Si l’augmentation des salaires se poursuit dans la finance, beaucoup de responsables financiers ne bénéficient que de hausses modérées. Les revalorisations importantes profitent surtout aux fonctions les plus recherchées actuellement par les recruteurs. A poste égal, il peut exister par ailleurs de fortes disparités entre les revenus, qui sont alors généralement en fonction de l’expérience, certes, mais surtout de la complexité des missions confiées au collaborateur, de son niveau d’anglais, de sa formation ou encore du lieu d’exercice.
En 2024, les profils spécialisés en finance demeurent très recherchés, avec des rémunérations globalement en progression. « L’évolution des salaires des fonctions de la finance est d’environ 15 % en cinq ans et 4 % en 2023 (vs. 2002), constate ainsi Aurélie Muller, directrice practice finance de Morgan Philips Group. Une progression à nuancer cependant selon les fonctions occupées par les financiers. La hausse des salaires profite notamment aux profils spécialisés en finance et contrôle de gestion ainsi qu’en comptabilité, qui demeurent recherchés et pénuriques, poursuit Aurélie Muller. Il en est de même pour la fonction de directeur de la transformation, un métier nouveau et en plein essor porté par la dématérialisation des documents, la robotisation des processus comptables et financiers ainsi que leur optimisation. » La hausse des salaires des primo-accédants à des postes en tension, liés aux métiers de la gestion de trésorerie, constatée dans le baromètre des salaires 2024 Forvis Mazars/AFTE, vient d’ailleurs confirmer cette tendance. « Nous constatons une forte augmentation des salaires moyens des jeunes ces trois dernières années, explique Yann Guyomar, coresponsable du département treasury & cash management de Forvis Mazars. Nous avons même vu des jeunes de moins de deux ans d’expérience avec des salaires à 47 000 euros sur les premiers postes de la fonction trésorerie, ce qui est relativement élevé pour un profil de trésorier en début de carrière. »
«En 2023, les salaires dans la finance ont augmenté d’environ 4 %.»
Une grande modération salariale pour les responsables financiers
L’évolution des salaires des directions financières semble en revanche plus modérée. Selon le baromètre annuel de la rémunération des responsables financiers de CFO Connect/Spendesk publié en juin 2024, le salaire moyen des responsables financiers français tend en effet à stagner entre 2023 et 2024. Il augmente seulement de 0,15 %, passant de 108 849 euros à 109 023 euros bruts annuels sur la période, tandis qu’il augmente de 8,1 % au Royaume-Uni (atteignant 175 357 euros), de 11,3 % aux Etats-Unis (253 072 euros) et de 19,1 % en Allemagne (182 416 euros). « Malgré cette moyenne basse en France, les DAF français s’inscrivent dans la moyenne des pays où ils sont les plus satisfaits de leur salaire, à hauteur de 54,4 % en France contre 57,0 % en moyenne monde », nuance Michyl Culos, directrice marque et communication de Spendesk.
Différents facteurs impactent ces progressions et les niveaux de rémunération des financiers, à poste équivalent. Selon le baromètre des salaires 2024 Forvis Mazars/AFTE, certes la rémunération croît avec les années d’expérience sur chaque catégorie de poste étudiée, mais la fonction occupée et le niveau de responsabilité associés sont aussi des éléments déterminants du salaire moyen des répondants. « Par exemple, à poste égal en trésorerie, le niveau de rémunération sera plus important dès lors qu’il s’agit de gérer les sujets les plus complexes de la fonction, comme les couvertures de risques sur matières premières dont les cours sont très variables (métaux, produits agricoles, énergie, etc.) ou encore les financements (acquisition, actifs, etc.) », précise Yann Guyomar. Par ailleurs, le niveau de rémunération peut également être revu à la hausse en fonction de la structure actionnariale de l’entreprise. « C’est notamment le cas pour les trésoriers qui évoluent dans les entreprises cotées ou détenues par des fonds de private equity, ou encore dans les family office », précise pour sa part Hélène Brunou, administratrice de l’AFTE et directrice de la trésorerie et des financements d’Ipsos.
D’ailleurs, ces salaires plus élevés coïncident souvent avec le niveau d’anglais de ceux et celles qui occupent le poste ainsi que leur formation initiale. « Il existe une corrélation assez marquée entre le niveau d’anglais et la rémunération, poursuit Yann Guyomar. Par exemple, sur les postes de responsable de pôle, directeur trésorerie/directeur trésorerie groupe, DFT/DAF, plus le niveau d’anglais est élevé, plus la rémunération est importante car elle reflète une exposition internationale dans des environnements complexes souvent observée dans les grands groupes. » Selon le baromètre Mazars/AFTE, en moyenne, un responsable de pôle bilingue affiche une rémunération 49 % supérieure à un responsable de pôle débutant en anglais.
