Pour accompagner les seniors dans leur transition emploi-retraite, les entreprises du secteur de la finance activent différents leviers, en tête desquels figurent le temps partiel senior et le mécénat de compétences. L’enjeu est important pour ces entreprises, au regard de la part des seniors dans leurs effectifs, de leur forte expertise métier mais également du coût de ces dispositifs.
Le taux d’emploi des seniors dans le secteur des banques et assurances est légèrement supérieur à la moyenne nationale, qui s’établit à 16,8 % pour les 55-64 ans, selon la direction générale du Trésor (2022). Ainsi, l’Association française des banques comptait 18,7 % de plus de 55 ans en 2021, tandis que France Assurance en recensait 18,3 %. Des chiffres que confirment d’ailleurs certains acteurs de la place. Chez Allianz Trade, en France, les seniors représentent ainsi un cinquième des collaborateurs. Même constat chez Apicil qui compte 18 % de plus de 60 ans dans ses effectifs.
Un nécessaire maintien de l’employabilité
« La part des seniors parmi nos collaborateurs est importante et nécessite une attention d’autant plus particulière qu’au-delà de leur expertise métier, la plupart sont chez nous depuis suffisamment longtemps pour avoir vécu l’évolution de notre organisation, précise Florence Lecoutre, membre du board of management d’Allianz Trade, en charge notamment des ressources humaines. Ils sont à ce titre détenteurs d’un savoir qu’il est nécessaire pour nous de préserver. » Un constat qui incite les entreprises concernées, à les fidéliser et à s’assurer de leur employabilité. « Nous veillons notamment à ce qu’ils bénéficient des mêmes évolutions de salaire que tous les autres collaborateurs de l’entreprise, poursuit Florence Lecoutre. Le renforcement de leur employabilité passe également par le maintien des seniors dans les plans de formation et de développement de compétences de leur organisation. Leur poids dans nos effectifs est tel que nous courrions en effet un risque opérationnel à ne pas les former. »
Des seniors impliqués dans la transmission des savoirs
Au-delà de leur propre montée en compétences, les seniors sont également plébiscités pour être des « formateurs » au sein de leur organisation. Apicil propose ainsi aux seniors de s’inscrire dans une démarche de transmission des savoirs dans le cadre de sa politique de recrutement d’alternants. « Nos salariés de plus de 55 ans ayant une certaine expertise métier ont la possibilité de transmettre leur savoir aux plus jeunes mais aussi aux alternants, via le tutorat, indique Sofiene Chaabani, responsable domaine RH au sein du groupe APICIL. D’ailleurs, pour les accompagner dans cette démarche et leur fournir un appui et une méthodologie pour transmettre leurs compétences, nous leur proposons de passer une certification reconnue par l’Etat d’expert pédagogique. »
La direction financière impliquée dans l’élaboration des dispositifs seniors
Au-delà des nécessaires négociations entre les DRH et les représentants syndicaux, il est indispensable que l’entreprise mesure le coût des dispositifs d’accompagnement des seniors en fin de carrière qu’elle souhaite activer, et donc, leur faisabilité financière. « Certains de ces dispositifs tels que le temps partiel senior, la retraite progressive ou même la compensation du malus en retraite complémentaire peuvent à l’inverse être source d’économie, précise Marina Rouxel, responsable de l’offre transition emploi retraite chez Mercer. Par exemple, il sera plus avantageux pour les entreprises d’indemniser le malus en retraite complémentaire que de garder, et donc rémunérer un an de plus, un senior qui arrive à l’âge légal de la retraite. » Ces coûts ou économies varient en fonction de différents critères dans l’entreprise et en particulier du poids des seniors dans les effectifs, mesures activées, avantages accordés… Leur évaluation relève généralement de la direction financière qui a la possibilité de se faire aider dans cette démarche par des sociétés de conseils spécialisées sur le sujet ou encore des actuaires. « Nous échangeons à ce sujet aussi bien avec les DRH, des juristes et des DAF, précise l’associé d’une société de conseils en actuariat. Avec les financiers, nous travaillons notamment sur les hypothèses de projection de coûts de ces dispositifs et sur ce qu’il est possible de faire pour l’entreprise d’un point de vue financier. Cet accompagnement des financiers va être d’autant plus important avec la réforme des retraites qui aura un impact indirect sur les contrats de prévoyance/santé et un impact direct sur les dispositifs d’aménagement de fin de carrière (dispositifs de préretraite, retraite progressive, mécénat…). »
Un accès au temps partiel facilité
Allianz Trade compte de son côté mettre en place, après discussion avec les partenaires sociaux et les équipes RH, un dispositif de « job sharing » pour les seniors qui le souhaitent, qui consiste à partager leur temps de travail avec un autre collaborateur. Le senior pourra alors consacrer une partie de ce temps libéré à former d’autres collaborateurs en interne. « Nous constatons une appétence des seniors pour le transfert de compétences, poursuit Florence Lecoutre. Certains se sont même découvert un talent de formateurs. Cette démarche est d’ailleurs aussi valorisante pour le senior que pour l’entreprise car elle contribue souvent à une intégration plus rapide et efficace des nouveaux arrivants qu’une formation traditionnelle. » La mesure de job sharing d’Allianz répond aux mêmes objectifs que le temps partiel senior de plus en plus souvent proposé au sein des grandes entreprises. « Nous proposons le temps de travail à temps partiel à tous nos collaborateurs à trois ans de la retraite tout en garantissant le maintien des cotisations assurance vieillesse sur la base d’un taux plein », précise Sofiene Chaabani. Cette démarche permet aux collaborateurs qui le souhaitent de changer progressivement de rythme de travail mais également de se consacrer à d’autres activités, en particulier associatives.
