Une direction financière à la loupe

Heppner

Publié le 3 janvier 2014 à 15h28    Mis à jour le 6 janvier 2014 à 12h37

Morgane Remy

PME familiale à l’organisation très décentralisée, Heppner a choisi de mettre en place une fonction finance siège aux compétences très vastes. Son directeur financier, Philippe Salzenstein, gère ainsi un périmètre allant du contrôle de gestion aux achats, en passant par la comptabilité, le crédit recouvrement, les litiges, le juridique et les infrastructures.

Créé il y a plus de quatre-vingt-dix ans à Strasbourg, le transporteur Heppner (573 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012) est encore à ce jour aux mains de ses actionnaires familiaux. Cette indépendance a été jalousement conservée, au prix notamment d’une gestion extrêmement prudente – permettant à l’entreprise de privilégier au maximum l’autofinancement – orchestrée aujourd’hui par Philippe Salzenstein, directeur administratif et financier du groupe.

«Nous exerçons principalement une activité de commissionnaire de transport commercial – c’est-à-dire que nous organisons le transport pour nos clients sans pour autant détenir des camions en propre, explique ce dernier. Nous possédons également peu d’entrepôts, ce qui nous permet de concentrer nos capitaux sur des investissements de matériels et d’innovation, en informatique embarquée par exemple.» Ainsi, les investissements annuels excèdent rarement les 10 millions d’euros par an et l’endettement a atteint un niveau bas en 2012, représentant 13,3 % des fonds propres. Cette précaution ne constitue pas pour autant de la frilosité pour cette entreprise capable de livrer les produits de ses clients de Casablanca à Moscou !

«Nous avons eu dès le début de notre histoire une culture internationale, avec une présence en France et en Allemagne, précise Philippe Salzenstein. Nous avons, ensuite, au fil des années, passé des accords de partenariats avec des sociétés étrangères de transport afin de créer un réseau international. Dans ce cadre, chacun s’occupe de son territoire et peut prendre le relais pour offrir à nos clients plus d’opportunité de livraison.» Outre cette offre large en termes de destinations, Heppner mise beaucoup sur une stratégie de proximité avec ses clients, et a donc choisi depuis toujours une organisation décentralisée.

«Nous possédons une douzaine de directions régionales, qui fonctionnent comme des entités autonomes, réalisant chacune entre 20 et 80 millions d’euros de chiffre d’affaires, explique Philippe Salzenstein. L’idée est que les directeurs régionaux puissent gérer leur structure comme de véritables entrepreneurs.» Ces derniers bénéficient également des «correspondants de support régionaux» dédiés, afin de les soutenir sur des questions de gestion et de contrôle de la qualité.

«Ils aident ainsi les directeurs régionaux, dont ils dépendent hiérarchiquement, à produire leurs comptes et à analyser les chiffres pour prendre des décisions, explique Philippe Salzenstein. Cela offre aux régions les moyens de leur autonomie.» Mais tant les directeurs régionaux que leurs correspondants de support peuvent également compter sur la direction financière du siège. Composée de 90 personnes, elle dispose d’un panel de prérogatives large, allant du contrôle de gestion aux achats, en passant par la comptabilité, le crédit-recouvrement, les litiges, le juridique et les infrastructures.  

Un contrôle de gestion décentralisé

Parmi les directions qui la composent, celle en charge du contrôle de gestion est, assez logiquement, la plus en contact avec les entités locales. Emmenés par Isabelle Suard, les cinq professionnels les assistent sur le cycle budgétaire, les prévisions et le suivi des performances. La direction du contrôle de gestion centralise en outre les reportings produits par les régions, qu’il s’agisse des résultats purement financiers ou des indicateurs de performance, comme le nombre de tonnes de fret traitées ou le coût de transport par tonne et kilomètre parcouru. «Le contrôle de gestion produit également des benchmarks entre les régions, ajoute Philippe Salzenstein. Grâce à l’analyse de l’ensemble de ces éléments, ils formulent également des propositions afin d’améliorer notre efficacité.»

