Alors que les défauts de paiement de fournisseurs représentent la première cause de faillite des entreprises, la fonction de credit manager peine à décoller en France. Des opportunités existent pourtant, mais elles s’adressent à des profils de plus en plus complets.
Avec l’aggravation des tensions de trésorerie des entreprises, prises en étau entre la raréfaction des crédits bancaires et l’allongement des délais de paiement, les recrutements de credit manager auraient dû connaître une embellie depuis la crise. Les besoins d’accroître la visibilité sur la solvabilité des clients et d’accélérer les encaissements sont en effet devenus plus pressants depuis cinq ans, et en particulier depuis la loi de modernisation de l’économie qui réglemente depuis le 1er janvier 2009 les délais de paiement. Or, en dépit de ce contexte favorable pour les recrutements de credit manager, les volumes d’offres observés par les cabinets demeurent paradoxalement relativement limités. En dehors des remplacements de postes dans les grandes entreprises du SBF 120, les PME font encore rarement appel à de telles compétences.
Mais cette tendance s’explique surtout par la difficulté des recruteurs à trouver les bons candidats. Le métier de credit manager connaît un décalage entre l’offre et la demande, explique Fabrice Coudray, directeur chez Robert Half France et lui-même ancien credit manager dans le secteur informatique pendant plus de 10 ans. Les opportunités sont en effet assez rares et requièrent des profils très exigeants, où le candidat doit rassembler des qualités à la fois techniques, managériales et relationnelles, difficiles à conjuguer.» Les postes vacants nécessitent donc des aptitudes de plus en plus étoffées.
Un poste de plus en plus exposé en interne et en externe
En effet, si à l’origine, le credit manager devait surtout posséder de solides connaissances comptables et financières, notamment en analyse crédit ou en lecture de bilan, afin d’être capable de mesurer les risques de ses clients, les attentes des directeurs financiers se sont renforcées ces dernières années. Il doit ainsi dorénavant faire preuve d’excellentes capacités relationnelles, afin de sensibiliser les équipes commerciales à la sécurisation de leurs ventes, diriger ses propres équipes et interférer avec de nombreux interlocuteurs en externe : clients, sociétés d’assurance-crédit, de recouvrement et d’affacturage, ou huissiers de justice. «D’un métier d’expertise technique en back-office, le credit manager s’expose de plus en plus au sein de la direction financière mais également en dehors de l’entreprise, observe Hubert Levesque, directeur général du cabinet Morgan McKinley France. Cette ouverture nécessite notamment d’être capable de mettre en place la politique de recouvrement et le référencement des clients en accord avec les autres services de l’entreprise.»
En outre, intervenant souvent en cas de contentieux, lors d’un recouvrement ou d’une procédure de sauvegarde, le credit manager doit également démontrer une certaine sensibilité juridique et contractuelle. «Ces profils doivent développer une très bonne vision commerciale afin de gérer les contrats clients, les conditions générales de ventes ou encore conduire des négociations spécifiques sur les délais de paiement par exemple», illustre Valérie Collot, credit manager chez Sagem (groupe Safran) et vice-présidente de la Fédération européenne de credit management (Fecma). En outre, l’élargissement des compétences du credit manager intervient dans un contexte d’internationalisation croissante des échanges, rendant obligatoire la pratique de l’anglais, au minimum.
«La répartition de notre clientèle sur quasiment tous les continents du monde impose de se former en continu sur les évolutions législatives, l’environnement normatif ou encore les risques de paiement et les risques pays», ajoute Valérie Collot, dont la maîtrise de quatre langues facilite au quotidien l’évolution dans un périmètre d’activité global. Rare au sein d’une profession historiquement peu portée sur les langues étrangères, ce type de profil multilingue est aujourd’hui particulièrement recherché par les recruteurs. «Les fonctions de risk et de credit manager se développent surtout dans les entreprises internationales pour lesquelles les risques pays, industriels, et de dépréciation de devises ou de matières premières, sont les plus difficiles à appréhender», explique Johann Van Nieuwenhuiyse, director senior chez Michael Page.
De multiples voies d’accès
Pour trouver les profils adéquats, les recruteurs se tournent donc d’abord vers des formations universitaires généralistes de type master en finance, audit ou contrôle de gestion, ou vers des écoles de commerce, voire des troisièmes cycles d’affaires internationales comme pour Valérie Collot. Ce cursus académique doit surtout être complété par diverses expériences professionnelles, afin d’acquérir la rigueur et la méthode nécessaire à ce métier. «Il existe deux voies classiques d’accès aux fonctions de credit manager : soit le recouvrement avec un passage en banque de crédit ou dans un service spécialisé au sein d’une grande entreprise, soit l’analyse de risque, chez un assureur crédit, un crédit bailleur ou un banquier», estime Fabrice Coudray. Selon la culture de l’entreprise, d’autres parcours sont également possibles. Les candidats présentant des expériences en lien direct avec l’activité de l’entreprise, comme le contrôle de gestion commercial ou l’administration des ventes, sont ainsi souvent valorisés par les recruteurs. Dans tous les cas, une certaine séniorité est nécessaire.
«Les entreprises privilégient les profils denses, à même de négocier avec les clients ou les fournisseurs, observe Johann Van Nieuwenhuiyse. Pour disposer du poids et du recul nécessaires à de telles discussions, les candidats doivent justifier d’au moins cinq à huit ans d’expérience.» Ce bagage préalable conditionne aussi souvent les perspectives d’évolution du credit manager.«Un bon négociateur aura la possibilité de basculer vers une fonction commerciale ou d’acheteur alors qu’un credit manager avec un parcours académique financier pourra éventuellement prendre la tête d’une direction financière», indique Fabrice Coudray, citant l’exemple d’un candidat devenu directeur financier d’une entreprise d’équipements de grande consommation. Même si une telle promotion est plus envisageable dans une PME, elle peut aussi parfois intervenir dans de plus grandes entreprises.«L’un de nos candidats, credit manager dans une société de service aux entreprises, est récemment devenu responsable administratif et financier de la filiale d’un grand groupe d’assurance», confirme ainsi Hubert Levesque.
Une part de rémunération variable facile à mesurer
La taille de l’entreprise joue également sur le niveau de rémunération du credit manager. Leur salaire annuel peut ainsi varier entre 40 000 et 100 000 euros, en fonction de la volumétrie des comptes client, du nombre de collaborateurs à manager, ou encore de leur degré de responsabilité. «Ce grand écart des rémunérations s’explique principalement par le champ d’intervention, selon que ce dernier inclut ou non l’assurance-crédit, l’analyse financière, le recouvrement, la gestion des contentieux, ou encore l’administration des ventes», précise Hubert Levesque.
Ces montants comprennent généralement une part de variable de 5 à 15 %, conditionnée par l’atteinte d’objectifs personnels, eux-mêmes basés sur des indicateurs d’activité faciles à mesurer, tels que le taux de pertes des factures, ou le DSO (days sales outstanding), qui représente le montant des créances clients converti en nombre de jours de chiffre d’affaires. Des salaires qui, selon les spécialistes en recrutement devraient continuer d’augmenter, à mesure que le métier monte en puissance au sein des directions financières.