Long et précis, l’entretien avec un chasseur de têtes est un exercice difficile qui comporte de nombreux pièges, même pour un financier averti. Pour faire partie des profils sélectionnés, un entraînement sérieux est recommandé.
«Que l’on soit en recherche active de poste ou non, et quel que soit notre niveau d’expérience, c’est toujours un bon exercice de passer un entretien avec un chasseur de têtes », assure Caroline Golenko, managing partner chez Boyden. Et pour cause : être à même de répondre aux questions d’un spécialiste du recrutement avec aisance ne va pas de soi. Si les tout premiers pas sont aisés, les choses se compliquent rapidement. « Le premier contact avec un chasseur de têtes commence souvent par un appel téléphonique ou un message sur LinkedIn, souligne Michaël Obadia, fondateur d’Upward. Nous sollicitons plusieurs dizaines de personnes, pour leur proposer un poste et échanger avec elles pour comprendre rapidement si elles peuvent bien correspondre au cahier des charges du poste en question. Si ce premier échange est plutôt informel et ne requiert pas de préparation particulière, il est généralement suivi d’un second entretien nécessitant beaucoup plus d’entraînement ! »
L’entretien avec le chasseur de têtes est en effet crucial : sur une moyenne 10 personnes convoquées, entre 3 et 5 profils sont généralement retenus pour être présentés à l’entreprise et poursuivre le processus d’embauche.
Pourtant, malgré le niveau d’expérience des profils approchés, ces derniers sont parfois insuffisamment préparés. Pour bien franchir l’obstacle, plusieurs éléments sont donc à avoir en tête.
Un entretien différent de celui en interne avec une entreprise
Il convient, en amont d’un entretien avec un chasseur de têtes, de bien anticiper la différence entre celui-ci et la première rencontre avec l’entreprise. « Les chasseurs de têtes posent beaucoup de questions pointues, aussi bien sur le parcours du candidat, sur ses acquis, que sur sa façon de manager, alors qu’avec une entreprise, les questions sont souvent plus ciblées, prévient Caroline Golenko. Il s’agit d’un entretien dense, qui dure entre une et deux heures, avec des aspects sur la personnalité du candidat. Il faut être prêt à parler de soi ! »
En outre, ils apprécient la transparence. « Si avec une entreprise, il vaut mieux éviter d’envoyer des signaux négatifs, le candidat peut tout à fait exposer à un chasseur de têtes ses doutes sur sa motivation à rejoindre l’entreprise, souligne Michaël Obadia. Par ailleurs, le candidat peut également poser des questions auxquelles un recruteur interne pourrait difficilement répondre, comme par exemple : quelle image avez-vous de cette entreprise ? Pouvez-vous me parler du mode de management et du N+1 sur ce poste ? »
De même, il faut savoir expliquer les éléments de son CV. « S’il y a un blanc dans un parcours, le chasseur de têtes va demander au candidat de l’expliquer, estime Caroline Golenko. Il faudra alors avoir une réponse cohérente, et ne pas mentir. Dans les postes à responsabilité en finance, il est désormais fréquent d’avoir été licencié, pour la fermeture d’une filiale par exemple, ou d’avoir dû quitter son poste à cause d’un désaccord sur la stratégie de l’entreprise. Il vaut mieux le dire, ce n’est plus honteux aujourd’hui. »
«Il ne faut pas hésiter, en fin d’entretien, à demander au chasseur de têtes comment il perçoit votre candidature, ses points forts, ses points faibles. Cela permet d’aborder des sujets, parfois importants, qui n’auraient pas été traités. »
Des questions plus difficiles
La personnalité des candidats est aussi un élément de sélection. Les questions des chasseurs de têtes peuvent être une manière pour eux de tester la réaction de leur interlocuteur face à certaines situations. « Outre la traditionnelle question sur les qualités et les défauts personnels, à laquelle il n’est pas facile de répondre si on n’y est pas préparé, il convient d’anticiper quelques questions difficiles, comme par exemple : quelle expérience n’a pas été un succès pour vous ? Citez-moi un projet dont vous êtes fier ? », détaille Caroline Golenko.
Ils recherchent des candidats sachant prendre du recul sur leur profession. « Nous pouvons par exemple interroger le candidat sur sa perception de l’évolution de son métier, son style de management, etc. précise Michaël Obadia. C’est bien de préparer ce type de questions. De plus, il ne faut pas hésiter, en fin d’entretien, à demander au chasseur de têtes comment il perçoit votre candidature, ses points forts, ses points faibles. Cela permet d’aborder des sujets, parfois importants, qui n’auraient pas été traités. »
Les points à aborder en finance
Quel que soit le poste proposé en direction financière, les recruteurs attendent des financiers qu’ils maîtrisent les chiffres. « Un financier doit savoir illustrer ses expériences en donnant les indicateurs financiers clés de ses différents postes (budget, objectifs, CA, etc.), insiste Michaël Obadia. Il faut évidemment qu’il ait pris connaissance de la documentation financière de l’entreprise pour laquelle il postule, si cette documentation est disponible. »
De même, les directeurs financiers doivent également se montrer « adaptables ». « Pendant la crise sanitaire, les directeurs financiers ont dû composer avec de nombreux enjeux : gestion des coûts, transformation des organisations (digitalisation), télétravail, maîtrise des données… Aujourd’hui, ces expériences sont des atouts à mettre en avant lors des entretiens », relève Simon Boukara, responsable d’Upward Finance.
En parallèle, les financiers doivent également savoir se démarquer de leurs confrères en parlant des projets menés. « Il est important pour le candidat de se renseigner sur la stratégie de l’entreprise pour bien mettre en avant ses expériences correspondantes, conseille Simon Boukara. Cela peut être par exemple une expérience particulière sur des opérations de croissance externe, de financement, IPO ou LBO. Les recruteurs recherchent des directeurs financiers capables de démontrer leur impact sur la transformation des entreprises et leur capacité à gérer des projets digitaux ou d’amélioration de la performance financière. »
Une nécessité de transparence en matière de rémunération
Si le niveau de rémunération proposé est souvent un élément clé dans la décision de prise d’un poste ou non, celui-ci est finalement peu abordé avec le chasseur de têtes. « Le candidat et le chasseur peuvent en amont aborder les sujets de rémunération et prétentions salariales, mais il n’y a pas d’enjeu particulier sur la question, constate Michaël Obadia. En arrivant en entretien, il est important que le candidat ait en tête sa rémunération fixe et variable, ainsi que l’ensemble de ses autres avantages, afin de ne pas sous-valoriser son package. »
Toutefois, gare aux candidats qui afficheraient une rémunération plus élevée que celle réellement perçue. « Si la rémunération annoncée par le candidat est étrangement élevée, nous pouvons effectuer des vérifications en demandant sa dernière fiche de paie, indique Caroline Golenko. Par ailleurs, il est prématuré qu’un candidat dise, par exemple, lors de l’entretien avec le chasseur de têtes, qu’il ne bougera pas de son poste actuel si sa rémunération n’atteint pas un certain montant. » Il sera toujours tant de poser ce type de conditions une fois le candidat face à l’entreprise.