Pour la plupart des fonctions financières dans l’entreprise, la rémunération comprend aujourd’hui une part variable, dont le poids dépend du niveau d’expertise. Le niveau de cette part variable est de plus en plus déterminé par des objectifs individuels, qui peuvent être aussi liés à la réussite de projets.
Cette année, l’évolution la plus marquante de la structure de rémunération des professionnels de la finance concerne surtout les salaires fixes. « Ces derniers mois, leur augmentation se situe autour de 4 à 5 %, donc en ligne avec l’inflation, même si nous observons actuellement une stabilisation de cette tendance », précise Tanguy du Chalard, manager executif chez Michael Page. Cette augmentation a notamment profité aux profils les plus manquants au sein des directions financières. C’est notamment le cas des comptables qui sont passés par des cabinets d’expertise comptable ou qui ont la capacité à travailler dans un environnement international, mais aussi des contrôleurs de gestion ayant fait leurs armes en cabinet d’audit. « La plupart d’entre eux ont renégocié leurs salaires à la hausse de 10 à 15 %, soit dans le cadre de leur entretien annuel, soit à la faveur d’un changement de poste et/ou d’entreprise », ajoute Tanguy du Chalard. Parallèlement à ces fortes augmentations, la part de rémunération variable ne faiblit pas. Elle est même devenue un fait acquis pour la plupart des métiers de la finance d’entreprise. « Pendant longtemps, cette part de variable concernait principalement les fonctions managériales de la finance telles que les DAF, constate Aurélien Boucly, director of permanent talent chez Robert Half. Aujourd’hui, ce mode de fonctionnement et de rémunération s’applique à la plupart des fonctions financières et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise. »
«Dans certaines fonctions de la finance, la part de variable permet parfois de doubler son salaire fixe en fonction de la stratégie de croissance externe de l’entreprise.»
Un levier d’attractivité pour les entreprises
En effet, le revenu variable représente un levier d’attractivité pour les candidats. « Au regard des difficultés de recrutement de certaines compétences dans la finance telles que celles liées à la business intelligence, la data, le reporting extra-financier, la facturation électronique, une structure de rémunération innovante permet d’attirer les candidats qui souhaitent participer à des projets de transformation », souligne Ludovic Bessière, directeur de la direction de l’excellence métier chez Hays France & Luxembourg. Par ailleurs, dans les entreprises qui ont des grilles de salaires fixes, le variable offre également aux recruteurs un moyen de négociation lors des entretiens d’embauche. De même, il permet à certaines entreprises telles que les start-up ou les fintechs d’attirer des candidats expérimentés malgré un salaire fixe peu élevé. « Ces jeunes pousses ont besoin d’experts en finance pour les accompagner dans leur croissance, mais n’ont pas toujours la capacité à leur proposer un niveau de rémunération équivalent à ce qu’ils pourraient trouver dans des entreprises plus traditionnelles, poursuit Ludovic Bessière. Elles jouent alors sur la part du variable qui, dans ces structures, peut atteindre jusqu’à 50 % du revenu pour un CFO ! » Le niveau de ce variable peut d’ailleurs aussi dépendre du secteur d’activité de l’entreprise. « Par exemple, dans le secteur du luxe, les banques, assurances ou encore les cabinets d’audit, il peut être très important », ajoute Ludovic Bessière.
«Le package de rémunération intégrant une part fixe et une part variable est désormais courant dans les fonctions financières.»
