A la suite d’une importante acquisition ou d’une forte croissance organique, la direction financière doit faire face à de nombreuses évolutions organisationnelles. Outre des changements d’outils et de process, elle doit en particulier rapidement procéder à des recrutements de nouveaux profils.
Accompagner un changement de périmètre d’activité constitue souvent un chantier d’envergure sur le plan managérial pour le directeur financier.
Tel est notamment le cas pour la société de recyclage Paprec Group, qui a récemment signé le contrat d’acquisition de Coved, 347 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016, soit le rachat le plus important de son histoire. «Grâce à cette opération, le chiffre d’affaires de Paprec Group va passer de 950 millions d’euros en 2016 à 1,4 milliard d’euros en 2017, et le nombre de personnes au sein de la direction financière va augmenter de près de 50 %, relève Charles-Antoine Blanc, directeur financier de la société.Nous avons donc d’ores et déjà mis en place une équipe mixte, qui rassemble des membres des deux directions financières, pour commencer à préparer cette intégration.»
En effet, il est préférable d’anticiper les potentiels impacts pour la fonction finance de tels changements qui peuvent intervenir par croissance externe, mais aussi par croissance organique. «Ayant pour ambition de doubler le chiffre d’affaires de Devoteam en quatre ans, nous devons dès à présent revoir à la fois nos outils, nos process et notre organisation», explique Grégoire Cayatte, directeur administratif et financier de l’entreprise de services numériques (555 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016). Mais, si tous les directeurs financiers ont conscience des difficultés qu’elles pourraient rencontrer, elles ne s’y préparent pas toujours très en amont.«Nous sommes régulièrement sollicités pour assister les directions financières à déterminer leur structuration idéale au regard de la taille de l’entreprise, relève Sabine Bechelani, associée chez EY. Si beaucoup s’y prennent tardivement, celles qui au contraire adaptent leur fonctionnement dans les temps peuvent escompter réduire les coûts de 15 % à 30 % sur deux à cinq ans, mais aussi améliorer la qualité du contrôle interne et du pilotage de la performance.»
Une harmonisation des pratiques
Pour mener à bien ce travail d’adaptation, les directions financières doivent rapidement s’atteler à plusieurs chantiers. Elles doivent tout d’abord s’interroger sur les modifications à apporter à leurs outils. «La société que nous avons rachetée, Coved, bénéficiait d’un ERP mis à disposition par son ancienne maison mère, La Saur, explique Charles-Antoine Blanc. Or nous sommes équipés d’outils informatiques différents, pour la plupart développés en interne. Nous allons donc devoir décider dans les prochains mois si nous nous dotons ou non d’un ERP centralisé de manière à faciliter le transfert de données comptables, financières et opérationnelles.»
En pareille situation, les directions financières décident généralement d’opter pour un système unique. «Criteo vient par exemple de réaliser sa plus importante acquisition, avec la reprise de la société américaine HookLogic, explique Pascal Corcos, associé chez PwC, responsable de l’activité de conseil aux directions financières. L’une de ses priorités est désormais d’intégrer l’ensemble des flux de la cible dans son ERP SAP.» Ce travail implique pour la direction financière de la société acquéreuse de former les équipes de la société rachetée. «Par exemple, après une opération de croissance externe, la direction financière d’une société du secteur de la distribution a expliqué les nouvelles méthodes aux équipes des entités récemment intégrées pour pouvoir migrer leurs données sur SAP, illustre Sabine Bechelani. Ce type de démarche permet de rationaliser les process comptables et financiers.»
Le second enjeu réside en effet dans l’adaptation des process au sein de la direction financière. «Avec l’accroissement de la taille du groupe, qui rassemble désormais plus d’une centaine de sociétés, il a fallu procéder à l’industrialisation des process, explique Eric Bazile, directeur administratif et financier d’Econocom (2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016). Il a été en particulier nécessaire d’homogénéiser les reportings, de consolider les processus de production de l’information et de faire preuve d’encore plus de rigueur dans le respect des procédures et calendriers. En effet, plus la société grandit, moins les retards et défauts de qualité sont acceptables car ils pénalisent l’ensemble du processus de production de l’information, exactement de la même manière que sur une chaîne de fabrication industrielle.» Si, pour Econocom, ce chantier est derrière lui, ce n’est pas le cas pour Paprec Group.«Nous allons effectuer des revues comparées de nos process et de ceux de Coved, explique Charles-Antoine Blanc. Nous devrons bien veiller à identifier et implémenter les bonnes pratiques déployées au sein des deux entreprises. Coved étant issu d’une grande entreprise structurée, La Saur, ancienne filiale de Bouygues, elle a nécessairement des choses à nous apporter. Enfin, nous allons harmoniser les reportings financiers, ce qui semble essentiel pour analyser et comparer les performances financières des uns et des autres.»
Des recrutements de nouveaux profils
Dernier aspect, mais non des moindres, à anticiper dans le cadre d’un changement de taille : l’organisation relative aux équipes financières. En effet, des profils financiers supplémentaires sont nécessaires pour gérer une entreprise d’une taille accrue. «De nouvelles compétences doivent être apportées, indique Pascal Corcos. Lorsque l’activité de l’entreprise évolue rapidement, les directions financières ont notamment intérêt à recruter des data scientists afin d’améliorer leur capacité à établir des prévisions financières. De même, comme les systèmes d’information se complexifient, les directions financières doivent se doter de profils capables de les maîtriser, grâce à des compétences à la fois financières et techniques.»
Ce besoin de recrutement peut également concerner d’autres postes au sein de la direction financière.«A la suite de l’annonce de notre plan stratégique, nous allons recruter des profils spécialisés, explique Grégoire Cayatte. Nous recherchons un responsable M&A, un cash manager, un contrôleur interne, un consolideur pour rassembler les données comptables et financières en provenance des filiales et un juriste en droit des sociétés, dans la mesure où la structure juridique de la société va se complexifier.» Du fait de leur caractère chronophage, ces processus de recrutement figurent en tête des aspects à prévoir à l’avance dans le cadre d’un changement de taille.
Un plan d’action lié au mode d’organisation du groupe
- Lorsque plusieurs options se présentent à elles pour adapter le fonctionnement de la direction financière à la suite d’un changement de taille, les entreprises arbitrent généralement selon leur mode d’organisation. «Dans les groupes centralisés, les décisions sont souvent prises au niveau du siège social, puis les pratiques sont déployées localement, indique Pascal Corcos, associé chez PwC. En revanche, dans les entités décentralisées, le responsable financier de chaque entité gère les changements à effectuer directement car ceux-ci peuvent différer d’une division à une autre.»
- En outre, l’arbitrage sur les décisions à prendre à la suite d’un rachat dépend de la taille de la cible. «Historiquement, nous avions l’habitude de procéder à des acquisitions de sociétés réalisant entre 5 et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires que nous intégrions notamment dans notre ERP, explique Grégoire Cayatte, directeur administratif et financier de Devoteam. Mais si, à l’avenir, nous achetions une cible de taille supérieure, nous devrions procéder autrement, en maintenant en partie les process de ladite société.»