« Les groupes sont de plus en plus internationaux et les centres de services partagés pour les fonctions finances sont rarement en France, constate pour sa part Aurélie Muller. Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise nous sollicite pour recruter un directeur comptable à la fois bon en anglais et à l’aise avec les outils informatiques, les niveaux de rémunérations explosent et sont généralement supérieurs à 100 000 euros/an. »
Des financiers-ingénieurs mieux rémunérés
Dans les postes liés aux fonctions de trésorerie, les répondants formés en universités sont davantage représentés sur les postes d’analystes et de cash managers. La tendance s’inverse en revanche pour les postes de direction en trésorerie et en finance occupés plus largement par des personnes formées en école de commerce ou en école d’ingénieur. Dans le baromètre des salaires 2024 Mazars/AFTE, ces derniers déclarent d’ailleurs tous, et sur toutes les catégories de postes étudiées (sauf analystes), percevoir des salaires plus élevés que les répondants titulaires d’un master universitaire, à hauteur de + 13 % en moyenne pour ceux venant d’une école de commerce et de + 29 % pour ceux ayant une formation d’ingénieurs. « Ces différences peuvent notamment s’expliquer par la meilleure reconnaissance des diplômes et la puissance des réseaux en école, souligne Yann Guyomar. Cela peut également s’expliquer par des débuts de carrière plus souvent effectués en dehors de la trésorerie corporate auprès de cabinets de conseil, de banques ou dans d’autres domaines de la finance. »
Parallèlement à ces éléments directement liés aux personnes, des facteurs externes et en particulier l’implantation géographique ou le périmètre d’intervention de l’entreprise pèsent également sur les niveaux de salaires des professionnels de la finance.
Ainsi, plus les postes sont élevés dans la hiérarchie, plus la rémunération sera supérieure en Ile-de-France par rapport à celle pratiquée en région. « Pour des fonctions de directeur trésorerie, trésorerie groupe, DFT/DAF, les salaires peuvent atteindre 36 à 56 % de plus en moyenne en Ile-de-France par rapport à ceux en région, constate ainsi Yann Guyomar. Sur les postes de DFT/DAF, l’écart conséquent entre l’Ile-de-France et les autres régions est amplifié par d’autres facteurs tels que l’ancienneté plus importante des personnes qui occupent ce poste (les DFT/DAF de plus de 30 ans d’expérience sont plus de 89 % à exercer en IDF), une plus grande proportion d’ingénieurs et un plus grand nombre de grands groupes. » En revanche, pour des catégories de postes moins capées (analyses ou cash manager), l’avantage salarial est à la province, hors grandes agglomérations (baromètre Mazars/AFTE), avec un salaire moyen de 10 à 20 % plus élevé que dans les autres régions. « Une tendance qui s’explique généralement par l’ancienneté des personnes qui occupent ces postes en province, mais également par la volonté des entreprises d’attirer et fidéliser des talents pénuriques en région », précise Yann Guyomar. Enfin, la taille de l’entreprise impacte également les niveaux de rémunération, les salaires des grands groupes étant en moyenne 24 % plus élevés qu’en ETI et 52 % plus élevés qu’en PME.
Un impact croissant de l’IA
D’autres facteurs pourraient dans les mois à venir impacter les niveaux de rémunération des financiers. « C’est en particulier le cas de l’intelligence artificielle », souligne Julien Lafouge, CFO de Spendesk. Selon l’étude Spendesk/CFO Connect, les professionnels du secteur financier sont dans l’ensemble optimistes quant à l’impact que l’IA peut avoir sur les équipes financières, même si des doutes persistent. Ainsi, plus les équipes financières s’adapteront rapidement aux outils d’IA, plus elles seront précises et efficaces. « C’est notamment le cas en trésorerie, où les technologies d’intelligence artificielle s’intègrent de plus en plus dans les outils métiers, précise Hélène Brunou. De même, la qualité de la donnée est un sujet important car elle est déterminante pour faire tourner les moteurs d’intelligence artificielle. » A cet effet, les entreprises ont besoin de collaborateurs compétents sur ces technologies et capables de traiter et analyser aisément des données. Se familiariser avec cette technologie, ainsi qu’avec d’autres outils de la fintech, augmentera donc probablement le potentiel de rémunération individuel et deviendra à terme, une condition de recrutement pour les financiers.
L’inégalité hommes-femmes en baisse
Dans la finance, à l’embauche et en première partie de carrière, les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes sont contenues selon le baromètre des salaires Forvis Mazars/AFTE. En revanche, les inégalités se creusent à partir de 20 ans d’expérience, où les femmes gagnent en moyenne 35 % de moins que les hommes. « Un décrochage qui s’explique notamment par une plus forte présence d’hommes dans les postes à responsabilité, précise Yann Guyomar. En effet, seuls 22 % des répondants à notre étude classifiés en directeur trésorier/ trésorerie groupe et DFT/DAF sont des femmes. » A noter également, en proportion une plus grande représentation des femmes dans les tranches d’expérience professionnelle inférieure à 10 ans témoignant peut-être d’une féminisation croissante des métiers de la trésorerie et donc à terme, d’un rééquilibrage des salaires entre les hommes et les femmes.