Une part de variable qui est fonction du niveau d’expertise
Au-delà de la taille de l’entreprise et de son secteur d’activité, la part du variable dépend également du niveau hiérarchique du collaborateur. « La part du variable d’un contrôleur de gestion pourra démarrer à 5 % pour les moins expérimentés et atteindre les 15 % pour un poste de responsable du contrôle de gestion, voire les 20 % pour un poste de direction », poursuit Aurélien Boucly. De même, certaines fonctions de la finance peuvent aussi bénéficier d’une part de variable très importante, au regard de leur expertise pointue et de la rareté de leur profil sur le marché de l’emploi. « C’est par exemple le cas des profils d’analyste ou de responsables M&A ayant une expérience en cabinet de conseil avec une spécialité en transaction services ou en banque d’affaires où les niveaux de rémunération sont généralement plus élevés qu’en entreprise, souligne Tanguy du Chalard. La part de variable permet parfois de doubler son salaire fixe en fonction de la stratégie de croissance externe de l’entreprise. »
Des objectifs davantage individuels que collectifs
L’obtention de ces variables reste néanmoins soumise à des objectifs, fixés lors de l’entretien de recrutement et/ou des entretiens annuels. Les objectifs peuvent être collectifs et s’articuler alors autour de la performance globale de l’entreprise ou son Ebitda. Cependant, ils sont désormais, et de plus en plus, individuels. « Dans la finance, ces objectifs peuvent être en lien avec des processus de gestion, souligne Aurélien Boucly. Ils peuvent par exemple s’articuler autour de la gestion des risques pour les risk managers, du respect ou de l’amélioration des délais de clôtures pour les comptables, du taux de recouvrement pour les chargés de recouvrement, etc. » Au-delà de ces objectifs traditionnels, les objectifs fixés aux professionnels de la finance peuvent également être liés à la mise en place d’un projet. « Actuellement, les financiers sont notamment challengés sur les projets de facturation électronique, de décarbonation, de reportings extra-financiers », poursuit Ludovic Bessière. Parallèlement, bien que certaines entreprises continuent de verser ce variable sur le seul retour des managers d’équipes, la plupart tendent désormais à structurer la démarche autour d’indicateurs chiffrés ou du succès d’un projet. « Bien plus qu’une gratification financière, cette part de variable permet aujourd’hui de donner du sens au travail de chacun, conclut Ludovic Bessière. En effet, nous constatons désormais une vraie volonté des entreprises de créer du lien entre les objectifs individuels de chaque collaborateur et les objectifs globaux de l’entreprise. Cette démarche permet à chacun de mieux comprendre en quoi son travail participe à la performance de l’entreprise. » La nouveauté aujourd’hui ne porte donc pas tant sur l’augmentation de la part de ce variable dans le package de rémunération mais sur sa structure, qui s’articule désormais autour d’objectifs « individuels ».
La rémunération ne fait pas tout
La part du salaire variable peut s’articuler autour de différentes composantes. Outre un pourcentage du revenu corrélé à l’atteinte d’objectifs, elle peut aussi comprendre une participation aux bénéfices de l’entreprise, un intéressement, un plan épargne entreprise avec des abondements. Parallèlement à cette structure de rémunération, les entreprises notent également un regain d’intérêt de leurs collaborateurs pour les avantages plutôt liés à leur bien-être tels que, par exemple, le nombre de jours de télétravail ou la présence d’un comité social et économique (CSE) dans l’entreprise… Selon le « Guide des salaires Robert Half 2024 » réalisé notamment auprès de professionnels de la finance, hormis un salaire plus élevé, 66 % de personnes interrogées seraient prêtes à accepter plus de congés, 65 % plus de flexibilité sur les horaires de travail et 50 % plus de télétravail ou de flexibilité par rapport au télétravail. Elles sont également 59 % à plébisciter la possibilité de bénéficier de primes ou d’intéressement ou d’un plan d’épargne retraite. « On constate depuis quelques mois, une inversion des priorités entre les employeurs et les salariés, commente Laure Charbonneau, directrice chez Robert Half France. Les premiers cherchent de nouveaux gains de productivité et souhaitent maîtriser leurs coûts dans un contexte économique moins favorable. Les seconds espèrent toujours, en premier lieu, une meilleure rémunération, en réponse à l’inflation. Mais lorsque cet horizon apparaît limité, les salariés recherchent en compensation du manque à gagner, des avantages en termes de qualité de vie. Si la conjoncture réduit la capacité de négociation des candidats, le rapport de force leur reste favorable, et les dirigeants sont contraints d’en tenir compte s’ils veulent retenir leurs collaborateurs. »