La hausse des embauches constatée en 2015 au sein des directions financières devrait se confirmer cette année. Les profils d’experts restent très recherchés par les groupes, ce qui a notamment déjà permis à certains candidats de négocier de meilleures conditions salariales. Les directeurs financiers, pour leur part, font toujours l’objet d’une demande croissante des PME-ETI.
L’année 2015 a été marquée par le retour d’un certain dynamisme en matière de recrutements au sein des directions financières. «L’an dernier, les entreprises se sont montrées plus promptes à engager de nouveaux collaborateurs financiers que durant les années précédentes, constate Valérie Kolloffel-Clavert, associée au sein du cabinet Nicholas Angell. Signe révélateur de cette tendance, le nombre de mandats qui nous ont été confiés a progressé d’environ 20 % sur douze mois.»
Si les créations de postes ont été plus nombreuses l’année dernière qu’en 2014, celles-ci doivent toutefois être relativisées.«D’abord, les remplacements de collaborateurs représentent toujours la majorité des recrutements», explique Mikaël Deiller, manager exécutif senior chez Michael Page. Ensuite, un nombre croissant de sociétés profitent plus fréquemment du départ d’un ou de plusieurs collaborateur(s) pour redéfinir l’intitulé et les prérogatives du ou des postes qu’il(s) occupai(en)t. Une entreprise a par exemple remplacé un trésorier par un responsable financement et trésorerie. «Certaines offres d’emplois, qui apparaissent de prime abord comme des créations de postes, se substituent donc en réalité à d’autres fonctions, laissant les effectifs des équipes inchangés», poursuit Mikaël Deiller.
Des renforcements d’équipes sous pression
Cette nuance ne remet toutefois pas en cause le constat général d’amélioration progressive du marché de l’emploi pour les cadres financiers, dressé par les cabinets de recrutement interrogés.
«Plusieurs de nos clients ont décidé l’an dernier de pourvoir des postes qui étaient restés vacants pendant parfois plus d’un an, après le départ de leurs précédents titulaires», confie Laurent de Bellevue, directeur associé chez Robert Walters. Cette démarche s’explique, d’un côté, par l’évolution positive des résultats et des perspectives de nombreuses sociétés et, de l’autre, par la prise de conscience de certaines d’entre elles de la nécessité de renforcer leurs équipes financières pour améliorer leur performance. «Les stratégies de maîtrise de coûts déployées ces dernières années – limitation des embauches, création de centres de services partagés (CSP), etc. – ont souvent occasionné une surcharge de travail significative pour la fonction finance, constate Mikaël Deiller. En outre, ces nouvelles organisations ont parfois rendu plus compliquée l’exécution de certaines tâches, par exemple en matière de pilotage.»
En conséquence, des entreprises ont dû faire face à des départs de collaborateurs démotivés… y compris parmi leurs recrues les plus récentes ! «Plus que d’habitude, nos missions ont concerné l’an dernier des remplacements de postes qui avaient été pourvus à peine quelques mois auparavant, poursuit Mikaël Deiller. Le plus souvent, le départ de ces professionnels ne résultait pas d’un manque de compétences, mais d’une intégration ratée dans un environnement de travail dégradé qui ne leur a pas permis d’effectuer une prise de poste dans de bonnes conditions, en raison par exemple d’absence totale de passation ou de départements particulièrement désorganisés.»
Alors que 80 % des 200 directeurs et responsables financiers interrogés en France, dans le cadre d’une étude publiée par Robert Half en octobre dernier, affirment craindre le départ de leurs meilleurs collaborateurs, de plus en plus d’entreprises renforcent leurs pratiques de rétention concernant ces derniers. «Plusieurs employeurs n’ont pas hésité à offrir des augmentations de salaires ou de nouvelles fonctions à des collaborateurs qui étaient sur le départ l’an dernier, afin de ne pas perdre ces talents», confirme Baptiste Lambert, manager chez Robert Half Financial Services.
