Dans un contexte économique incertain, les profils de financiers capables d’aider leur organisation à tenir le cap, en particulier les comptables et les responsables administratifs et financiers, sont actuellement les plus plébiscités par les entreprises. D’autres profils, tels que les analystes ESG ou les juristes financiers, sont également très recherchés au regard de leur forte spécialisation et de leur rareté sur le marché de l’emploi.
Après avoir marqué le pas en début d’année 2023, notamment en raison du contexte économique et du fort ralentissement de la croissance, les recrutements dans les métiers de la finance sont beaucoup plus dynamiques depuis cette rentrée. « Depuis le mois de septembre, nous constatons une augmentation de la demande des entreprises, en particulier sur des postes de comptabilité », souligne Matthieu Cassan, consultant exécutif chez Fed Finance. Un constat partagé par Robert Half dans son classement annuel sur les « Jobs en Or » dans lequel les postes de comptable général, comptable fournisseurs et responsable administratif et financier occupent respectivement les 4e, 5e et 6e positions, tandis que les contrôleurs de gestion et les trésoriers sortent de ce Top 10. « Alors qu’en 2022, les entreprises recherchaient plutôt des profils capables de les accompagner dans leur croissance et leur transformation digitale, cette année ce sont plutôt les fonctions financières, et en particulier de comptabilité, qui sont très plébiscitées au regard de leur capacité à faire fonctionner l’entreprise dans le contexte incertain que nous traversons », relève Aurélien Boucly, directeur of permanent talent chez Robert Half.
Comptable général : la perle rare
C’est tout particulièrement le cas pour les postes de comptable général, un profil recherché par tout type d’entreprise mais également par les cabinets d’experts-comptables. Bras droit du directeur comptable et au cœur de la gestion quotidienne de l’entreprise, il tient les comptes et supervise la comptabilité auxiliaire (comptabilité fournisseur, clients et trésorerie), effectue les opérations de clôture, établit les documents fiscaux et contrôle les opérations des banques. « La pénurie actuelle de candidats sur ces profils, indispensables pour faire tourner une entreprise, est essentiellement due au très fort turn-over dans la profession, constate Matthieu Cassan. Des départs notamment consécutifs à la période Covid et à la nouvelle aspiration des collaborateurs de mieux équilibrer vie personnelle et vie professionnelle. » Pour attirer ces candidats (comptable général) à la fois très sollicités et de plus en plus exigeants en termes de conditions de travail, les entreprises n’ont d’autres choix que de revoir à la hausse leurs niveaux de rémunération. Selon Robert Half, les salaires sur ces profils ont en moyenne augmenté de 5 à 10 % en 2023.
31 % des départements financiers augmenteront leurs effectifs en 2024
- 31 % des départements financiers vont procéder à des embauches en CDI avec pour objectif de créer des postes, augmentant leurs effectifs, en 2024, selon une enquête du cabinet Robert Half. Mais la plus grande part de ces départements (48 %) maintiendront simplement leurs effectifs.
- Pour 11 % d’entre deux, il y aura gel des embauches (et donc baisse des effectifs à la suite des départs naturels), tandis que 10 % procèderont à des suppressions de postes, via des licenciements.
Comptable fournisseur : un métier en mutation
Le comptable fournisseurs est également un profil rare sur le marché de l’emploi. Ces postes, généralement proposés par les entreprises qui traitent de gros volumes d’achats sont accessibles pour les jeunes récemment diplômés en comptabilité. Cependant, ces jeunes candidats font souvent leurs premières armes dans les cabinets de comptabilité ce qui rend difficile leur recrutement par les entreprises. Par ailleurs, ils aspirent souvent et rapidement à des fonctions comptables à plus forte valeur ajoutée (comptabilité auxiliaire par exemple). « Ils occupent pourtant un rôle clé au sein de leur organisation à laquelle ils permettent d’obtenir une comptabilité à jour et de bonnes relations avec leurs partenaires, souligne Aurélien Boucly. Ils doivent en outre s’assurer du bon règlement des factures dans les temps et les imputer dans les comptes de charge. Le comptable fournisseurs est également garant de l’obtention des règlements pour respecter les délais de clôture. Au-delà de sa fonction technique, il accompagne la transformation des services comptables. »
Ces dernières années, le métier de comptable fournisseurs a lui-même été fortement impacté par le digital, et en particulier par le développement des outils de dématérialisation des factures. Une tendance qui devrait se renforcer avec le passage obligatoire à la facturation électronique, à horizon 2026. « Ils sont de moins en moins attendus sur la saisie et le traitement des factures, désormais réalisés de manière automatique par les outils, précise à ce sujet Matthieu Cassan. En revanche, il leur revient désormais d’analyser les raisons de rejet d’une facture, de comprendre pourquoi elles ne sont pas réglées (erreur sur le numéro de bons de commande, mauvais circuit de validation…). » Une évolution qui vient à point nommé dans les entreprises qui, pour les attirer ou fidéliser des profils jeunes et volatils, doivent valoriser les missions qui leur sont confiées. En parallèle, elles ont également dû revoir la grille de rémunération de ces comptables. « C’est d’ailleurs probablement la raison pour laquelle nous observons une augmentation des salaires sur cette fonction, par exemple passés de 26 000 à 28 000 euros en moyenne pour un jeune diplômé ces derniers mois », observe Matthieu Cassan. Dès lors qu’il est bilingue anglais, qu’il maîtrise SAP et qu’il peut gérer la comptabilité fournisseur de la saisie jusqu’à la clôture des comptes, le comptable fournisseur peut prétendre à un salaire de 35 000 euros par an.
