le département finance/ressources humaines pourrait également être concerné, de manière à pouvoir accompagner au mieux les équipes opérationnelles sur les trois continents où nous sommes désormais présents. En outre, nous poursuivrons notre déploiement sur des marchés porteurs, notamment les Etats-Unis et l’Asie.
A.L.