Les profils d’experts en première ligne
Cette propension accrue des entreprises à développer ce type de démarche est principalement due à leurs difficultés persistantes à recruter certains profils d’experts. En 2015, comme au cours des quelques années précédentes, elles ont en effet maintenu une forte demande concernant les contrôleurs financiers, les responsables trésorerie et financement, les contrôleurs de gestion spécialisés dans l’industrie, les directeurs de la comptabilité et ceux du contrôle interne, tandis que le nombre de candidats pouvant prétendre à ces postes est demeuré limité. En revanche, d’autres profils très recherchés depuis quelques années l’ont moins été au cours des douze derniers mois. «Nous avons observé un volume de demandes plus limité qu’habituellement pour la fonction de consolideur, relève Mikaël Deiller. L’origine de cette tendance se trouve en partie dans le développement de l’offre des principaux cabinets d’audit et de conseil dans ce domaine. Certaines entreprises préfèrent en effet désormais faire appel à ces prestataires externes pour réaliser des tâches de consolidation, compte tenu de la rareté de ces profils sur le marché.» Autre poste pour lequel la demande des sociétés a diminué au cours des douze derniers mois : celui de fiscaliste. «Nous attribuons cette tendance aux nombreux recrutements qui ont été effectués entre 2012 et 2013 dans ce domaine et qui semblent avoir répondu aux besoins des employeurs, du moins pour l’instant», affirme Valérie Kolloffel-Clavert.
Des tendances qui devraient se poursuivre en 2016
Comme ces dernières années, les groupes devraient en 2016 continuer à rechercher principalement des candidats pour des postes de cadres intermédiaires («middle management»), selon les cabinets de recrutement. Pour leur part, les PME-ETI porteront a priori l’essentiel de la demande en ce qui concerne les directeurs financiers et les responsables administratifs et financiers. «Ces sociétés sont conscientes de la nécessité de structurer leur fonction finance afin de gérer au mieux leur développement, notamment dans le cadre de l’internationalisation croissante de leurs activités, poursuit Valérie Kolloffel-Clavert. Désireuses de s’appuyer sur des “business partners” polyvalents, elles privilégient les profils aux compétences étendues (comptabilité, opérations de haut de bilan, etc.) et qui bénéficient déjà d’une forte connaissance de leur secteur d’activité, contrairement aux grands groupes, qui valorisent surtout l’expérience au sein d’autres entreprises cotées.»
Si le mois de janvier est traditionnellement calme en matière de recrutements en finance, la première vague d’offres d’emplois pour 2016 devrait survenir, comme chaque année, d’ici quelques semaines.
Les évolutions de rémunérations contrastées
En 2015, les rémunérations sont en moyenne restées stables pour l’ensemble des fonctions financières. «Les entreprises se sont le plus souvent alignées sur les standards du marché», constate Valérie Kolloffel-Clavert, associée chez Nicholas Angell.
Les profils les plus recherchés (contrôleurs de gestion spécialisés dans l’industrie, responsables financement et trésorerie, etc.) ont toutefois bénéficié de marges de manœuvre significatives. «Certains de ces candidats ont obtenu des salaires 10 % à 15 % plus élevés que ceux proposés initialement par leur nouvel employeur», précise Laurent de Bellevue, directeur associé chez Robert Walters.
A contrario, les directeurs financiers ont continué l’an dernier à subir une pression baissière sur leurs rémunérations, en raison de l’important nombre de candidats sur le marché et des moyens limités de la majorité des sociétés recherchant ce type de profils, à savoir les PME-ETI. «Une part croissante des directeurs financiers ayant préalablement exercé au sein de grands groupes acceptent le fait que leurs revenus diminuent lorsqu’ils intègrent une structure plus petite ou un autre secteur d’activité, confie Mikaël Deiller, manager exécutif senior chez Michael Page. Nous avons observé des diminutions de packages salariaux de 10 % à 50 % dans certains cas ! » Des tendances qui devraient se poursuivre en 2016, selon les recruteurs.