Métier

Le contrôle de gestion, nouvelle voie royale pour les jeunes financiers

Publié le 12 octobre 2023 à 8h30

Anne del Pozo    Temps de lecture 8 minutes

Le métier de contrôleur de gestion attire de plus en plus des étudiants qui le préférent désormais souvent à l’audit. Une tendance portée certes par des salaires élevés, mais également par l’évolution des missions confiées à ces experts de la donnée.

Si les étudiants en finance privilégiaient auparavant les métiers d’auditeurs ou d’experts-comptables, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers le contrôle de gestion. D’ailleurs, le métier séduit non seulement les jeunes issus de master en contrôle de gestion mais également, et de plus en plus, ceux issus de filières comptables voire même d’ingénierie. « Nous observons en effet une appétence plus forte des jeunes pour le contrôle de gestion, constate Emmanuel Millard, président de la DFCG. Le métier séduit car il permet d’occuper une place transverse, d’interagir avec toutes les fonctions de l’entreprise, d’être impliqué dans les décisions. Il attire de plus en plus tous ceux qui s’intéressent à la chaîne de valeur de l’entreprise et essaient de la comprendre pour l’optimiser. D’autre part, le métier a beaucoup évolué ces dernières années, ce qui a aussi contribué à attirer de nouveaux profils. »

Un métier en mutation

En effet, auparavant plutôt cantonné à la comptabilité, à la consolidation et au retraitement des données, le contrôleur de gestion est de plus en plus amené à faire des analyses prospectives et à devenir un business partner de la direction financière et de la direction générale. « Notre métier qui était très concentré sur le forecast, le reporting et le budget évolue vers l’analyse et la recherche des leviers de croissance et de performance pour notre organisation, témoigne Isabelle Coltrat, directrice de la performance, du contrôle de gestion, de la restructuration industrie/distribution chez Lapeyre. Une transformation qui contribue à faire des contrôleurs de gestion des “managers de la performance de l’entreprise”. »

L’évolution du métier est également portée par la réglementation et en particulier par la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Suite à cette dernière, qui entrera en vigueur au début de l’année 2024, les entreprises, en fonction de leur taille, auront l’obligation de suivre des normes européennes de reporting de durabilité et de publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités et impacts matériels en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance. « Ce sujet va continuer de mobiliser au premier chef notre profession », ajoute Emmanuel Maillard. Une implication des contrôleurs de gestion également portée par la volonté des entreprises d’engager une démarche RSE ou ESG, hors cadre réglementaire. « Certaines entreprises se fixent en effet des objectifs en termes de RSE, précise Isabelle Coltrat. Par exemple pour suivre une trajectoire de décarbonation, le contrôle de gestion va devoir monter un budget par business unit ou pays et en assurer le suivi. Pour baisser leur bilan carbone, les entreprises peuvent également être amenées à agir sur les capex. Or, cette démarche peut relever du contrôleur de gestion. »

«Notre métier évolue vers l’analyse et la recherche des leviers de performance pour notre organisation.»

Isabelle Coltrat Directrice de la performance, du contrôle de gestion, de la restructuration industrie/distribution ,  Lapeyre

Des attentes sur les compétences digitales

Ces évolutions métier du contrôleur de gestion nécessitent davantage de recourir aux nouvelles technologies, que ce soit pour la collecte et le traitement des données ou pour leur restitution. « Plus l’économie est incertaine et fluctuante (inflation, tension sur la chaîne d’approvisionnement, etc.), plus nous devons être en capacité de faire des hypothèses et des projections, poursuit Isabelle Coltrat. D’autre part, alors que le champ de nos actions commence à dépasser le seul cadre financier pour couvrir également l’extra-financier, nous avons de plus en plus de données à collecter, dans l’entreprise et en dehors, avant de les traiter, de les analyser et de les modéliser. Au-delà des fondamentaux en termes de comptabilité notamment, l’exercice de notre métier nécessite donc aussi aujourd’hui d’avoir une véritable appétence pour les outils IT. » Des solutions technologiques qui, d’ailleurs, tendent également à évoluer. En effet, en plus d’Excel, les contrôleurs de gestion sont de plus en plus amenés à travailler avec des solutions d’EPM (enterprise performance management) grâce auxquelles ils peuvent notamment planifier, budgétiser, prévoir et créer des rapports sur les performances métier. « Les compétences des contrôleurs de gestion sur ces solutions, mais également et sur les technologies plus innovantes liées par exemple à l’intelligence artificielle, font désormais partie des prérequis attendus par les recruteurs », constate Ludovic Bessière, business director France et Benelux chez Hays.

