La fresque du climat séduit les directions financières

Publié le 2 septembre 2024 à 17h46

Chloé Consigny    Temps de lecture 7 minutes

En France, des milliers de salariés ont déjà participé à un atelier de travail « fresque du climat », destiné à expliquer en un temps restreint les grands enjeux climatiques. De nombreux financiers exerçant au sein d’établissements bancaires ou de directions financières ont suivi cet atelier trois heures durant. Un exercice jugé intéressant, même par des directeurs financiers au fait du sujet.

Le sujet va grandissant. Au sein des directions financières, la prise en compte des critères ESG est devenue un indispensable et s’accélère avec l’entrée en vigueur prochaine de la directive CSRD. Pour sensibiliser de manière très concrète les collaborateurs, de plus en plus d’entreprises ont recours aux ateliers « fresque du climat ». Un outil pédagogique né en France en 2018 sur une idée de Cédric Ringenbach, ingénieur spécialiste du changement climatique. Conscient que les 6 000 pages du rapport du GIEC sont peu digestes pour le plus grand nombre, il imagine une formation de trois heures pour comprendre les liens de cause à effet entre l’activité humaine et son impact sur le climat. Très vite, la fresque du climat s’exporte à l’étranger. Au total, environ 1,7 million de personnes ont déjà participé à un atelier, tandis que l’association compte 80 000 formateurs, également appelés « fresqueurs ».

L’une des grandes forces de la fresque du climat est d'utiliser un dispositif interactif, les ateliers donnant lieu à une implication des participants, qui réfléchissent aux causalités en matière de climat en échangeant des post its, notamment, tout en s’appuyant sur des données scientifiques. « Toutes les informations dispensées durant l’atelier sont issues du rapport du GIEC », souligne Jean-Christophe Jouannais, ingénieur en finance durable chez Société Générale Private Banking. « Cet aspect scientifique est clé. Par exemple, comprendre que sur les neuf limites planétaires, six ont été dépassées, donne un ordre de grandeur tangible. » Il ajoute : « Le sujet peut être perçu comme technique et il y a également une part d’irrationnel qui peut entrer en jeu. La mise en forme causes/conséquences ne laisse aucune place à l’ambiguïté. » Les liens de causalité résonnent particulièrement dans la population des financiers. « Le travail de visualisation qui consiste à mettre face à face des causes, des conséquences et des liens de causalité est au cœur du travail des directions financières », analyse un formateur. « Les financiers comprennent très vite la logique de la fresque. »

Un temps nécessaire

Les trois heures d’atelier ne sont cependant pas toujours faciles à intégrer dans les agendas des directions financières. « Trois heures peuvent sembler un temps long par rapport à nos agendas », explique Jean-Christophe Jouannais. Au sein de Société Générale, les fresques du climat ont débuté en 2021, année durant laquelle les sujets climatiques étaient bien moins centraux au sein du groupe. Tous ceux qui ont participé à une fresque estiment néanmoins que c’est un temps nécessaire. « Il s’agit d’un sujet important. Sur proposition de la direction de l’engagement sociétal, nous avons réalisé cet atelier sous la forme d’un team building durant toute une après-midi, sur la base du volontariat et toute la direction financière était conviée », explique Yann Coupris, directeur du contrôle financier du groupe La Poste. Au sein du groupe France Messagerie, spécialiste de la distribution de presse quotidienne et magazine (220 collaborateurs), seul le comex était convié. Bien qu’engagé à titre personnel sur des sujets de biodiversité, Thomas Liébel, DAF de France Messagerie, estime avoir beaucoup appris. « Je suis sorti de cet atelier ravi, affirme-t-il. C’est un outil pédagogique très efficace. » Parmi les éléments notables, le triangle des responsabilités (Etat, entreprises et individus) qui donne à voir la possibilité d’action de chaque partie prenante. « La fresque du climat donne également des référentiels et des ordres de grandeur, poursuit Thomas Liébel. En France, nous sommes actuellement autour d’une consommation de CO2 annuelle de 10 tonnes par individu et par an, alors qu’il faudrait tendre vers 2 tonnes. »

«C’est un outil pédagogique très efficace. » Parmi les éléments notables, le triangle des responsabilités (Etat, entreprises et individus) qui donne à voir la possibilité d’action de chaque partie prenante.»

Thomas Liébel Directeur administratif et financier ,  France Messagerie

Des applications concrètes

Au-delà de la sensibilisation et des ordres de grandeur, la participation à une fresque est aussi une manière de rappeler aux directions financières l’omniprésence des sujets RSE. « L’extra-financier prend désormais une place considérable dans notre quotidien, détaille Yann Coupris. Il n’y a pas de revue de performance sans y intégrer de l’extra-financier. De manière très concrète, lorsque l’on prépare les budgets, nous mesurons les investissements qui sont faits au titre de la décarbonation. » Pour Thomas Liébel, « celui qui sait peut agir. Avec le développement de la réglementation, les DAF sont appelés à être en première ligne sur les sujets RSE. A terme, la mesure de notre consommation de CO2 sera tout aussi importante que nos résultats financiers ».

La quatrième partie de l’atelier est dédiée à la discussion et aux leviers d’action, « c’est une partie que nous, formateurs, pouvons adapter à notre public », explique Sandra Robert, animatrice de la fresque du climat depuis 2020. « En fonction des métiers ou du secteur dans lequel nous intervenons, nous présentons des ordres de grandeur pour permettre aux participants de réfléchir à des actions qui leur sont propres. » A titre d’exemple, lorsque les formateurs interviennent au sein d’organisations dotées d’un bilan carbone, sa lecture amont permet de pousser les initiatives à l’agenda de l’entreprise. Les incidences sont concrètes sur le travail de la direction financière. « Typiquement, nous faisions déjà très attention à la consommation de la donnée », explique Yann Coupris. « C’est un sujet sur lequel nous sommes aujourd’hui encore plus attentifs. »

Le groupe Société Générale, qui compte désormais 750 formateurs en interne, utilise également cet outil auprès de ses clients et notamment ses clients de banques privés. « Nous avons proposé cet atelier à nos clients banque privée », explique Christophe Jouannais. « C’est un véritable moment d’échange et l’occasion d’ouvrir la discussion avec nos clients. » Loin d’être cantonnées à l’interne, les questions RSE sont aujourd’hui soulevées par l’ensemble des parties prenantes, depuis les clients jusqu’aux fournisseurs qui sont de plus attentifs aux engagements de leurs partenaires.

Des « fresqueurs » en interne

Pour toucher un maximum de personnes, l’association permet à chaque participant à une fresque du climat de devenir ensuite « fresqueur », c’est-à-dire d’animer lui-même des ateliers. Pour ce faire, il suivra au préalable une courte formation. Le groupe Société Générale compte en son sein 750 formateurs. « Il est tout à fait possible de devenir animateur, sans être expert », explique Jean-Christophe Jouannais. « Depuis 2021, j’ai animé une centaine d’ateliers au sein du groupe. » Au sein du groupe Société Générale, le déclic est advenu en janvier 2022, date à laquelle le co-dir a réalisé une fresque du climat. Depuis cette date, la banque a choisi d’intensifier le nombre d’ateliers, avec pour objectif d’atteindre 30 % des effectifs ayant participé à un atelier. Désormais, 40 000 collaborateurs y ont assisté.

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