Une équipe de comptabilité conséquente

L’autre spécificité du groupe, qui est un intermédiaire, est de traiter avec de nombreux clients – près de 8 000 – et fournisseurs. Etant donné l’importance des volumes à gérer, la direction comptabilité, emmenée par Emmanuel Simon, est donc la plus importante de la fonction finance, avec 21 personnes. En outre, son champ d’action dépasse largement la production des comptes pour englober la responsabilité de l’ensemble des flux du groupe. C’est même en son sein que se trouvent les deux trésoriers d’Heppner. «Ils doivent gérer le cash pooling des sociétés du groupe et gérer les placements de trésorerie sans prise de risque, explique Philippe Salzenstein. Nous privilégions donc les dépôts à terme et nous répartissons notre cash entre nos différentes banques.»

Plus traditionnellement, trois professionnels travaillent pour la comptabilité clients et sept pour la comptabilité fournisseurs, partenaires et douanes. Sept autres appartiennent au service de la comptabilité générale, de la fiscalité et de la consolidation. «Cette équipe est en charge de la clôture et de la consolidation des comptes de l’ensemble des sociétés du groupe, mais aussi des questions fiscales en France et à l’étranger», précise Philippe Salzenstein. Enfin, Emmanuel Simon a également pris cette année la responsabilité de l’équipe en charge du traitement des litiges transports composée de huit personnes (voir encadré) et celle de la paie, qui compte également huit collaborateurs. «Comme ce dernier a prouvé sa capacité à gérer ces processus de traitement de données de masse, sa mission s’est ainsi élargie», ajoute Philippe Salzenstein.

Une direction crédit-recouvrement qui gère intégralement le poste client

Autre composante de la fonction finance particulièrement développée, la direction crédit-recouvrement a été confiée à Marc Pires. Ce dernier supervise une équipe composée de huit chargés de recouvrement et de deux credit managers, qui gère l’ensemble des clients du groupe. «Nous avons choisi de ne pas recourir à l’assurance-crédit qui est coûteuse et qui, de plus, ne couvre pas tous les risques, souligne Philippe Salzenstein. Même si nous bénéficions pour l’activité de transport de délais de paiement légaux dérogatoires de 30 jours au lieu des 60 jours habituels, nous accordons une grande importance à l’encadrement des retards de paiement. Nous veillons donc à évaluer le risque client et nous accordons des lignes de crédit en conséquence, tout en veillant à ne pas dépasser un niveau global d’encours.»

Pour mener ce travail, les deux credit managers sont en contact direct avec les clients afin, en amont, de récolter les informations nécessaires pour juger de leur solidité financière et, en aval, d’accepter d’accorder des crédits ou, au contraire, de négocier avec ces derniers les moyens de réduire le risque encouru par Heppner. «Généralement, ils collaborent car ils savent que, en nous apportant des informations sur leur bilan et les actions qu’ils comptent mener, ils peuvent nous rassurer et obtenir des délais, explique Philippe Salzenstein.

Si des doutes persistent, nous demandons des garanties bancaires ou des paiements comptants. A défaut, nous pouvons prendre le risque de perdre un client, car notre priorité est d’avoir une croissance rentable.» La méthode est efficace puisque la valeur globale des impayés ne représente désormais que 0,2 % du chiffre d’affaires du groupe. «Nous souhaitons toutefois renforcer encore l’accompagnement des directeurs de région, afin d’améliorer leur implication sur ce sujet», ajoute Philippe Salzenstein. Ces derniers mois, le credit management s’est également développé sur l’activité internationale maritime ou aérienne, car, à l’importation, le commissionnaire est parfois amené à avancer les droits et taxes sur les produits transportés.

«Nous essayons d’éviter d’avoir à avancer la somme pour nos clients et, dans la mesure du possible, le credit manager obtient que celle-ci soit payée en amont», précise Philippe Salzenstein. Dans ces discussions, les credit managers doivent négocier au mieux les conditions de paiement contractuelles.