«Le contrôle de gestion attire de plus en plus tous ceux qui s’intéressent à la chaîne de valeur de l’entreprise et essaient de la comprendre pour l’optimiser.»

Emmanuel Millard Président ,  DFCG

Une aisance relationnelle et une capacité à communiquer

Au-delà de ses compétences digitales, le contrôleur de gestion est également attendu sur sa capacité à accompagner l’entreprise dans ses projets de transformation. A ce titre, les connaissances sectorielles des contrôleurs de gestion, en particulier des seniors, sont particulièrement plébiscitées. « Les entreprises ont besoin de contrôleurs de gestion qui connaissent bien leurs rouages et modes de fonctionnement, leur organisation et le secteur sur lequel elles évoluent afin qu’ils soient en capacité de bien les accompagner dans leurs projets de transformation, mais également de leur fournir des analyses prédictives qui soient cohérentes avec l’écosystème dans lequel elles évoluent », souligne Ludovic Bessière. Alors que, dans le cadre de ses missions, le contrôleur de gestion est amené à interagir en permanence avec les directions opérationnelles de l’entreprise (notamment pour collecter des informations) mais aussi à partager le fruit de ses analyses avec la direction financière et/ou générale, il doit être un bon communicant. Ses compétences relationnelles lui permettront ainsi de créer un climat de confiance avec ses interlocuteurs et de faire entendre son point de vue. Par ailleurs, les capacités d’organisation et de planification et la rigueur sont également indispensables à la pratique de ce métier. « Les recruteurs plébiscitent également leurs capacités d’adaptabilité et de flexibilité, ainsi que leur curiosité », précise Emmanuel Millard.

Les jeunes contrôleurs de gestion expriment leurs attentes

  • Selon une enquête réalisée par le cabinet Hays auprès de plus de 400 étudiants en master « contrôle de gestion » au printemps dernier, les attentes des jeunes générations de contrôleurs de gestion ne portent pas tant sur leurs prétentions salariales (qui restent dans la moyenne du marché) mais plutôt sur la nature de leurs missions et leur place dans l’entreprise et auprès des décideurs. « Ils entendent accompagner la performance de l’entreprise et travailler à cet effet sur les informations qui vont permettre aux dirigeants de l’entreprise de gagner du temps et d’être précis dans leurs prises de décisions, explique Ludovic Bessière, business director France et Benelux chez Hays. A cet effet, mais également pour pouvoir partager cette information de manière claire, ils souhaitent que leur entreprise mette à leur disposition des outils d’analyse et de business intelligence sur lesquels ils ont été formés. »
  • Les jeunes contrôleurs de gestion se préparent également à intervenir et à travailler rapidement avec les décideurs et à défendre leur point de vue devant eux. « Ils aspirent pour cela à acquérir des compétences interpersonnelles pour échanger, discuter et convaincre avec plus d’aisance, poursuit Ludovic Bessière. Ils sont également prêts à être davantage formés par leur entreprise sur les nouvelles technologies, les normes comptables ou encore sur ses modes de fonctionnement ou le secteur d’activité sur lequel elle évolue. »

Un marché qui reste sous tension

L’évolution des missions du contrôleur de gestion et des compétences qui l’accompagnent contribuent néanmoins à faire du contrôle de gestion un métier en tension. Les entreprises peinent encore à recruter et ce, en dépit des perspectives d’évolution notamment vers des fonctions de direction du contrôle de gestion, de responsable financier ou de DAF et des niveaux de rémunérations proposés. Selon le cabinet Hays, les premiers niveaux annuels de salaires pour des juniors sont rarement inférieurs à 40 000 € et peuvent atteindre, pour les plus expérimentés, 150 000 voire 200 000 € dans les grands groupes cotés.

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