Face à des candidats de mieux en mieux préparés aux oraux et à la rareté de bons profils, les directeurs financiers doivent apporter un soin particulier à leur processus de recrutement. Ils doivent y consacrer du temps et surtout vérifier tant les compétences techniques que les qualités humaines de leurs futurs collaborateurs.
Recruter devient un exercice de plus en plus difficile pour les directions financières. Ces dernières sont notamment confrontées à des candidats de mieux en mieux préparés. «Formés par les grandes écoles ou lors de leurs précédentes expériences en cabinets de conseil, les candidats ont aussi à leur disposition toutes les informations sur l’entreprise grâce à Internet, relève Christophe Clerc, vice-président exécutif finance de Delfingen et également directeur des ressources humaines. En outre, les bons profils de financiers se font rares et les recrutements s’opèrent souvent dans l’urgence. «Il est donc courant de se tromper comme cela m’est déjà arrivé : j’ai embauché des candidats car ils étaient disponibles immédiatement alors que je pressentais pourtant que, compte tenu de leur caractère, ils auraient du mal à s’intégrer dans l’équipe», ajoute Christophe Clerc.
Dans ce contexte, un soin particulier doit être apporté à l’exercice d’entretien d’embauche. La première étape consiste à bien identifier les candidats à convoquer. Certains directeurs financiers s’appuient dans ce cadre sur des compétences extérieures. «Nous recrutons environ deux cadres supérieurs clés par an au sein de la direction financière, explique Michel Favre, directeur financier de Faurecia. Pour chaque poste ouvert, nous faisons appel à des chasseurs de têtes qui nous fournissent une liste de candidats parmi laquelle nous en sélectionnons environ cinq pour les rencontrer.»D’autres directeurs financiers préfèrent réaliser en direct cette tâche de sélection. «Pour les trois à quatre recrutements que j’effectue chaque année en finance, je sollicite mes contacts pour savoir s’ils ne connaîtraient pas des professionnels en recherche, mais surtout je sélectionne des profils sur Internet et les réseaux sociaux, et en particulier LinkedIn, précise Christophe Clerc. Avant de les convoquer, je m’assure au cours d’un rapide entretien téléphonique que j’ai compris leur parcours et qu’ils ont bien saisi les caractéristiques du poste.»
Des questions techniques
En dehors de ce préalable qui peut faire gagner en rapidité, les directeurs financiers doivent ensuite recevoir les candidats dans de bonnes conditions. Ils doivent notamment être conscients qu’ils ont aujourd’hui besoin de consacrer plus de temps pour repérer les bons profils. «Nous prévoyons en général une demi-journée pour convoquer successivement les candidats afin de plus facilement les comparer entre eux, explique Michel Favre. La directrice des ressources humaines les rencontre en parallèle, ce qui nous permet de confronter nos points de vue a posteriori sans s’influencer pendant l’entretien.» Le jour J, il faut également laisser le temps au candidat de se dévoiler. «Je consacre généralement une heure par personne, souligne Christophe Clerc. J’opte pour une attitude bienveillante afin d’instaurer un climat de confiance qui l’amène à se livrer.»
Pour l’entrée en matière, la plupart des directeurs financiers choisissent à ce titre de démarrer l’entretien par une présentation de l’entreprise. «Je consacre tout d’abord cinq minutes à mettre en avant les atouts de Faurecia, illustre Michel Favre. En effet, le but est aussi que le candidat reparte avec une bonne connaissance de la société et qu’il sache s’il a véritablement envie de la rejoindre.»
Mais certains directeurs financiers préfèrent au contraire commencer par donner la parole au postulant. «Je laisse toujours cinq à dix minutes au candidat au début pour lui permettre d’expliquer les points les plus importants selon lui au regard du poste à pourvoir, souligne Nicolas Badré, directeur financier de Nexans. C’est l’occasion pour moi à la fois de sentir si le candidat a vraiment envie du poste et de rebondir ensuite sur certains éléments au moment des questions-réponses.»
