Depuis un an, les cabinets d’audit et d’expertise comptable ont été fortement sollicités pour accompagner les entreprises confrontées à la crise. En plus de leurs travaux habituels, ils ont dû intervenir dans la mise en place des aides publiques (PGE, activité partielle) et répondre aux inquiétudes des dirigeants. Après des mois de travail à distance, ils espèrent désormais retrouver le contact direct avec leurs clients.
Rarement mis en avant ces derniers mois, les experts-comptables et les commissaires aux comptes ont pourtant été particulièrement mobilisés depuis le début de la crise. Alors que les entreprises ont subi d’importantes difficultés financières et que le gouvernement est intervenu pour leur venir en aide, au cours de l’année écoulée, les 20 000 cabinets d’expertise comptable et de commissariat aux comptes ont, en arrière-plan, travaillé d’arrache-pied pour accompagner les sociétés dans leurs démarches.
Depuis un an, leur quotidien a été bouleversé. Comme dans beaucoup de professions, le télétravail est d’abord devenu la norme. « Très vite, 80 % des équipes de notre réseau ont été mises en télétravail », observe Delphine Buisson, directrice générale de l’alliance Eurus. Certes, cette organisation s’est mise en place plutôt facilement, notamment chez les commissaires aux comptes. « Les auditeurs sont habitués à se déplacer et sont préparés à travailler à distance du bureau, remarque Florence Sardas, associée chez Mazars. Le télétravail a été la norme pendant plus d’un an, période de confinement ou non. Les équipes reviennent désormais progressivement au bureau. »
Echanges de documents dématérialisés, rapports signés électroniquement... la crise a provoqué une accélération de la digitalisation des cabinets.
Des audits plus difficiles à distance
Pour ces professionnels qui sont régulièrement au contact de leurs clients, le changement n’en demeure pas moins important. « Entre juin et novembre 2020, nous sommes retournés chez nos clients 30 à 50 % du temps habituel, indique Jean-Christophe Goudard, associé chez EY. Puis, lors du deuxième confinement, nous sommes restés en distanciel. Actuellement, nous sommes repassés à 30-40 %. » S’ils se sont déplacés dans certaines sociétés à la demande de ces dernières, plusieurs sièges où sont situées les directions comptables et financières étaient tout simplement fermés. « Cela fait maintenant plus d’un an que nous n’avons pas vu physiquement certains de nos clients ! », confirme Jean-Christophe Goudard. De l’avis des commissaires aux comptes, si le niveau de contact avec leurs clients s’est maintenu, notamment grâce à des réunions régulières en visioconférence, cette situation a complexifié la tenue de leur audit. « Lorsque nous sommes avec nos clients, nous pouvons leur poser des questions au fur et à mesure, aller voir le service comptable, constate Arnaud Naudan, président de BDO France. A distance, nous devons fixer des rendez-vous téléphoniques, envoyer les questions par écrit… le travail d’audit prend beaucoup plus de temps et devient moins efficace ! »
Une charge de travail élevée
En outre, les cabinets ont été davantage mobilisés. « Une charge de travail très supérieure », « des managers super-sollicités », « une grosse fatigue »… En plus de leurs missions plus traditionnelles d’élaboration des comptes et de certification, plusieurs nouveaux sujets sont en effet venus s’ajouter à leur charge de travail habituelle. Les experts-comptables et les commissaires aux comptes ont notamment dû répondre aux interrogations des entreprises liées à la crise sanitaire et leur apporter un soutien moral. « Nous avons aidé les entreprises à mettre en place les nouveaux dispositifs gouvernementaux tels que le PGE et le chômage partiel, en leur fournissant les documents et attestations dont elles avaient besoin, détaille Arnaud Naudan, président de BDO France. Récemment nous venons de finaliser le traitement des déclarations fiscales qui avaient été reportées du fait de la crise, les entreprises s’interrogent sur le remboursement de leur PGE. Les équipes sont encore bien occupées ! » Un avis partagé par l’alliance Eurus. « Au-delà des questions sur les aides, nous avons eu une charge de travail très supérieure car nous avons dû gérer les nombreuses inquiétudes de nos clients en difficulté, qui s’interrogeaient sur leur niveau de liquidité et sur la continuité de leur exploitation », poursuit Delphine Buisson.
La difficile intégration des nouvelles recrues
l Si les cabinets n’observent pour l’instant pas de hausse des départs de collaborateurs depuis le début de la crise sanitaire, l’intégration des nouvelles recrues s’est avérée plus difficile. « Parmi nos salariés, nous avons beaucoup de jeunes de moins de 30 ans, en formation quasi permanente, rappelle Jean-Christophe Goudard, associé chez EY. Superviser le travail de nos collaborateurs à distance est un challenge. Nous avons dû faire preuve de vigilance, avec des contacts quotidiens et la mise en place de formations à distance par le biais de webcasts. »
Des informations régulières
Dans ce contexte, les cabinets ont dû innover pour continuer de travailler à distance avec leurs clients. Plusieurs outils, qui ne remportaient pas un franc succès avant la crise, ont retrouvé de l’intérêt. « Nous avions déjà la chance de travailler de façon entièrement digitalisée et sans papier, avec de nombreux outils digitaux d’audit et d’analyse, précise Jean-Christophe Goudard. Nous disposions également d’un outil de signature électronique des rapports qui était peu utilisé : son recours s’est vraiment intensifié ces derniers mois. » Même constat chez Mazars. « Avant la crise sanitaire, nous disposions déjà d’outils digitaux pour les échanges de documents pour nos activités d’audit et d’expertise comptable, mais la crise a clairement intensifié leur utilisation », ajoute Virginie Chauvin, associée chez Mazars. En outre, plusieurs cabinets ont mis en place des supports d’informations pour répondre aux questions des entreprises. « Nous avons déployé lors du premier confinement des webinaires sur les éléments d’actualité et le traitement comptable de certaines opérations, afin d’accompagner au mieux les entreprises, souligne Florence Sardas. Nous allons poursuivre ces événements, ils ont eu beaucoup de succès puisqu’ils nous ont permis de réunir des clients de la France entière. Nous avons également diffusé une newsletter hebdomadaire sur ces actualités liées au contexte de crise sanitaire. »
Si ces nouvelles solutions sont amenées à perdurer, les cabinets espèrent tout de même désormais renouer le contact physique avec leurs clients, tout en conservant un recours au télétravail plus fréquent. « Les entreprises sont très demandeuses d’un retour dans leurs bureaux et nous aussi, insiste Jean-Christophe Goudard. La saison prochaine, nous espérons que nos collaborateurs pourront passer 50 % de leur temps chez le client, 25 % au bureau et 25 % en télétravail. Les audits à l’international devraient en revanche se poursuivre sous format digital. » Si la situation sanitaire le permet, les entreprises devraient donc voir, dès l’automne, les équipes de commissariat aux comptes occuper de nouveau leurs locaux.