Alors que les missions du directeur financier ne cessent de s’accroître, son implication auprès des ressources humaines tend également à se développer, portée par les projets de transformation des organisations mais également par de nouveaux enjeux liés aux évolutions du travail ou encore aux défis RSE.
Le lien entre les directions financières et les directions des ressources humaines n’est pas nouveau, tant s’en faut. « Au sein de notre organisation, toutes les discussions stratégiques, de projets, liées aux opérations, à la politique salariale ou encore au bien-être des collaborateurs ont toujours été traitées en concertation entre la finance et les RH », témoigne Karine Havas, senior vice-présidente Finances France & Afrique chez Bureau Veritas. Cette implication de la finance est essentielle, notamment pour accompagner les ressources humaines dans l’analyse et la compréhension des impacts des politiques et stratégies RH sur les résultats et le développement de l’entreprise. « La direction financière intervient alors souvent comme support analytique », précise Aude Boudaud, associate director au sein du cabinet Robert Walters. Chez Bureau Veritas France, la direction financière a ainsi aidé les RH à construire sa stratégie de recrutement et de rétention des talents au travers notamment de la mise en place d’une nouvelle convention collective. « Elle a notamment apporté une perspective complémentaire sur les coûts liés aux évolutions de la politique des ressources humaines et a aidé notre entreprise à prendre des décisions plus éclairées en matière de gestion des ressources humaines, ajoute Karine Havas. Elle a également travaillé en étroite collaboration avec notre équipe RH pour mettre en place des programmes de formation et de développement dédiés aux équipes Finance, qui ont aidé nos financiers à développer leurs compétences en leadership et à améliorer leur performance. » Cet accompagnement peut également porter sur la mise en place d’un schéma de participation aux bénéfices de l’entreprise. Ce calcul est en effet comptable et fiscal alors même qu’il s’agit d’un dispositif de rémunération, donc logiquement placé sous la tutelle des DRH. « La RH ne peut cependant modifier des schémas de rémunération quels qu’ils soient sans en mesurer l’impact financier avec l’aide du contrôle de gestion, explique Christophe Lutz, directeur financier et immobilier de Transgourmet. D’ailleurs l’inverse est également vrai : la finance ne prendra jamais de décisions sans considérer l’impact RH sur certains projets clefs, tels que des fusions, des acquisitions, le développement d’une filiale ou la construction d’un nouveau site opérationnel. »
«Au sein de notre organisation, toutes les discussions stratégiques, qu’il s’agisse de projets opérationnels, de la politique salariale ou encore du bien-être des collaborateurs ont toujours été traitées en concertation entre la finance et les RH. »
Les directeurs financiers, soutiens des RH dans les projets de transformation
Si cette collaboration entre les deux directions n’est pas nouvelle, elle tend néanmoins à se renforcer depuis quelques mois au regard de la conjoncture économique mais également des évolutions réglementaires, fiscales ou encore sociétales. « Les DAF sont incontournables dans le cadre des plans de transformation des métiers et des business model, souligne Corinne Oremus, directrice générale de Vendôme Associés. Une mission à laquelle ils ont l’habitude de répondre tant la gestion des transformations fait partie de leur ADN. » Les directions financières ont en effet déjà su prendre à bras-le-corps les évolutions technologiques : dématérialisation des processus, cloud, facture électronique et aujourd’hui cybersécurité. « Certains de ces sujets de transformation nécessitent d’avoir une vision du métier ou de la filière sur les 3 à 5 ans à venir et ce, afin de mettre en place des formations et surtout une conduite de changement adaptés, explique Christophe Lutz. Nous intervenons alors auprès des RH dans le cadre de ces réflexions, notamment pour mesurer les coûts de ces transformations mais également, lorsque celles-ci concernent les métiers de la finance, pour construire des plans de formations adaptés, et surtout pour expliquer le bien-fondé de ces changements (amélioration de l’employabilité des collaborateurs, amélioration de la compétitivité de l’entreprise, ou bénéfices pour nos clients par exemple). » Une réflexion collaborative réalisée notamment chez Transgourmet dans le cadre de l’évolution du métier des opérateurs de saisie de chèques et de lettrage, directement impactés par l’automatisation de ces processus. Les formations mises en place ont permis de faire évoluer les salariés vers des fonctions de gestion du poste client et de recouvrement de créances.
