Bras droit du dirigeant et interlocuteur privilégié du fonds, le directeur financier joue un rôle central dans un LBO, tant pour la gestion du cash et de la dette que pour la mise en œuvre du plan stratégique. Les professionnels ayant fait leurs preuves dans un tel contexte sont particulièrement recherchés par les investisseurs.
Au-delà du dirigeant, le directeur financier est certainement le premier « homme clé » d’une société sous LBO. La fonction est ainsi scrutée de près lors des audits menés par les fonds d’investissement avant leur entrée au capital, ces derniers n’hésitant pas à initier le recrutement d’un nouveau DAF s’ils l’estiment nécessaire. « Lors d’une opération primaire, les attentes du management vis-à-vis de la direction financière évoluent : cette dernière prend un rôle moins centré sur de la gestion comptable et le reporting, et plus directement en prise avec le business, le DAF participant à l’élaboration et à la mise en œuvre de la feuille de route stratégique, explique Léonard Briot de La Crochais, fondateur d’Abaq, un cabinet spécialisé dans le recrutement de managers pour les participations des fonds d’investissement. En outre, les sujets de cash prennent une autre dimension : non seulement la société ne peut pas faire d’appels de trésorerie à sa maison mère, mais elle doit faire face à des échéances de dette différentes. »
Un changement stratégique, comme une accélération du développement à l’international, peut aussi conduire à accueillir un nouveau profil, même si, dans de nombreux cas, le poste est conservé au fil des opérations. « Lorsqu’un LBO se passe bien, il est fréquent que le directeur financier soit gardé par le nouvel actionnaire, note Simon Boukara, associé du cabinet de recrutement Upward. Il peut également être placé dans une autre société du portefeuille du fonds vendeur. » Aujourd’hui à la tête de la direction financière de NumWorks, un concepteur de calculatrice graphique détenu par Aldebaran, Cécile Guidard-Rousset a précédemment passé onze ans, soit le temps de trois LBO, au sein du spécialiste de la relation client Armatis. « On ne change pas une équipe qui gagne, témoigne-t-elle. A contrario, quand les résultats ne sont pas là, le DAF est souvent le premier évincé, même s’il n’est pas forcément responsable des mauvaises performances. »
Une structuration du reporting
Fonction exposée mais pourtant convoitée, aussi bien pour son intérêt professionnel que financier, le DAF étant généralement intéressé à la réussite de l’opération via le management package, la direction financière d’une société sous LBO implique quelques particularités. Celles-ci sont liées à deux éléments structurels des transactions à effet de levier : la création de valeur doit être suffisante pour assurer à la fois le développement de l’activité et le remboursement de la dette, et la feuille de route définie lors de l’entrée de l’actionnaire doit être remplie dans un temps contraint afin d’offrir une plus-value aux parties prenantes lors de la sortie du fonds. Ces deux lignes directrices impliquent une gestion fine de la trésorerie appuyée par un reporting détaillé et structuré à destination du fonds d’investissement. « Le directeur financier doit mettre en place les outils et systèmes d’information permettant d’assurer le suivi de la dette et des ratios financiers », note Simon Boukara. Ce travail est d’autant plus conséquent lors d’un LBO primaire, les PME étant généralement peu matures sur ce sujet. « Notre rôle est d’établir un reporting mensuel et de fournir des outils de pilotage afin que la finance soit un élément dans la prise de décision, ajoute Cécile Guidard-Rousset. Pour ce faire, il est important de s’appuyer sur les opérationnels afin de s’assurer que les indicateurs choisis soient adaptés au suivi de leur activité. » Bien construits, ces indicateurs permettent de valider, ou non, la pertinence d’une décision. « Le DAF doit non seulement constater d’éventuels problèmes mais aussi être force de propositions pour les résoudre, insiste Léonard Briot de La Crochais. Il est essentiel qu’il se positionne en codécideur. »
«Le DAF doit comprendre à la fois les attentes du CEO et celles du fonds, qui peuvent parfois être désalignées.»