Une direction juridique polyvalente

Ils peuvent alors compter sur l’accompagnement de la direction juridique. Cette dernière, composée de quatre juristes et dirigée par Jean-Paul Payolle, est très polyvalente. En effet, s’ils sont spécialisés dans le droit du transport, ces derniers se penchent également sur la réalisation des contrats des plus gros clients, en soutien de l’équipe commerciale. La direction travaille en outre beaucoup avec le service recouvrement et la direction des litiges, pour les dossiers les plus complexes. «Dans le cas où un client fait défaut, ils travaillent ensemble afin de récupérer au maximum la somme due», précise Philippe Salzenstein.

Ils sont également en charge des contrats de partenariats avec d’autres commissionnaires en Europe, qui permettent de proposer un service international aux clients d’Heppner. Enfin, ils gèrent les assurances couvrant les infrastructures, la flotte automobile et la responsabilité civile. Le directeur juridique, pour sa part, a repris les commandes dans le droit immobilier et assure la gestion de l’ensemble des bâtiments de l’entreprise. «Non seulement il encadre les transactions, mais il s’occupe aussi des négociations de baux», précise Philippe Salzenstein. La direction juridique contribue de ce fait à contrôler les coûts du groupe.

Une gestion stratégique des litiges, intégrée à la direction financière

Dans ses activités de transport de marchandise, le groupe est confronté à une problématique spécifique : celle des produits perdus ou endommagés lors des livraisons. Si les opérationnels ont pour objectif de réduire ces risques dans le cadre de leur mission, la direction financière doit encadrer et contrôler les litiges qui n’ont pu être évités. «Dans nos métiers, nous sommes confrontés à des cas de casses et de disparitions que nous devons analyser avant, le cas échéant, d’indemniser nos clients, précise Philippe Salzenstein. Nous traitons plus de 30 000 litiges par année.» La direction financière doit par exemple établir la part de responsabilité respective d’Heppner et de son client, notamment en s’assurant que le produit a été correctement emballé et protégé par ce dernier. Les dix juristes du service vérifient donc le respect des obligations contractuelles, afin d’éviter les fraudes.

Des responsabilités élargies pour encadrer les coûts

Dans cette même optique d’une meilleure maîtrise des dépenses, les achats dépendent également de la direction financière. En effet, comme le groupe est un commissionnaire, l’achat de transport représente entre 50 et 80 % de ses frais, selon les prestations. Il constitue le premier poste de dépense de l’entreprise, avant l’essence remboursée au prestataire et la masse salariale. Le service achats, dirigé par Christophe Comel, permet d’apporter une expertise aux différentes entités régionales, qui restent toutefois responsables de leurs négociations.

«Les acheteurs apportent une méthode d’évaluation des fournisseurs et de leur santé financière, mais aussi un cadre de négociations proprement dites pour obtenir de meilleurs tarifs, témoigne Philippe Salzenstein. Ils s’appuient sur leurs connaissances du marché et l’historique de la relation avec les partenaires dans l’ensemble du groupe. Un des objectifs pour 2013-2014 est d’ailleurs d’amplifier leur accompagnement des directeurs de régions.»

La gestion des infrastructures, les plateformes de tri des colis, a en revanche été centralisée et est encadrée par une direction propre au sein de la direction financière. Il est composé de trois personnes, dont le directeur infrastructure, Luc Bazot. «Nous nous sommes engagés dans une politique progressive de rénovation, de mécanisation ou de construction de nouvelles agences qui concentrent l’essentiel des investissements que nous engageons, à savoir, cette année, pas moins de 10 millions d’euros», précise Philippe Salzenstein.

Une place importante à la promotion interne

Grâce à ce champ d’intervention très large, Philippe Salzenstein peut ainsi contrôler au mieux tous les leviers de rentabilité du groupe. En outre, la diversité des missions placées sous sa responsabilité lui permet également d’offrir des opportunités d’évolution de carrière pour les collaborateurs. Un atout non négligeable pour une ETI. Ainsi, les responsables de la direction financière peuvent facilement prendre la tête de nouveaux projets afin de faire leurs preuves et évoluer par la suite vers de nouvelles fonctions.