Des avantages fiscaux pour le mécénat de compétences
D’ailleurs, certaines entreprises favorisent ainsi le « mécénat de compétences » qui consiste à proposer à leurs salariés seniors de s’investir auprès d’un organisme d’intérêt général ou d’utilité publique pendant son temps de travail. Plébiscitée par les seniors, cette mesure ouvre droit à un avantage fiscal pour les entreprises, correspondant à une réduction d’impôt sur les sociétés de 60 % appliquée à la part du salaire chargé perçu par le salarié pour le temps passé auprès de l’organisme. « Si les dispositifs fiscaux en vigueur s’appliquent toujours, nous allons également discuter avec nos partenaires sociaux d’un second programme, cette fois centré sur le mécénat de compétences précise Florence Lecoutre. L’idée est de donner à nos seniors, à deux ans de la retraite, la possibilité de prendre un engagement associatif. Ils pourront alors consacrer 50 % de leur temps à une association que nous choisirons ensemble et garderont une rémunération pouvant aller jusqu’à 80 % de leur salaire, ainsi que 100 % de leur cotisation retraite. Bien que coûteux pour l’entreprise, ce dispositif reste plus intéressant qu’un plan de départ en préretraite, que cela soit sur le plan sociétal mais également fiscal. »
«Bien que coûteux pour l’entreprise, le mécénat de compétences reste plus intéressant qu’un plan de départ en préretraite. »
Une anticipation du départ à la retraite
Si dans les secteurs liés à la finance et en particulier dans les assurances, les démarches auprès des seniors visent davantage à les retenir qu’à les inciter au départ, certaines entreprises accompagnent néanmoins ceux qui souhaitent anticiper l’âge légal de leur départ à la retraite, sans pour autant être pénalisés sur le montant de leurs droits. Plusieurs mécanismes peuvent alors être activés tels que les congés de fin de carrière, le rachat de trimestres financé par l’employeur, le versement d’une indemnité de fin de carrière majorée ou encore les abondements du compte épargne temps (CET). « Nous proposons depuis peu d’abonder de 30 % (en nombre de jours) le CET lorsqu’il est mobilisé dans le cadre d’une retraite par anticipation, précise Sofiene Chaabani. Sur cette même base, nous réfléchissons également à monétiser ce temps épargné pour que le collaborateur qui souhaite mettre en place un départ à la retraite progressif bénéficie d’un maintien de salaire à temps plein. » L’enquête Mercer sur la transmission emploi-retraite (2022) met pour sa part en exergue le recours au dispositif de « compensation du malus en retraite complémentaire » pratiqué tout particulièrement dans le secteur banque/assurance. « Il consiste pour l’employeur à verser au salarié une indemnité compensatoire au malus Agirc-Arrco de 10 % pendant trois ans, s’il part à l’âge du taux plein précise Marina Rouxel, responsable de l’offre transition emploi-retraite chez Mercer. L’exonération de ce malus, qui existe depuis 2019, est prévue pour les salariés qui acceptent de reculer d’un an après l’âge du taux plein, leur départ à la retraite. La mise en place de ce dispositif nécessite néanmoins que le service ressources humaines puisse estimer le montant du malus applicable sur la retraite complémentaire des salariés. » Ces différents dispositifs sont autant de leviers pouvant être proposés aux collaborateurs seniors notamment dans le cadre de la réalisation de leur bilan retraite individuelle. Une dernière démarche qui, selon l’enquête Mercer, arrive d’ailleurs en tête des mesures mises en place dans le secteur banque/assurance, avec le mécénat de compétences.