«La pénurie actuelle de profils de comptables tient notamment à des départs consécutifs à la période Covid, liés à la recherche d’un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.»
RAF : un profil aux compétences transverses
Le marché de l’emploi est aussi très favorable aux responsables administratifs et financiers (RAF). « Il y a dix ans, ces candidats étaient frileux pour changer de poste et prenaient le temps de la réflexion, poursuit Aurélien Boucly. Nous constatons aujourd’hui qu’ils sont beaucoup plus ouverts à un changement d’entreprise et beaucoup plus mobiles. Ils sont par ailleurs très demandés car ils interviennent généralement dans des sociétés de taille intermédiaire, très présentes dans notre tissu économique ». Les RAF coordonnent et supervisent à la fois la comptabilité, la trésorerie, le contrôle de gestion et proposent une politique financière à court, moyen et long terme. Ils ont pour vocation d’accompagner, de soutenir et de conseiller les dirigeants dans les stratégies financières liées notamment à leurs projets de transformation et de croissance. Ils peuvent être sollicités pour lever des fonds, faire des économies ou mettre en place des projets et rendre possible le bon équilibre budgétaire indispensable à toute structure. Ce sont généralement des profils polyvalents sur les sujets de la comptabilité, de la finance, des ressources humaines et parfois même de l’administration des ventes. « Leur niveau de rémunération est néanmoins stable, compris entre 65 000 et 85 000 euros par an pour les plus expérimentés », ajoute Aurélien Boucly.
«Le pilotage de la performance extra-financière pousse au recrutement d’analystes ESG et RSE.»
Analystes ESG : les financiers appréciés pour leur rigueur
Parallèlement à ces profils très techniques, la finance recrute également de plus en plus des experts de la data, en particulier dans le domaine ESG. Depuis 2019, le cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers à impact positif Birdeo a ainsi embauché plusieurs dizaines d’analyses ESG. « De plus en plus d’entreprises, qu’elles soient ou non contraintes par les réglementations RSE et ESG (telles que la CSRD), travaillent sur leur performance extra-financière, souligne Isabelle Mouret de Lotz, directrice executive search chez Birdeo. A cet effet, elles cherchent des profils qui comprennent ces réglementations et qui sont méthodiques avec une agilité et une curiosité intellectuelle pour manipuler et analyser des datas de natures différentes. Des attentes auxquelles les analystes financiers peuvent répondre dans la mesure où ils connaissent les fondamentaux de la finance et qu’ils acquièrent des compétences sur les enjeux de durabilité des entreprises, mesurés et suivis par les indicateurs ESG. » Pour recruter ces profils encore peu nombreux, les entreprises misent aussi bien sur la mobilité interne, que sur des indépendants ou des CDI et proposent des salaires attractifs, à partir de 50 000 euros par an pour un analyste ESG avec 3 à 5 ans d’expérience.
Juriste financier : un métier de niche
S’il est peu plébiscité dans le monde de l’entreprise, le juriste financier est en revanche très recherché par les banques institutionnelles et les sociétés de gestion. Il fait d’ailleurs aussi partie cette année du Top 10 des « Jobs en Or » de Robert Half. « Il s’agit d’un métier de niche, réservé au monde de la gestion de fonds, de l’asset management et du private equity », explique Charlotte Suffys, talent manager chez Robert Half. Sur le secteur des assets en plein développement, ces profils sont d’autant plus rares qu’ils requièrent à la fois des compétences juridiques mais également financières, comptables et fiscales. Ils sont également très attendus sur leurs compétences linguistiques et sont à minima bilingue, voire trilingue. Leur mission consiste notamment à conseiller et à assister les collaborateurs traitants avec les clients sur toute la partie rédaction des contrats spécifiques aux fonds d’investissement, secteur où la réglementation évolue particulièrement vite et sur laquelle ils doivent être en veille permanente. Conséquence de la pénurie de ces profils, leur niveau de rémunération, déjà élevé (de 80 000 euros jusqu’à 180 000 euros par an), a cette année augmenté en moyenne de 5 000 euros par niveau d’expertise.
Que ce soit dans la finance d’entreprise ou dans le secteur de la finance, les professionnels du chiffre restent donc à ce point plébiscités que leurs revenus ont, cette année, globalement davantage augmenté que le niveau de l’inflation. Des profils qui sont également de plus en plus recherchés par des métiers connexes à la finance.