Métier

Contrôleur de gestion, les recrutements repartent à tous les niveaux

Publié le 24 février 2014 à 16h00    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h42

Pierre Havez

Avec la crise, les contrôleurs de gestion ont renforcé leur présence à tous les niveaux de l’entreprise. A la fois plus proche des équipes opérationnelles et des décisions stratégiques, la fonction regroupe une grande diversité de profils toujours aussi convoités par les recruteurs.

Si la crise a plutôt eu tendance à réduire le nombre de recrutements effectués par les directions financières, le manque de visibilité qu’elle a généré continue de soutenir les besoins des entreprises en matière de contrôleurs de gestion. «Ces postes font toujours partie des plus recherchés, confirme Mathieu Blaie, directeur régional comptabilité et finance d’entreprise chez Fed Finance. Mais la crise a accentué la demande sur ces fonctions.» Les cabinets de recrutement dans leur ensemble anticipent ainsi en ce début d’année 2014 une poursuite des niveaux élevés de recrutement constatés en 2013.

«La demande reste soutenue en ce début d’année en particulier pour les profils plutôt opérationnels présentant un niveau d’expérience d’au moins quatre ou cinq années», constate Bruno Fadda, associate director chez Robert Half Finance et Comptabilité. La timide reprise économique qui se dessine pourrait même être encore plus favorable à ces profils dans les mois qui viennent. «Avec la relance des projets à long terme, les entreprises ressentent une nécessité accrue de contrôler et piloter ces nouvelles activités», analyse Johann Van Nieuwenhuyse, directeur senior chez Michael Page Finance et Comptabilité. Ainsi, les candidats apparaissent aujourd’hui souvent en position de force pour négocier au mieux leurs conditions d’entrée.

Une distinction entre contrôleur de gestion siège et opérationnel

Cette embellie ne touche toutefois pas de la même façon l’ensemble des métiers du contrôle de gestion. «Une dichotomie assez nette se dessine entre la fonction de contrôleur de gestion groupe, très centrale et celle, beaucoup plus opérationnelle qui s’exerce dans les sites de productions ou les PME», décrit Bruno Fadda. Au siège, les recrutements de contrôleurs de gestion chargés d’assurer les missions continues de reporting et de définition des budgets et des plans d’action du groupe restent stables. En revanche, la demande apparaît plus forte pour les postes de contrôleur directement au cœur des activités.

«Nous observons depuis trois ans une accélération de la tendance à la décentralisation d’une grande partie des postes de contrôleurs de gestion vers les sites de production ou les business units», indique Johann Van Nieuwenhuyse. Les recruteurs recherchent aujourd’hui particulièrement à pourvoir ces postes de contrôleur de gestion industriel ou de contrôleur de gestion commercial proches du terrain.«Les connaissances techniques en matière de suivi des prix de revient industriel ainsi que la maîtrise des méthodes de coûts standards, de valorisation de stocks, de matières premières, d’encours et de produits finis sont actuellement très recherchées», complète Bruno Fadda.

Un socle commun de compétence

Malgré cette distinction entre les profils «siège» et «terrain», les entreprises qui recrutent demandent avant tout au candidat de posséder un socle commun de compétences. Elles privilégient généralement les diplômes d’école de commerce ou les formations universitaires de type master de sciences de gestion (MSG), voire DESS ou master II finance, même si les profils d’ingénieurs peuvent parfois correspondre pour certains postes de contrôleurs de gestion industriels. «Mais plus que la filière, c’est le niveau de formation bac + 5 minimum qui compte car il est synonyme pour le recruteur d’une bonne capacité d’apprentissage et d’adaptation de la part du candidat», pointe Stéphane Darcy, directeur du contrôle de gestion opérations et fonctions support de la Fnac. D’autres critères permettent de se différencier des profils relativement normalisés partagés par nombre de candidats. La dimension internationale acquise au cours de précédentes expériences et la maîtrise courante de l’anglais constituent ainsi un plus en fonction de la taille du périmètre d’activité et de l’implantation des filiales suivies. Une bonne connaissance des outils informatiques est également particulièrement appréciée (voir encadré).

Une capacité à traduire l’information non financière en critères de performance

Mais les compétences techniques ne suffisent plus aujourd’hui pour faire un bon contrôleur de gestion. Les qualités humaines, d’ouverture d’esprit et de relationnel notamment, font également la différence afin d’être capable de traduire l’information non financière en critères de performance pour l’entreprise.

«Au-delà de leur savoir-faire en contrôle de gestion, ces profils demandent d’autres compétences de communication, d’adaptation et de conviction, afin de pouvoir dialoguer à la fois avec les financiers et les opérationnels sur site», confirme Bruno Fadda. Les contrôleurs de gestion doivent ainsi de plus en plus souvent être capables de procéder à des recommandations afin d’orienter les décisions opérationnelles ou générales de l’entreprise.«Le contrôleur de gestion ne se contente plus du suivi du réalisé par rapport à un budget, mais doit également anticiper à partir de projections», poursuit Bruno Fadda. Au-delà de ces prérequis communs, les expériences antérieures font aussi l’objet d’une attention particulière en fonction du type de poste visé.

