Avec l’émergence des nouvelles technologies, les métiers de la direction financière d’entreprise connaissent de profonds bouleversements. Tandis que certains professionnels voient le périmètre de leurs missions redéfini, à l’instar des comptables, de nouveaux postes émergent. Nécessitant une réelle appétence pour l’informatique, ceux-ci se révèlent très attractifs en matière de rémunération.
Dématérialisation, automatisation des tâches répétitives, délocalisation… Pour de nombreux spécialistes de la finance, ces phénomènes font office de menaces. Pourtant, à en croire PageGroup dans son Etude 2019 des rémunérations, ceux-ci, loin de détruire des postes, en créent de nouveaux, davantage axés autour de l’analyse des données que de la saisie. Un constat exacerbé par l’émergence des nouvelles technologies. «L’exploitation de l’intelligence artificielle aujourd’hui et de l’intelligence quantique demain, ou encore du big data, déclenche de nouvelles manières de gérer et d’analyser l’information, notamment au sein des directions financières», précise Mikael Deiller, directeur exécutif senior chez Michael Page.
Sans aller jusqu’au recrutement de data scientists à qui sont généralement confiées l’analyse et l’exploitation de ces données (voir encadré), cette évolution nécessite en effet une adaptation des directions administratives et financières et se traduit, à ce titre, par la quête de profils différents.
«Aujourd’hui, nous recherchons surtout des personnes ayant une appétence pour les nouvelles technologies, témoigne Philippe Gangneux, directeur administratif et financier de Sidetrade. Celles-ci doivent comprendre les enjeux du numérique et les flux d’information au sein de l’entreprise. Il est par ailleurs important qu’elles aient une sensibilité à la data, même si aujourd’hui cette dernière reste encore chez nous beaucoup du ressort de notre équipe R&D. Enfin, nous recherchons également des profils capables de faire des recommandations aux opérationnels, en matière notamment d’analyses de données sur la relation client.»
Le chef de projet IT/finance très recherché
De plus en plus, la fonction finance sera en effet amenée, dans le cadre de sa transformation digitale, à piloter des projets IT/finance. «Les demandes pour des profils de chef de projet IT/finance tendent en effet à émerger, constate Marc Rougé, manager exécutif senior chez Michael Page. Essentiellement recherchés par les grands groupes, ils ont notamment pour vocation d’accompagner la digitalisation de la fonction et de gérer l’interface entre l’IT et la finance.» Ces spécialistes peuvent, par exemple, piloter la mise en place d’un nouvel ERP ou d’un nouvel outil d’analyse. Ils peuvent également être chargés de la création d’un centre de services partagés avec tout ce que cela implique en termes d’automatisation des processus et de coordination des équipes. «Le chef de projets IT/finance, lorsqu’il est rattaché à la direction financière, doit être capable d’apporter une vision technique de son métier de financier, mais également de traduire les besoins de sa direction auprès de la direction des systèmes d’information, explique Ludivine Carsenti, consultante finance & accounting chez Robert Half. Il s’agit d’un travail collaboratif qui nécessite pédagogie, écoute, et excellent sens relationnel pour assurer une coordination efficace et une bonne réussite du projet.» La dimension «soft skills» (compétences comportementales) des candidats constitue ainsi un critère de recrutement particulièrement important pour prétendre à un tel poste, pour lequel les rémunérations annuelles commencent à partir de 60 000 euros.
Le «financial planning & analysis manager», une fonction en devenir
Les nouvelles technologies participent également au développement de la fonction de financial planning & analysis manager (FP&A manager), qui d’ailleurs fait partie des sept «Jobs en or» 2018-2019 identifiés par Robert Half. «Les FP&A Managers ont notamment pour vocation d’assurer le lien entre les différents pôles de la direction financière et d’accompagner les directions opérationnelles dans leur stratégie de décision, précise Ludivine Carsenti. Tout l’enjeu pour eux se situe dans leur agilité à intégrer différents systèmes d’information avec de plus en plus de données et dans leur capacité à préconiser des plans d’actions réalistes et minimisant les risques financiers.»Ce métier relativement récent nécessite généralement un parcours initial en contrôle de gestion, auquel s’ajoutent de fortes compétences en reporting et en analyse financière. La maîtrise d’un ERP et/ou de systèmes décisionnels, ainsi que de l’anglais, sont indispensables pour occuper cette fonction, dont les salaires sont compris entre 42 000 euros pour les juniors et 90 000 euros pour les plus expérimentés d’entre eux.
La résistance du comptable
Enfin, face à l’automatisation d’un certain nombre de processus, certains métiers liés notamment à la comptabilité doivent pour leur part se réinventer. «A l’avenir, maîtriser les outils digitaux sera, pour ces professionnels, beaucoup plus pertinent que de connaître par cœur son plan comptable», prévient Yann Durand, senior manager chez Fed Finance. Dans ce contexte, les compétences recherchées chez les comptables vont désormais davantage porter sur leurs capacités d’analyse de l’information.«La maîtrise des langues étrangères et notamment de l’anglais est également un incontournable, dans la mesure où il est souvent devenu nécessaire de savoir travailler en relation étroite avec des CSP (centres de services partagés) basés aux quatre coins du monde», insiste Ludivine Carsenti. Gage que le comptable, métier qui existe depuis des décennies, est encore très prisé, les opportunités de négociation des salaires sont actuellement particulièrement fortes (entre 24 762 euros pour un profil junior et 67 200 euros pour un profil senior). La révolution digitale ne signe donc pas le glas de ces professions, loin s’en faut…
Data analyst et data scientist pas encore intégrés à la finance
Métiers en vogue depuis quelques années, les data analysts et data scientists ont notamment comme mission d’analyser les données issues du big data ou de l’intelligence artificielle. Contrairement à de nombreuses idées reçues, ces profils restent pour le moment peu recherchés au sein des directions financières. «Ces spécialistes de la data sont actuellement plutôt plébiscités par les directions marketing ou occupent, au sein des entreprises, une fonction transverse à plusieurs directions», constate Yann Durand, senior manager chez Fed Finance. La situation pourrait toutefois évoluer prochainement. «Les contrôleurs de gestion pourraient bientôt y recourir, notamment pour affiner leurs analyses prédictives», poursuit Yann Durand.