Un profil adapté à la stratégie de l’entreprise
Pour mener à bien ces missions stratégiques, les fonds sont en quête de la perle rare, même si cette dernière peut revêtir différents aspects. Secteur, taille de l’entreprise, LBO primaire ou tertiaire, tous ces paramètres influent sur le profil du directeur financier recherché. « A chaque début de mission, j’interroge le fonds sur les points suivants : pourquoi a-t-il investi dans cette entreprise, quelle est la feuille de route stratégique et où en est l’entreprise par rapport au déroulé de cette dernière, explique Léonard Briot de La Crochais. Le profil recherché sera ainsi différent si l’enjeu est d’améliorer la rentabilité, et donc l’efficacité opérationnelle de l’entreprise, ou si l’objectif est de se déployer à l’international avec potentiellement la réalisation d’acquisitions. »
La croissance externe étant de plus en plus au centre de la thèse de développement des sociétés sous LBO, une bonne maîtrise des opérations de haut de bilan est de toute façon attendue, que ce soit pour accompagner des acquisitions ou les phases de changement actionnarial. De même, la connaissance du secteur, ou a minima des sujets opérationnels de l’entreprise, est évidemment appréciée. « Pour un fabricant de boissons, par exemple, il faut un DAF qui possède une expérience des modèles BtoBtoC, et des problématiques de production et de gestion des stocks », illustre le recruteur. Des compétences d’autant plus nécessaires que le temps d’un LBO est compté, entre quatre et cinq ans en moyenne, laissant peu de place à un apprentissage sur le terrain.
Une capacité à transmettre et à convaincre
Au-delà de son savoir-faire, le directeur financier doit se montrer assez habile dans son savoir-être afin de s’adapter à la diversité de ses interlocuteurs : équipe de direction, actionnaires, prêteurs, collaborateurs… « Ce n’est pas un financier en chambre, il doit également être bon communicant », atteste Simon Boukara. « Il faut aussi savoir faire preuve de conviction pour emmener les équipes lors de la conduite d’un projet », ajoute Cécile Guidard-Rousset. Aux dires des recruteurs, le choix entre deux candidats s’opère plus sur un ensemble de soft skills que sur la technique, celle-ci étant largement maîtrisée par ces professionnels aguerris, à l’exception toutefois de la connaissance du LBO. Comme dans de nombreux domaines, la première expérience est souvent la plus difficile à acquérir, les fonds se montrant frileux vis-à-vis des profils n’ayant jamais travaillé avec un actionnaire financier. « Les fonds recherchent des DAF qui possèdent a minima une expérience de LBO, et donc maîtrisent à la fois les sujets techniques, d’acquisitions et de gestion de la dette », poursuit Simon Boukara. Ceux désirant rentrer dans ce cercle fermé peuvent tenter d’évoluer au sein de l’équipe de la direction financière d’un groupe sous LBO, ou cibler une plus petite société pour espérer intégrer la short-list des investisseurs financiers.
L’interface entre le fonds et le dirigeant
Si le directeur financier forme un binôme naturel avec le dirigeant, il est aussi l’interlocuteur privilégié de l’actionnaire financier. « Le fonds peut nous solliciter pour des questions sur le reporting, ou pour vérifier que l’entreprise est en ligne avec la stratégie définie », illustre Cécile Guidard-Rousset. Une position d’interface entre l’investisseur et le dirigeant qui peut impliquer un jeu d’équilibre. « Le DAF doit comprendre à la fois les attentes du CEO et celles du fonds, qui peuvent parfois être désalignées, explique Léonard Briot de La Crochais. C’est un exercice complexe. Il faut aussi être en mesure de dire les choses, voire de contredire le dirigeant ou les actionnaires le cas échéant. » Mais si ce double dialogue est nécessaire, le directeur financier n’en reste pas moins un salarié de l’entreprise. « La relation qu’on entretient avec l’investisseur varie en fonction du niveau d’implication de ce dernier dans la stratégie, et selon le fait qu’il soit, ou non, à l’origine du recrutement du DAF, note la CFO de NumWorks. Mais dans tous les cas, il ne faut pas oublier que nous travaillons pour l’entreprise, rappelle-t-elle. Le dirigeant est ainsi toujours prioritaire dans les remises d’informations. »