Plus digitale et interactive, la formation professionnelle cherche à rester en phase avec les nouvelles habitudes des collaborateurs, peu enclins à suivre des formats longs avec leurs agendas très chargés. D’où le recours à des formats innovants, en ligne. Une tendance à laquelle n’échappe pas le secteur de la finance.
Face aux avancées technologiques qui s’accélèrent, aux attentes croissantes de leurs collaborateurs et d’un marché du recrutement toujours très compétitif, la formation professionnelle représente pour les entreprises un enjeu de taille. Selon le guide des salaires 2025 de Robert Half, 43 % des employeurs ont déjà intégré des programmes de formation auprès de leurs collaborateurs pour accroître la productivité de leur entreprise, un chiffre qui pourrait atteindre 45 % cette année. « La formation est également un outil d’attractivité et de rétention des collaborateurs, précise Noëmie Cicurel, directrice de la formation et du développement pour Robert Half en Europe. A cet égard, les entreprises ont plutôt intérêt à miser sur des formats innovants, courts et modulaires qui s’adaptent aux attentes et aux agendas de plus en plus nivelés de chacun d’entre eux. Les actions de formation proposées doivent être suffisamment variées pour s’adapter au parcours de développement des collaborateurs, tout en en leur permettant de gagner en autonomie. » Cette innovation est d’autant plus importante que l’usage des réseaux sociaux, des podcasts, des capsules audio et/ou vidéo mais également de l’apprentissage par et avec les autres (social learning) réinterrogent actuellement les codes de la formation. « Nous constatons ainsi une baisse de la demande des programmes de formation sur catalogue au profit de formations plus segmentées en termes de contenu sur des formats plus diversifiés et adaptés aux nouvelles façons de travailler et de se déplacer, précise Franck Perrier, fondateur et PDG de Digital Academy. Une tendance qui va d’ailleurs de pair avec le développement des podcasts. »
Le micro-learning plébiscité
Ce nouvel environnement fait ainsi la part belle au développement du micro-learning. « Il s’agit de modules de formation ciblés, accessibles en distanciel, favorisant l’autonomie des salariés tout en optimisant leur temps de travail, précise Noëmie Cicurel. Il permet également aux apprenants d’être davantage focalisés et engagés dans leur formation, ce qui est d’autant plus important à l’heure actuelle, au regard du développement des outils digitaux, des systèmes de notifications et des réunions virtuelles qui perturbent de plus en plus les capacités de concentration de chacun. Plusieurs modules de formation de moins d’une heure auront donc plus d’impact sur l’apprenant qu’une formation de quatre heures. » Les entreprises l’ont d’ailleurs bien compris. Selon l’ISTF, plus de la moitié des organisations proposent actuellement des modules de micro-learning avec une durée de moins de deux minutes par module. Il s’agirait de la cinquième modalité utilisée pour leurs formations. Selon une étude du Brandon Hall Group, ce mode d’apprentissage permet également de réduire jusqu’à 60 % le temps de formation tout en obtenant les mêmes résultats d’apprentissage que les méthodes plus traditionnelles en présentiel. Les entreprises utilisant le micro-learning constatent par ailleurs une augmentation de 50 % de l’engagement des employés sur les formations. Un constat fait par BNP Paribas qui a mis en place des modules de micro-learning sur la RGPD pour ses collaborateurs, avec l’aide de la société Leto. « Après deux phases de test de trois mois chacune, BNP Paribas a constaté une augmentation significative du score de maturité de ses équipes sur le sujet de la RGPD, avec un gain de 7 points, indique Edouard Schlumberger, co-fondateur de Leto. Une amélioration obtenue sans surcharge de travail pour les collaborateurs. Au-delà des chiffres, cette approche a également eu un impact concret sur le quotidien des équipes de la banque. Les collaborateurs se sentent désormais plus à l’aise pour aborder des sujets liés au RGPD et communiquent plus efficacement avec les DPO (délégués à la protection des données). Cela a permis de réduire le temps nécessaire pour clarifier certaines questions, et de favoriser une meilleure collaboration sur les projets impliquant des données personnelles. » Outre la flexibilité et l’accessibilité de ces formations, l’appétence pour celles-ci est également portée par des contenus parfois très interactifs (quiz, simulations) ou l’intégration de différents supports qui rendent ainsi l’apprentissage plus ludique, engageant et efficace.
