Sous l’effet du mouvement de digitalisation qui touche notamment les métiers de la comptabilité, ces derniers sont contraints d’évoluer. Pour être en mesure de proposer des prestations à plus forte valeur ajoutée, les professionnels doivent cependant acquérir de nouvelles expertises, aussi bien techniques que technologiques. En attendant la refonte des programmes de la filière de l’expertise comptable, les écoles et universités adaptent et complètent leur formation.
Entre le durcissement de la législation, l’émergence du big data et de l’intelligence artificielle, ou encore la nécessité permanente d’améliorer la qualité de l’expérience client, les défis ne manquent pas pour les métiers de la comptabilité. Dans ce contexte, ceux-ci n’ont pas d’autres choix que de se transformer. Certes, il ne s’agit pas d’une première. «Les comptables et experts-comptables ont déjà dû s’approprier dans le passé de nouvelles technologies embarquant de la donnée, telles que les outils ERP», rappelle Thierry Carlier, directeur de l’ENOES, l’Ecole de l’expertise-comptable et de l’audit à Paris. Mais aujourd’hui, ce sont les prérogatives mêmes de ces professionnels qui sont appelées à évoluer, avec la nécessité de davantage se consacrer à des prestations de conseil ou à plus forte valeur ajoutée. «Les comptables évoluent de plus en plus vers des fonctions d’analystes et de contrôle de gestion ou encore de RSE», constate Pascal Stordeur, credit manager group chez Orange et enseignant au CNAM.
Parallèlement, la profession travaille de plus en plus en interaction avec d’autres directions opérationnelles, comme celles des ventes ou des achats. «Il convient à cet effet que les comptables et experts-comptables privilégient davantage la collaborativité entre les équipes et le travail en mode projet», explique pour sa part Xavier Jégard, président de l’Association des directeurs de comptabilité et de gestion (APDC) et directeur de la comptabilité, consolidation et fiscalité d’Eramet Group.
Une approche plus collaborative
Cette évolution structurelle du métier implique donc pour les professionnels du chiffre d’acquérir de nouvelles compétences. La maîtrise des outils informatiques et des process numériques représente ainsi un enjeu de premier plan. «Dans un groupe tel qu’Eramet, la comptabilité se fait au sein d’un centre de services partagés et la consolidation au siège, précise Xavier Jégard. Les outils digitaux représentent alors la couche technologique qui permet aux équipes d’interagir entre elles. Leur utilisation nécessite néanmoins, de la part de la profession dans son ensemble, d’avoir une véritable appétence pour les nouvelles technologies.»La maîtrise de ces dernières est d’autant plus impérieuse que, mal utilisées, celles-ci peuvent exposer l’entreprise à de nombreux risques. «Aujourd’hui, les outils comptables sont assez sophistiqués, pointe Thierry Carlier. Certes, il convient de capitaliser sur toutes les opportunités qu’ils offrent en termes d’automatisation des processus et de gestion de la comptabilité. Néanmoins, cela n’affranchit pas les comptables et experts-comptables de leurs missions de contrôle…»
En outre, les compétences comportementales ou transversales (soft skills) deviennent indispensables. «Les professionnels de la comptabilité, au-delà de leur maîtrise technique et d’une bonne connaissance de l’environnement économique, doivent désormais être dotés de qualités relationnelles fortes et développer des compétences liées aux méthodologies agiles, insiste Raluca Sandu, directeur du programme MSc Auditing, Management Accounting and Information Systems de Skema. Dans ce nouvel environnement digital, ils doivent gagner en agilité et en leadership, créer un langage commun, et devenir un véritable business partner en entreprise.»
La rentrée 2019 en ligne de mire
Face à ce constat, une refonte des programmes de la filière d’expertise comptable, et en particulier des diplômes d’Etat DCG et DSCG, est actuellement en cours pour une application prévue à la rentrée 2019. «Au-delà de l’actualisation des contenus, cette révision répond à différents impératifs, et vise notamment à satisfaire des besoins en recrutement qui changent avec l’évolution du métier, précise Dominique Nechelis, directrice de la formation au Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables. Sur la forme, le DCG restera le socle technique de base indispensable de la filière et le DSCG s’inscrira dans la continuité et l’approfondissement. Sur le fond, l’objectif de cette refonte consiste à adapter le contenu des formations aux nouvelles exigences du métier, en intégrant davantage le numérique de manière transversale et en développant les systèmes d’information, la communication professionnelle, le management ou encore le marketing.»
En attendant que le ministère de l’Enseignement supérieur et les instances représentatives de la profession finalisent ce chantier, les écoles et universités proposent, en parallèle ou en complément des diplômes d’Etat, des formations. «Les étudiants diplômés du DCG ou du DSCG qui souhaitent évoluer en entreprise ont tout intérêt à suivre des formations complémentaires, par exemple en analyse des données ou en contrôle interne, indique Pascal Stordeur. Alors que les comptables doivent, au regard du développement du cyber-risque notamment, renforcer leur vigilance sur les problématiques de fraude, le CNAM leur propose par exemple des formations continues ou intra-entreprises sur le contrôle interne et la détection de fraude.»
De son côté, Skema s’attache à accompagner ses étudiants en Master of science dans le développement de leurs soft skills. «Nous passons à cet effet par des activités spécifiques, telles que des simulations managériales orientées autour des compétences génériques et techniques en finance et comptabilité, ou encore des mises en situations réelles, illustre Raluca Sandu. Nous entendons ainsi aider les étudiants à mettre en pratique dès maintenant leurs compétences techniques ou encore à travailler en équipe ou sous tension.»Les formations, notamment sur les nouveaux outils digitaux, peuvent également se faire via les éditeurs ou des transferts de compétences. «Chez Eramet, nous faisons beaucoup de formation interne, notamment sur les outils informatiques, signale Xavier Jégard. Ces formations peuvent être délivrées directement par les éditeurs mais, pour faire monter en compétences nos collaborateurs, nous privilégions aussi le coaching, le partage de connaissances et le travail d’équipe.» Une approche qui permet à la société d’impliquer aussi bien les jeunes diplômés sur les nouvelles compétences que les profils plus seniors sur les pratiques managériales.
Les principaux axes de la révision des DCG et DSCG
- Améliorer la lisibilité du cursus pour gagner en attractivité
- S’adapter au marché de la profession et aux besoins en recrutement dans le secteur
- Revoir le contenu des programmes pour développer certains domaines et s’adapter aux métiers du chiffre en mutation
Source : Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables