Banques d'affaires comme entreprises devraient voir leur activité « fusions-acquisitions » s’accroître au cours des années à venir, après deux années de basses eaux, qui ont entraîné un quasi-arrêt des recrutements. Ceux-ci s’orientent donc à nouveau à la hausse, notamment dans les entreprises où le responsable M&A voit ses compétences et son rôle se développer.
Alors que les recrutements de spécialistes du M&A ont fortement marqué le pas en 2024, les années à venir pourraient être plus propices à la profession. « Ces recrutements dépendent évidemment de l’activité M&A, explique Karine Favreau, directrice associée finance de marché & private equity/banque de détail & organismes financiers chez Fed Finance. Jusqu’en 2022, le marché des fusions et acquisitions était très actif puis il a fortement ralenti en 2023 et surtout en 2024, ce qui n’a pas favorisé les embauches de professionnels du M&A. D’ailleurs nombre d’équipes M&A des acteurs spécialisés sur ce secteur mais aussi des grandes entreprises sont actuellement sous-staffées, en attendant la reprise des deals. » Un retournement de tendance qui, s’il n’intervient pas dès cette année, est néanmoins attendu à court terme. « Dans certains secteurs industriels et des services tels que la santé numérique (technologies au service de la santé), l’éducation en ligne, les technologies vertes, etc., la tendance des deals devrait en effet être plus dynamique dans les années à venir, avec une croissance des volumes de près de 50 % à horizon 2030 », précise Alexandra Maubert Proniewski, fondatrice et dirigeante du cabinet Alex Nicols. Pour accompagner cette croissance, les recrutements des collaborateurs spécialisés dans les M&A (analystes M&A, associés M&A, assistants M&A, responsables M&A) devraient donc repartir à la hausse. « En 2025, les banques d’affaires et cabinets de conseil en stratégie pourraient encore s’appuyer essentiellement sur des analystes M&A stagiaires ou débutants, ajoute Karine Favreau. Mais très rapidement, ces sociétés devront renforcer leurs équipes avec des professionnels aguerris au métier, au même titre d’ailleurs que les entreprises. »
«Dans la santé numérique, l’éducation en ligne, les technologies vertes, etc., le volume des deals devrait être plus dynamique dans les années à venir et enregistrer une croissance de près de 50 % à horizon 2030»
Un responsable fusions-acquisitions de plus en plus tourné vers la stratégie de l’entreprise
En effet, les politiques M&A dépassent le seul cadre des banques d’affaires et sociétés de conseil en stratégie. Elles sont aussi au cœur des stratégies de développement des entreprises qui souhaitent acquérir de nouvelles compétences, élargir leur portefeuille de client, reprendre ou céder une activité. En entreprise, le responsable M&A (et son équipe quand il en a une) est généralement rattaché soit à la direction financière soit à la direction de la stratégie et travaille en étroite concertation avec la direction générale qui définit la stratégie de l’entreprise. « Il oriente le core business de l’entreprise et ses choix de politique de développement, explique Alexandra Maubert Proniewski. Il lui revient de piloter les opérations d’acquisition, de cession, de privatisation ou de restructuration de l’entreprise. » Dans le cadre de cette démarche, le responsable M&A a pour vocation d’analyser le marché et la concurrence pour savoir comment son entreprise se positionne et va pouvoir se développer et investir. Il lui revient également d’identifier les bonnes opportunités et de mener les différentes démarches de négociation et financières en vue de finaliser l’opération d’acquisition ou de cession. « Au regard de ces missions, son rôle évolue vers le conseil stratégique, ajoute pour sa part Etienne Costes, responsable de l’activité strategy & transactions au sein d’EY. Auparavant, les réflexions menées dans le cadre d’opérations de M&A étaient surtout articulées autour d’éléments financiers. Aujourd’hui, les acquéreurs veulent disposer d’une vision plus globale des entreprises qu’ils acquièrent, leur stratégie de développement, leur performance opérationnelle, leur fiscalité… Les équipes M&A doivent donc savoir traiter aussi bien de sujets stratégiques que de sujets financiers et opérationnels. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle EY a regroupé ses équipes de conseil en stratégie avec les équipes M&A et transaction services. La complémentarité de ces équipes permet de répondre au mieux aux attentes des entreprises ou fonds d’investissement qui souhaitent s’engager dans une opération de M&A en travaillant sur l’ensemble des leviers de création de valeur de l’entreprise. »
Un nécessaire sens de la négociation
Des compétences transverses que le responsable M&A en entreprise doit pour sa part être capable de coordonner et piloter. Outre sa proximité avec les directions financière, stratégique et générale, il est ainsi amené également à travailler en étroite collaboration avec la DSI, la direction juridique ou encore la DRH. De même, en externe, il est en relation avec les partenaires financiers de son entreprise, mais aussi avec la société visée pour acquisition, fusion ou vente. « Son leadership et son sens de la communication sont à ce titre des prérequis indispensables pour mener à bien ces transactions, précise Alexandra Maubert Proniewski. De même, ses capacités de synthèse sont importantes pour présenter de manière précise, simple et éclairée les opérations en cours ou l’intérêt d’une acquisition en particulier par rapport à la situation de l’entreprise. Son savoir-faire en termes de négociations notamment avec la société visée, et parfois avec ses partenaires financiers, est également nécessaire pour mener l’opération à son terme. Il doit par ailleurs avoir une vraie force de persuasion car ces opérations conduisent parfois au rapprochement d’entreprises qui n’ont pas la même culture. Sa capacité à gérer le changement est, en ce sens, également plébiscitée par les recruteurs. Ces opérations nécessitent en effet de préparer et d’accompagner les différentes équipes concernées par l’intégration à venir de la société acquise, en termes par exemple d’évolution de mindset, de déversement des données comptables et financières, ou encore de migration des outils informatiques… »
Une bonne résistance au stress
Parallèlement, pour identifier les éventuelles opportunités de marché, le responsable M&A est amené à faire de la veille permanente et doit avoir des capacités d’anticipation. Il s’agit d’ailleurs souvent d’une des étapes qui rendent ce métier attractif. « Le responsable M&A peut par exemple être amené à suivre l’évolution d’une ou plusieurs sociétés en vue de l’acquérir plus tard, lorsqu’elle sera arrivée à maturité sur son marché, ajoute Alexandra Maubert Proniewski. Il lui faut pour cela savoir être prospectif et être en mesure d’anticiper ce qui peut se passer sur son marché. Sa curiosité est aussi un atout dans le cadre de ces démarches tant pour dénicher des opportunités que pour comprendre de nouveaux métiers et marchés qui pourraient intéresser son entreprise ! » Alors que les opérations de M&A peuvent prendre plusieurs semaines voire plusieurs mois et nécessiter de nombreuses démarches sans forcément déboucher sur un deal, la méthodologie, la rigueur et l’organisation sont également indispensables au responsable M&A. « Il faut parfois réaliser beaucoup de pitchs avant qu’une opération aboutisse », poursuit Karine Favreau. Le responsable M&A doit alors savoir faire preuve de flexibilité et de rigueur, et maîtriser différents sujets pour mener à bien sa mission. Son endurance au stress et sa résistance à la pression sont donc indispensables dans le cadre de ces opérations.
Au-delà de ces savoir-être, le responsable des fusions et acquisitions en entreprise est bien entendu et avant tout un financier, pourvu de solides compétences en analyse financière et stratégique, capable de mettre en place des business plans, de gérer et coordonner des projets, et ce jusqu’à l’intégration de la société dans le cadre d’un rachat. A ce titre, les responsables M&A sont généralement diplômés d’un MBA, d’une grande école de commerce ou d’un master en finance. Les responsables M&A en entreprise ont généralement parfait leurs compétences en finance en occupant des fonctions de contrôleur de gestion, d’analyste financier et parfois même de direction financière et administrative pendant plusieurs années. Nombre d’entre eux sont également passés par des cabinets de conseil en stratégie ou par des banques d’affaires pour ensuite intégrer des départements stratégie puis M&A de grandes entreprises. Ce métier, réputé pour être exigeant, ouvre ensuite la voie à des fonctions équivalentes ou à des postes de direction financière de grands groupes. Ceux qui souhaitent rester dans des cabinets de conseil en stratégie ou dans des cabinets d’audit deviennent généralement partners puis associés.
Des salaires attractifs
– Responsable M&A junior : entre 100 000 € et 120 000 €.
– Responsable M&A senior : de 130 000 € à plus de 200 000 €.
Le montant des salaires des responsables/directeurs M&A évoluent notamment suivant l’expérience de la personne (en corporate ou banque d’affaires), sa formation ou encore la taille de l’entreprise.