Les fonds de LBO français sont prêts à réinvestir, et ils se préparent à embaucher des directeurs administratifs et financiers pour leurs futures cibles. Pour ces postes, dont le champ de responsabilités est élargi par rapport à leurs confrères, ils se montrent très exigeants.
Après plusieurs années extrêmement calmes en termes d’opérations, les fonds d’investissement spécialisés dans les opérations à effet de levier (LBO) sont de nouveau prêts à mener des acquisitions. En tout cas, ils s’y préparent en sélectionnant par avance des managers financiers pour leurs futures participations, selon les professionnels du recrutement des directions financières qui sont en contact régulier avec les investisseurs. «Malgré la crise, ils nous ont fait part depuis quelques mois de leurs besoins en directeurs administratifs et financiers pour leurs participations futures», témoigne ainsi Marina Baillon, directrice associée du cabinet de recrutement Robert Walters en charge de la division finance. Il est encore trop tôt pour pouvoir parler de tendance, mais les chasseurs de têtes se mettent déjà en ordre de bataille pour répondre à la demande pour cette fonction. Une anticipation nécessaire car les candidats doivent posséder des compétences particulières.
En effet, compte tenu du poids de la dette particulièrement élevée dans ce type de montages, le directeur administratif et financier d’une telle société doit répondre à plus de responsabilités que ses confrères. Ainsi, très rapidement après son embauche, ce dernier est confronté à de vastes chantiers de restructuration de la direction financière, quand la société en est à son premier LBO.«Pour faire gagner ses équipes en productivité, il met en place de nouveaux systèmes d’informations, et redéfinit les processus internes afin de les rationaliser», explique Marina Baillon. En outre, cette réorganisation s’accompagne aussi souvent d’embauches : le nouveau directeur administratif et financier doit rapidement constituer l’équipe qui travaillera à ses côtés pour la durée du LBO, généralement entre trois et cinq ans. «En plus d’adapter la répartition des postes et des responsabilités au sein du département, il est éventuellement amené à recruter un nouveau chef comptable, un responsable du contrôle de gestion ainsi qu’un responsable de la trésorerie», détaille Bruno Fadda, associate director chez Robert Half.
Mais surtout, le directeur administratif et financier d’une société sous LBO doit s’assurer que celle-ci génère assez de liquidités pour honorer les échéances régulières de remboursement de la dette bancaire. Il doit donc posséder un véritable sens de la gestion du cash. «Dans ce contexte, l’optimisation du besoin en fonds de roulement (BFR) devient une priorité stratégique, explique Bruno Fadda. Par exemple, le directeur administratif et financier doit attacher une attention particulière à son taux de day sales outstanding (DSO), qui mesure les retards de paiement de ses clients, et il doit prendre les mesures nécessaires pour le réduire.» Car, même si cela reste pour eux une préoccupation majeure, tous les directeurs financiers n’attachent pas la même importance à la gestion de leur trésorerie. «C’est le cas, par exemple, de ceux qui exercent dans une filiale de groupe, souligne Mikaël Deiller manager exécutif senior chez Michael Page. Souvent, la trésorerie est centralisée par le siège. Les filiales reçoivent les fonds nécessaires au bon fonctionnement de leur activité, et font remonter les liquidités de façon régulière. Le directeur administratif et financier dans ce contexte ne se concentre pas autant sur la gestion de son cash.»
Une première expérience souvent nécessaire
Enfin, une des spécificités principales de ce métier est la relation qui doit être entretenue avec les actionnaires. Dans un schéma classique, le directeur financier rencontre ces derniers une fois par an, afin de présenter les différents états financiers de l’entité. En revanche, dans une société sous LBO, les investisseurs sont beaucoup plus exigeants. «Ils demandent à rencontrer le directeur financier tous les mois, explique Bruno Fadda. Lors de ces réunions, ce dernier doit pouvoir présenter des données précises sur les réalisations et les anticipations.» Des attentes particulières qui nécessitent qu’il sache mettre en place des processus de reporting et tableaux de bord d’indicateurs beaucoup plus pointus. Il doit également être capable de faire le tri entre les différentes informations, et ne communiquer que les données les plus pertinentes aux actionnaires. «Il doit, par exemple, faire attention à ne pas lancer de fausses alertes lorsqu’un indicateur se dégrade de manière ponctuelle, explique Bruno Fadda. Ce recul sur son activité demande généralement une grande expérience en tant que directeur administratif et financier.»
Autant d’exigences qui expliquent que les fonds d’investissement s’intéressent à des candidats qui bénéficient d’une ancienneté significative. «Nous leur présentons des profils qui ont travaillé pendant plus de 15 ans en direction financière», illustre Marina Baillon. En outre, compte tenu du niveau de responsabilités exigé par le poste, les investisseurs se montrent également très sélectifs vis-à-vis de la nature de l’expérience des candidats. «Pour ce type de poste, les recruteurs nous demandent principalement de leur présenter des directeurs administratifs et financiers qui ont déjà travaillé à ce poste sous LBO, ou qui ont déjà été confrontés à cette pression financière dans leur carrière», témoigne alors Bruno Fadda.
Ce marché restreint pousse les chasseurs de têtes à contacter directement des directeurs financiers en activité, ou sur le point de quitter un LBO. Néanmoins, l’absence d’expérience professionnelle dans une entreprise soumise à ce type de montage financier n’est pas rédhibitoire, et d’autres candidatures peuvent être étudiées. «Nos clients vont parfois examiner le profil de candidats qui ont une grande expérience dans le secteur d’activité de l’entreprise, explique Mikaël Deiller. En effet, dans ce cas, leur expérience opérationnelle sera un atout majeur pour, par exemple, améliorer les relations fournisseurs, et optimiser leur BFR.»