«Comme dans le reste de l’entreprise, la direction financière privilégie la rigueur de gestion et la réactivité, précise Philippe Salzenstein. Je m’implique personnellement dans la progression de mes collaborateurs et la fixation d’objectifs ambitieux. Il est important également de développer l’esprit d’équipe au sein de la direction pour une meilleure efficacité et de développer la culture opérationnelle propre à l’entreprise même dans les services support.» Cette mobilité interne constitue un facteur de motivation et donc de fidélisation, permettant de développer une véritable culture d’entreprise.

Dans le même but, Heppner recourt également fortement à l’alternance, ce type de contrat concernant une centaine de salariés sur les 3 000 collaborateurs d’Heppner. «Au sein de la direction financière, nous accueillons ainsi trois alternants en comptabilité et un à la direction des infrastructures, souligne Philippe Salzenstein. Cela nous permet de les former aux pratiques de l’entreprise.» Toutefois, si cette culture commune est un outil utile pour cimenter la direction financière, il ne saurait suffire, dans un groupe aussi décentralisé et dont la fonction finance est répartie dans des bureaux à Strasbourg et Paris.

Philippe Salzenstein travaille donc à maintenir des relations entre les équipes de sa direction. Outre les contacts informels, le directeur administratif et financier rencontre ses collaborateurs directs au moins une fois par mois. «Nous nous réunissons formellement afin de discuter des objectifs et des dossiers en cours, témoigne Philippe Salzenstein. Tous les trimestres, nous organisons également une réunion des patrons de départements de la direction financière sur une demi-journée. Cela permet d’offrir une vision globale de notre travail et de faciliter les échanges.»

C’est, par exemple, dans le cadre de ces rencontres que l’idée de passage aux factures électroniques a émergé. «Nous avons réalisé que ce projet peut améliorer le travail à la fois de la direction comptable, de la direction du contrôle de gestion et de la direction juridique», témoigne Philippe Salzenstein. Une démarche qui a permis à la direction financière de contribuer d’une nouvelle façon à la croissance de l’entreprise pour les années à venir.

Philippe Salzenstein, directeur administratif et financier

Diplômé d’HEC et titulaire du DESCF, Philippe Salzenstein (49 ans) a d’abord exercé dans les domaines de l’audit financier et du contrôle de gestion dans l’industrie pharmaceutique. Il a ensuite occupé les postes de directeur administratif et financier, et directeur général successivement au sein de l’entreprise d’électronique Raychem, du spécialiste du service de restauration à bord LSG Sky Chefs et du fabricant de panneaux à base de bois Isoroy. Il a rejoint Heppner en janvier 2013, au poste de directeur administratif et financier et membre du comité de direction générale, gérant à ce titre les directions financières, achats, infrastructures et juridiques.

Les partenaires de la direction financière

Commissaires aux comptes Le groupe travaille avec Segec-KPMG, la branche alsacienne du réseau d’expertise comptable et d’audit. «Notre commissaire aux comptes nous suit depuis très longtemps et nous connaît très bien, témoigne Philippe Salzenstein. En outre, il participe à nos assemblées générales, ce qui est appréciable. Car si les commissaires aux comptes sont invités de droit, leur présence est souvent rare.» 

Commissaires aux comptes Le groupe travaille avec Segec-KPMG, la branche alsacienne du réseau d’expertise comptable et d’audit. «Notre commissaire aux comptes nous suit depuis très longtemps et nous connaît très bien, témoigne Philippe Salzenstein. En outre, il participe à nos assemblées générales, ce qui est appréciable. Car si les commissaires aux comptes sont invités de droit, leur présence est souvent rare.» 

Banques Heppner fait appel à CIC-Est, Société Générale, BNP Paribas et Natixis. Ces quatre établissements travaillent principalement sur les flux d’encaissement et de décaissement, les placements de trésorerie et les opérations de crédits-bails, servant principalement à acquérir des agences où les clients déposent les produits à livrer. Plus récemment, l’entreprise a également obtenu ce type de financement auprès d’Oséo.

Avocats Le groupe est conseillé principalement par le cabinet parisien Pech de Laclause, Bathmanabane et Associés. «Pour les litiges et les contrats, nous gérons au maximum les dossiers en interne mais nous avons parfois besoin d’une aide complémentaire en termes de droit des entreprises et de droit social», souligne Philippe Salzenstein.

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