Lors de la suite de l’entretien, les directeurs financiers doivent vérifier les compétences techniques du candidat. Sur ce premier point, certains n’hésitent pas à creuser le sujet. «Il est important d’avoir un ou deux débats techniques, estime Nicolas Badré. Lorsque j’ai recruté un directeur financier d’entité, j’ai demandé à un candidat qui avait indiqué sur son CV savoir gérer les couvertures de m’expliquer comment il se couvrirait contre les variations du cours du cuivre car cette matière première représente une part significative de nos coûts. Pour recruter un responsable de la consolidation, j’ai en revanche plutôt posé des questions sur les impacts des normes comptables comme IFRS 15.»Si les directeurs financiers attachent de l’importance aux réponses apportées à ces questions, une erreur du candidat n’est toutefois pas rédhibitoire.«Je ne suis pas fermé à recruter un professionnel qui ne dispose pas de l’ensemble des compétences techniques exigées pour un poste donné», souligne Olivier Casanova, directeur financier de Tereos.
Des expériences à détailler
En effet, au-delà des compétences techniques, les directeurs financiers attendent de leurs futurs collaborateurs certaines qualités personnelles. «Lors de l’entretien, je cherche à comprendre comment le candidat a géré sa carrière, explique Michel Favre. Je vérifie en particulier que son ambition coïncide avec celle de Faurecia. Par exemple, un contrôleur de gestion qui n’aurait effectué que des missions de reporting sans jamais avoir de fonction de manager risque de manquer d’ambition pour évoluer dans la société.» Outre l’ambition, le recruteur éprouve également l’honnêteté du candidat. «Il est crucial qu’il soit transparent sur son parcours et sur ses connaissances, affirme Nicolas Badré. Par ailleurs, je demande au postulant de me raconter son expérience opérationnelle car j’estime essentiel de connaître les process de l’entreprise dans laquelle on travaille. Enfin, pour les postes à responsabilités, je m’enquiers du style de management du candidat : s’il a eu uniquement l’habitude de gérer des équipes présentes sur un seul site, j’essaye de comprendre comment il aborderait la gestion d’équipes décentralisées.»
Pour vérifier tous ces éléments, les directeurs financiers sont unanimes : il faut surtout éviter le piège de passer en revue l’ensemble du CV. «Je m’arrête au contraire sur un nombre restreint de points afin de les aborder en profondeur, explique Olivier Casanova. Je demande ainsi généralement au candidat de me raconter des succès et des échecs rencontrés dans sa vie professionnelle.» Cette technique vise à obtenir des réponses plus développées de la part du postulant. «Elle permet notamment de comprendre en détail quelle a été sa contribution personnelle à l’occasion d’une expérience donnée et quels enseignements il en a tiré, précise Olivier Casanova. Elle nécessite pour ma part de faire preuve d’une bonne écoute et de poser de nombreuses questions pour approfondir de plus en plus un sujet donné.»
Pour les directeurs financiers, la maîtrise de ce type de techniques s’acquiert essentiellement par la pratique. «Lors de mon premier emploi à Saint-Gobain, j’ai dû créer de toutes pièces une équipe en Pologne, se souvient Nicolas Badré. Je n’avais alors aucune expérience dans le domaine du recrutement, mais j’ai pu m’appuyer sur les conseils de professionnels.» Des formations managériales permettent également de se perfectionner à l’exercice du recrutement. Pourtant, peu de directeurs financiers y ont aujourd’hui recours.
De l’art de déjouer les réponses formatées des candidats
- Face à des candidats de mieux en mieux préparés aux entretiens d’embauche, les directeurs financiers doivent développer de nouvelles techniques. «Pour contourner leurs réponses formatées, je leur pose des questions auxquelles ils ne s’attendent pas, explique Christophe Clerc, vice-président exécutif finance de Delfingen. Je leur demande par exemple s’ils ont eu des mentors au cours de leur carrière, une réponse affirmative signifiant que la personne est à l’écoute et souhaite apprendre.»
- Autre méthode : prêter attention au langage corporel des candidats. «Je me concentre notamment sur leur gestuelle, leur regard et le son de leur voix qui reflètent leur niveau de stress, même pour des candidats très préparés, relève Christophe Clerc. Ainsi, certains d’entre eux font preuve d’exubérance à l’oral mais montrent des signes de stress dans leur gestuelle. Ceux-ci risquent notamment d’être difficiles à manager car ils pourraient ne pas admettre leurs points faibles une fois en poste.»