Un développement des plateformes de formation digitales
Le micro-learning joue d’ailleurs un rôle clé dans la digitalisation des formations. Il participe au développement des plateformes de formation qui tendent à se démocratiser dans les entreprises et qui peuvent également intégrer de l’e-learning (formation utilisant internet), du vidéo learning, des MOOC, etc. « Il revient alors à l’apprenant de construire lui-même sa trajectoire de formation en fonction de ses besoins et de sa volonté d’évolution professionnelle », poursuit Noëmie Cicurel. Le Crédit Agricole, qui se présente comme une « fabrique de talents », a ainsi mis en place, en 2024, une plateforme LinkedIn dédiée au développement des compétences par un apprentissage constant de ses collaborateurs. « Au travers de cette plateforme, tous nos collaborateurs ont accès à plus de 22 000 formations dispensées dans 24 langues différentes et sous des formats divers tels que le micro-learning, le vidéo learning, l’e-learning, etc., explique Tiphaine David Le Mahier, responsable des transformations RH au sein de Crédit Agricole SA. Ils ont la possibilité de choisir les formations qu’ils souhaitent en fonction de leurs besoins présents ou à venir. » En moins d’un an, plus de 330 parcours de formation ont été créés dans LinkedIn par les entités Crédit Agricole, 161 596 cours ont été suivis et 655 000 vidéos ont été vues. « Il s’agit de formations essentiellement articulées autour des soft skills, du digital et de l’intelligence artificielle, dont certaines sont certifiantes, ajoute Tiphaine David Le Mahier. Elles viennent en complément des formations métiers que nous délivrons par ailleurs au sein de notre propre institut, l’IFCAM. »
«Au travers de notre plateforme dédiée, nos collaborateurs ont accès à plus de 22 000 formations sous des formats divers tels que le micro-learning, le vidéo learning ou encore l’e-learning.»
Des parcours de formation très personnalisés
Ces formats digitaux favorisent également l’hyperpersonnalisation des parcours de formation. « Elle permet aux collaborateurs de suivre des parcours sur mesure pour approfondir une expertise, explorer de nouvelles opportunités ou évoluer horizontalement », précise Noëmie Cicurel. Une approche à laquelle contribue de plus en plus activement l’intelligence artificielle qui, dès lors qu’elle est intégrée dans les outils de formation, permet de proposer des expériences d’apprentissage plus personnalisées, qui s’adaptent au niveau et au rythme de chaque apprenant. Par exemple, lorsque l’apprenant suit son programme d’e-learning, une IA intégrée peut analyser ses premières réponses pour proposer ensuite des parcours sur mesure. Il s’agit alors d’adaptive learning. Au sein de la plateforme de formation LinkedIn utilisée par le Crédit Agricole, l’IA permet ainsi d’orienter les collaborateurs dans leur parcours de formation. « L’IA envoie aux collaborateurs des propositions de formations en fonction de leur projection de carrière, indique ainsi Tiphaine David Le Mahier. Elle peut également leur “pousser” un poste qui, au sein du Crédit Agricole, correspond à leurs attentes. Notre solution associée à de l’IA favorise ainsi la fidélisation de nos collaborateurs tout en les accompagnant dans le développement de leurs compétences et dans leur parcours professionnel. »
Sur le fond, ces formations continuent aussi de s’adapter au besoin des entreprises, de plus en plus demandeuses en la matière. « Les entreprises souhaitent des programmes de formation conçus sur mesure et adaptés à leurs enjeux du moment, souligne Franck Perrier. Actuellement, nous avons par exemple beaucoup de demandes sur les usages de LinkedIn. Nous venons notamment de développer un programme pour les équipes relations clients d’une banque afin de les inciter et de leur apprendre à communiquer et à relayer des informations sur LinkedIn. Nous avons également développé des formations pour les fonds d’investissement pour les sensibiliser sur l’IA générative et les usages qu’ils peuvent en faire dans le cadre de leur activité. »
Un soutien humain reste indispensable
Parallèlement à l’essor de ces formations digitales, celles qui concilient présentiel et distanciel (« blended learning ») sont également de plus en plus demandées par les entreprises. Ces formats permettent aux apprenants de bénéficier de modules d’e-learning pour se former à leur rythme, et d’enseignements en présentiel permettant des interactions avec leurs homologues et formateurs. « L’interaction humaine dans les formations reste d’ailleurs plébiscitée, notamment par les apprenants », précise Noëmie Cicurel. La preuve en est que le mentorat et la formation par les pairs (peer-to-peer) sont également des pratiques courantes et en développement. Crédit Agricole a par exemple mis en place un programme de mentorat depuis 2017 auquel plus de 200 collaborateurs ont déjà participé.
Moins de « présentiel »
Si le « présentiel » reste la première modalité de formation (86 % des formateurs le proposent), elle est en baisse de 4 points sur un an, selon l’enquête ISTF « Les chiffres du digital learning » de 2025. Autrement dit, 4 % des formateurs l’ont abandonnée. Les autres formats montent en puissance : 77 % des formateurs proposent des classes virtuelles, 71 % de l’e-learning, 54 % du micro-learning (formats très courts) et 33 % des serious games (formation de type ludique, reposant sur le jeu), en hausse de 5 points sur un an.