Malgré la législation qui impose en France un quota de femmes administratrices, les entreprises ne sont pas toutes en règles. Pour remédier à cette situation, elles doivent encore faire évoluer leur culture et s’intéresser aux profils féminins.
Pour célébrer la journée des femmes, le 8 mars dernier, Emmanuel Macron a décidé de s’inviter chez Gecina, société du SBF 120 exemplaire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Dès 2014, la foncière a mis en place l’égalité salariale. Un an plus tard, la proportion de femmes dans son conseil d’administration atteint 50 %, soit un niveau supérieur au seuil légal de 40 % fixé par la loi Copé-Zimmermann. Depuis 2017, cette dernière doit être respectée par les entreprises cotées et celles comptant plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros.
Pourtant, malgré la loi, la gouvernance des entreprises reste encore une affaire d’hommes. Si la plupart des sociétés du SBF 120 ont joué le jeu, puisqu’en moyenne leur conseil d’administration est constitué à 39 % de femmes, certaines entreprises sont encore loin du compte.
C’est le cas de Nokia Corporation ou encore de Gemalto qui ne possèdent respectivement que 30 % et 27,3 % de femmes dans leur conseil d’administration. «Au-delà du SBF 120, les 500 autres sociétés cotées affichent péniblement 24 % de femmes dans les conseils d’administration, regrette Lucille Desjonquères, présidente de l’International Women’s Forum France et fondatrice de Leyders associates-Femmes au cœur des Conseils.Les ETI, avec seulement 16 % de profils féminins, doivent aussi respecter les obligations réglementaires.»
Changer les mentalités
Pourtant, la méthode appliquée par le groupe Gecina pour réussir à faire entrer plus de femmes dans son conseil d’administration paraît à la portée de toutes les entreprises : «Pour féminiser son conseil d’administration, il faut un peu de loi… et beaucoup de conviction !» revendique Bernard Michel, président du conseil d’administration de la foncière. En effet, la volonté du dirigeant est la clé de la féminisation d’un conseil d’administration. Or, en interne, les mentalités doivent changer. Selon le gouvernement, seules 15 % des femmes sont aujourd’hui membres exécutifs des directions générales. Ce qui semble dérisoire lorsque l’on sait que c’est justement au sein des instances dirigeantes que sont repérées les futures administratrices. «L’exemplarité vient toujours d’en haut, confie Méka Brunel, directrice générale de Gecina, dont la nomination l’année dernière est le résultat d’une démarche volontariste opérée par le groupe. Si au niveau de la direction, la place des femmes est considérée comme une valeur importante, cela se répercute forcément au sein du conseil d’administration.»
Aussi, pour faire prendre conscience de la nécessité de nommer davantage de femmes, les chefs d’entreprise peuvent être sensibilisés à travers la mise en place d’audits sur le fonctionnement des conseils d’administration. Le code Afep-Medef, par exemple, incite les sociétés cotées à faire des évaluations de leurs instances de gouvernance afin de vérifier la qualité et la bonne mise en œuvre des décisions prises. «Les entreprises ne doivent pas tomber non plus dans le piège de l’auto-évaluation qui conduit à une non-objectivité, alerte Lucille Desjonquères. Notre approche consiste à proposer aux présidents de nommer un référent du board qui travaillera en binôme avec un de nos consultants administrateurs aguerris, dans une dynamique de mixité.»Ces exercices permettent, par la remise d’un rapport, d’établir un état des lieux pertinent des administrateurs en place.«Grâce à ce dernier, des dirigeants de sociétés identifient leurs besoins en termes de compétences clés et peuvent se tourner vers des profils de femmes expertes, souligne Sidonie Mérieux, fondatrice de Her Value. Cette méthode est plus vertueuse que le respect d’un quota imposé par la loi.»
Puiser dans les viviers
L’autre argument qui devrait convaincre les chefs d’entreprises à féminiser davantage leur conseil d’administration est le nombre de candidates prêtes à s’engager dans ces fonctions. La base de données de l’International Women’s Forum, par exemple, est constituée de 6 500 femmes qui incarnent l’élite sur les six continents. «Nous pouvons aider les entreprises en un temps record à pourvoir les profils français et internationaux attendus», indique Lucille Desjonquères. Il existe également des réseaux moins médiatiques et plus français. «Les entreprises doivent aller à la rencontre des femmes chefs d’entreprises ou des cadres supérieures dans les Medef territoriaux, les régions et les CCI», encourage Marie-Christine Oghly, présidente de l’association des Femmes chefs d’entreprise, première femme présidente du Medef Ile-de-France et unique femme, à ce jour, à la tête d’une entité régionale du syndicat patronal.
Les chefs d’entreprises peuvent également détecter les administratrices dans les réseaux d’influence. Le président de Gecina a d’ailleurs été convaincu grâce à ceux-ci : «Ce sont des réseaux de femmes qui m’ont aidé à comprendre.» Le réseau Olympe du célèbre film Numéro Une de Tonie Marshall s’inspire de la réalité. Il existe en effet quelques cercles féminins qui se battent pour l’accession des femmes aux plus hautes fonctions de l’entreprise et n’hésitent pas à entreprendre des démarches proactives auprès des dirigeants de société pour vanter les qualités d’une femme administratrice. «Par nos actions de sensibilisation, nous avons réussi à placer des femmes, identifiées sous le plafond de verre, méconnues et pourtant parfaitement légitimes pour les entreprises telles que Laurent Perrier, Etam, le groupe Open, BPI France, etc., se félicite Lucille Desjonquères. Et notre méthode fonctionne puisque aujourd’hui, des chefs d’entreprises nous demandent de les accompagner dans leur recherche de profils féminins destinés à rejoindre leur comex.»
Enfin, dernier point et non des moindres, la valeur ajoutée apportée par des femmes administratrices. «Les entreprises les plus féminisées sont les plus compétitives», se réjouit Bernard Michel. De nombreuses études ont effectivement mis en lumière ce lien entre présence féminine et performance économique. Celle réalisée par McKinsey, Women Matter 2016, révèle que plus de parité permettrait de dégager 263 milliards d’euros de bénéfices supplémentaires en France à l’horizon 2025. De tels résultats s’expliquent, entre autres, par la différence de points de vue entre les femmes et les hommes, qui limite le conformisme dans les décisions et renforce l’intelligence collective du groupe.
Des formations aux fonctions d’administratrice
- Un des enjeux de la parité au sein des conseils d’administration repose sur la confiance des femmes en leurs propres compétences. «Beaucoup de femmes se demandent souvent quel est le rôle d’une administratrice, si elles seront à la hauteur, si elles vont savoir faire», explique Sidonie Mérieux, fondatrice de Her Value. Aussi, beaucoup d’initiatives en partenariat avec des grandes écoles de commerce ont été créées pour former les femmes aux attentes d’un conseil d’administration.
- «Les formations d’administratrice ne sont pas faites pour donner une compétence que les femmes, souvent, possèdent déjà, assure Véronique Saubot, présidente de Force Femmes. Elles les rassurent et les incitent à avoir la bonne posture.» L’International Women’s Forum France propose ainsi avec des professeurs d’HEC une formation diplômante à la gouvernance. De son côté, Her Value travaille avec l’EM Lyon pour une formation de huit jours. Sur les 120 femmes à avoir participé ce module, 40 % ont aujourd’hui trouvé un mandat.