Les directeurs financiers attendus sur leurs compétences managériales
- Pour accompagner les RH dans leurs missions et relever ses nouveaux défis, la direction financière a, d’une part, besoin de se rapprocher des équipes RH et, d’autre part, de développer ses qualités managériales et de communication. « DAF et DRH ne peuvent plus fonctionner l’un sans l’autre et sont désormais contraints de parler le même langage, relève Karine Havas, senior vice-présidente CFO France & Afrique chez Bureau Veritas. Si les RH doivent comprendre les chiffres et gérer de la data, les DAF pour leur part doivent développer leur capacité de leadership et d’appréhension du corps social. » Une attente d’ailleurs observée par les cabinets de recrutement. « En effet, nous constatons actuellement une plus forte attention des recruteurs sur les qualités de leadership et de courage managérial des directions financières », poursuit Corinne Oremus, directrice générale de Vendôme Associés. Conscientes de ces attentes, les directions financières tendent d’ailleurs à s’emparer du sujet et à suivre ou proposer à leurs équipes, toujours en concertation avec les RH, des formations au management.
- La direction financière de Bureau Veritas France a notamment repris pour son équipe une formation au leadership issue des pratiques impulsées à l’Université de Berkeley. « Elle a pour vocation de permettre à nos financiers d’assimiler l’importance des interactions avec leurs pairs et les business partners de l’entreprise, explique Karine Havas. Elle met à leur disposition une boîte à outils pour faciliter ces échanges et leur permettre d’adopter les bonnes pratiques de leadership en fonction du business partner avec lequel elles interagissent. » La direction financière de Transgourmet a pour sa part mis l’accent sur le développement des compétences de communication de son équipe. « La finance peut aussi intervenir dans les instances (CSE par exemple), pour présenter aux élus les projets et les bénéfices partagés qu’ils engendrent (pour les collaborateurs, les clients et de plus en plus souvent pour atteindre nos objectifs de réduction de l’impact climatique de notre activité), explique Christophe Lutz. Nous devons avoir toutes les compétences requises pour cet exercice. Nous avons à cet effet suivi une formation pour apprendre à mieux communiquer, en nous adaptant au profil de la personne que nous avons face à nous (modèle DISC1). Et pour aider nos équipes à mieux en comprendre le principe, nous les avons invités à un spectacle humoristique sur le sujet ».
- L’acronyme DISC reprend les traits : Dominant, Influent, Stable et Conforme. Il sert comme outil dans les identifications des dominantes psychologiques des personnes dans un cadre professionnel et permet, en ce sens, d’adapter sa façon de communiquer en fonction du profil psychologique de la personne à laquelle on s’adresse.
Vers une plus forte implication des directeurs financiers sur la marque employeur
Les évolutions sociologiques de ces derniers mois et en particulier le développement de nouveaux modes de travail, après la pandémie, la gestion de ressources humaines multigénérationnelles, voire multiculturelles (dans les centres de services partagés) a également contribué à accélérer le rapprochement des directions financières et RH. « Il a par exemple fallu que la direction financière s’implique dans la définition des modalités de déploiement du télétravail en mesurant notamment les impacts sur le parc immobilier de l’entreprise, la mobilité, les frais de restauration, et de manière plus fondamentale le changement de notre convention collective, précise Karine Havas. Autant de points qui demandent par ailleurs de mener une réflexion globale et conjointe entre, notamment, la finance et les RH. » Aujourd’hui ces sujets de transformations s’entrechoquent avec les crises et leurs multiples impacts sur la finance des entreprises, les coûts et les marges, ainsi que sur l’émergence de nouveaux enjeux impliquant la DAF, dont ceux liés à la stratégie RSE de l’entreprise. « Les directions financières sont en effet de plus en plus attendues sur la performance extra-financière de l’entreprise, ajoute Aude Boudaud. Certes, ces sujets relèvent opérationnellement davantage de la direction des ressources humaines ou de la direction de la RSE. Néanmoins, il revient à la DAF et en particulier au contrôle de gestion d’apporter des éléments chiffrés et tangibles, ainsi que des indicateurs extra-financiers sur la réalité de l’engagement de l’entreprise sur ces sujets. » Le dossier est éminemment sensible, au regard des difficultés en termes de recrutement et de fidélisation des talents, accentuées par un marché de l’emploi qui se tend, notamment sur les métiers de la finance. La conjoncture actuelle est donc favorable à un plus fort investissement des DAF dans la politique RH de leur organisation, ce qui suppose néanmoins d’avoir les compétences managériales requises.
«La finance peut intervenir dans les instances représentatives du personnel, pour présenter aux élus les projets et les bénéfices qu’ils engendrent, pour les collaborateurs ainsi que pour les clients, tout comme en matière de réduction de l’impact climatique. »