Quelques années en tant qu’auditeur externe permettront ainsi d’accéder plus naturellement à un poste de contrôleur de gestion avec une rémunération souvent supérieure à celle d’un professionnel ayant effectué l’ensemble de son parcours en entreprise. «Le passage par un cabinet d’audit apportera, à compétence égale, un surcroît de salaire de 10 à 15 %», précise Johann Van Nieuwenhuyse. Mais cette survalorisation se révèle surtout vraie pour les postes au sein de la direction financière centrale. «Le passage en cabine d’audit est souvent exigé par les recruteurs car ces expériences s’avèrent très formatrices sur les aspects techniques et comptables, relativise Stéphane Darcy. Mais elles sont moins pertinentes pour les postes opérationnels.» Pour les contrôleurs de terrain, les entreprises attendent en effet plutôt du candidat un premier vécu dans un secteur d’activité identique ou une expérience réussie de management d’équipe.

Des rémunérations globalement stables

Dans l’ensemble, les rémunérations moyennes annuelles s’élèvent autour de 35 000 euros bruts pour un profil junior et jusqu’à 80 000 pour les plus expérimentés. Des niveaux proches de ceux des trésoriers mais encore inférieurs à ceux de spécialistes comme les fiscalistes ou les consolideurs par exemple.«Nous constatons actuellement une stabilité des rémunérations sur ces métiers car l’équilibre entre l’offre et la demande se maintient. Ce constat est cependant plus nuancé pour certains postes de management ou de directeur de contrôle de gestion qui présentent logiquement moins de rotation que les profils intermédiaires», tempère Bruno Fadda. En revanche, la majorité des chasseurs de tête s’accordent sur le fait que les contrôleurs de gestion devraient faire partie des rares fonctions à voir leur salaire croître cette année. En 2013, ils avaient déjà progressé entre 3,5 % et 4,5 % selon les profils, d’après le dernier baromètre des fonctions financières, réalisé en juillet 2013 par le cabinet Michael Page en partenariat avec la DFCG et Option Finance. En matière d’augmentation, les contrôleurs de terrain affichent actuellement des hausses plus prononcées afin de rattraper leur retard.

«Les salaires des contrôleurs de gestion industriels ou projets ont plutôt progressé ces deux dernières années car ces postes demandent une véritable expertise, explique Johann Van Nieuwenhuyse. Leur valeur s’accroît également car ils sont pratiquement impossibles à remplacer pendant la durée de vie d’un projet sous peine de perdre son historique.» Mais malgré ces majorations, la rémunération d’un contrôleur de gestion industriel ou projet dépassait rarement 53 000 euros bruts par an en moyenne en 2013, soit un niveau légèrement inférieur à celui de leurs homologues corporate à 55 000 euros, toujours selon le dernier baromètre Michael Page – DFCG – Option Finance. Outre les salaires, les responsabilités et la diversité des missions de ces fonctions peuvent conduire à des évolutions rapides. Ces postes constituent ainsi une voie privilégiée vers des fonctions de direction administrative et financière. Si le parcours classique veut qu’un contrôleur de gestion junior gagne progressivement en responsabilité jusqu’aux fonctions de directeur du contrôle de gestion, d’autres prises de responsabilité peuvent être envisagées.

Au sein de la direction financière, le contrôleur de gestion peut ainsi facilement évoluer vers des postes de contrôleur financiers, qui recouvrent également des missions de comptabilité, de trésorerie ou de consolidation.«Les perspectives d’évolutions sont très larges : horizontalement vers les directions commerciales, marketing ou même opérationnelles, ou verticalement en accédant progressivement à des périmètres d’activité plus large», affirme Stéphane Darcy qui a lui-même débuté comme contrôleur de gestion chez Carrefour au Japon, avant de prendre la responsabilité de la business unit thaïlandaise du distributeur puis d’évoluer vers d’autres entreprises (Virgin, Welldom) avec des périmètres de plus en plus importants. Enfin, ce métier offre également des perspectives d’évolution… en dehors de la fonction finance. Quelle que soit la taille de l’entreprise, le poste de contrôleur de gestion est en effet perçu comme celui qui permet le plus d’évolution vers des services opérationnels, d’après le baromètre Michael Page – DFCG – Option Finance. Un large choix de perspectives qui devrait cette année encore alimenter l’intérêt des candidats pour ces métiers.

Une maîtrise des systèmes d’information exigée

Les annonces d’emploi recherchant des contrôleurs de gestion mentionnent de plus en plus souvent la nécessité pour les candidats de maîtriser les systèmes d’information. Avec la multiplication des indicateurs de gestion (RSE notamment) et la généralisation des outils de reporting de type ERP, la connaissance des systèmes d’information (Hyperion et SAP notamment) est de plus en plus appréciée par les employeurs. «L’automatisation des outils de collecte et de présentation de l’information présente un intérêt particulier pour les contrôleurs de gestion qui peuvent dorénavant mettre en place leurs propres outils de gestion personnalisés», explique Mathieu Blaie. Une bonne maîtrise informatique devient donc nécessaire pour gérer des bases de données de plus en plus étoffées. Un «plus» incontestable pour le candidat.

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