Les bonnes pratiques managériales pour éviter les impayés durant l'été

Publié le 19 juillet 2024 à 15h37

Anne del Pozo    Temps de lecture 7 minutes

Alors qu’avec les congés d’été, les services financiers et comptables fonctionnent à effectifs réduits, le suivi des rentrées de cash demeure  une priorité majeure pour les entreprises. Pour pallier le manque de ressources, quelques ajustements en termes de management et d’organisation sont parfois nécessaires.

Le pilotage de la trésorerie ne connait pas de trêve estivale. Pour les entreprises, il peut cependant être difficile   de concilier les contraintes de cash avec les congés de leurs collaborateurs mais aussi de leurs clients et fournisseurs qui, pour certains, vont jusqu’à fermer  pendant cette période. « Le manque de ressources internes est d’autant plus important à gérer durant l’été que la période est propice aux retards de paiement des clients, souligne Nicolas Flouriou, président de l’Association française des credit managers et conseils (AFDCC). Si certains de ces retards peuvent être volontaires, d’autres sont le signe avant-coureur de difficultés financières de l’entreprise. Dans le contexte actuel de forte augmentation des défaillances d’entreprises, la gestion du risque client est donc primordiale et elle passe avant tout par l’anticipation. »

La prévention du risque de non-paiement nécessite alors souvent la mise en place, dans les entreprises, de campagnes de relance client en amont des congés d’été. « Notre équipe de credit management tourne avec 50 % de ses effectifs en août et nous savons qu’il en est de même chez la plupart de nos clients, précise ainsi Frédéric Jean, responsable recouvrement direction finances & administration Brink’s France et adhérent de l’AFDCC. Notre objectif consiste donc à anticiper les échéances de règlement de juillet et août en mettant en place des campagnes de relances préventives et de rappel des échéanciers de paiement dès les mois de mai et juin. Nous proposons également à nos clients, et en particulier aux plus petits d’entre eux, de mettre en place des prélèvements automatiques, afin d’éviter autant que possible les retards de paiement ou impayés l’été. » Cette démarche amont est également nécessaire pour s’assurer que les factures ont bien été reçues pour être payées à échéance durant les mois d’été. « Elle peut être également l’occasion pour les entreprises de négocier des acomptes ou de proposer des modes de paiement en ligne et flexibles », poursuit Nicolas Flouriou.

Une nécessaire préparation des équipes

Pour faciliter les processus de recouvrement l’été, il est par ailleurs important que les équipes en charge du recouvrement de créances s’enquièrent des processus de gestion des factures qui sont mis en place chez leurs clients durant la période estivale. « Elles peuvent notamment les interroger sur la façon dont le circuit de validation des factures sera assuré l’été, ou encore connaître le nom de ceux qui ont une délégation de signature l’été », précise Nicolas Flouriou.

En interne, le suivi et la gestion de la trésorerie et des rentrées de cash l’été nécessitent souvent une organisation spécifique, pour pallier les congés des uns et des autres et prioriser les actions de relance. « Dans le cadre de cette démarche, le portefeuille client de nos collaborateurs en vacances est partagé entre ceux qui restent dans l’entreprise », poursuit Frédéric Jean. Dans d’autres entreprises, le recouvrement de créances peut être confié à des collaborateurs affectés à d’autres missions le reste de l’année. Pour assurer un suivi régulier et sans rupture des processus de recouvrement de créances, l’entreprise doit alors disposer d’une documentation précise en la matière. « Elle servira de guide aux collaborateurs de l’entreprise qui prennent le relais l’été sur la relance des clients, ajoute Nicolas Flouriou. Il arrive également que certaines entreprises proposent une formation au recouvrement de créance à ces collaborateurs relais, afin qu’ils se sentent plus à l’aise dans leur mission estivale. »

Un ajustement des processus de relances

Enfin, il convient de planifier les relances à réaliser en été et de les prioriser, en fonction de l’importance de l’encours. Une approche adoptée par Brink’s : « l’été, nous privilégions le suivi et la relance de nos plus gros clients », insiste ainsi Frédéric Jean. Cette démarche est encore plus importante à réaliser sur les factures dont le taux de marge est peu élevé. « Moins la marge de l’entreprise sur une prestation ou un produit facturé sera importante, plus le chiffre d’affaires pour récupérer un impayé dessus sera élevé, rappelle Nicolas Flouriou. Par exemple, il faut réaliser 10 000 € de chiffre d’affaires supplémentaire pour compenser un impayé sur une facture de 1 000 € avec 10 % de marge, et 20 000 € supplémentaires si la marge est de 5 %. Pour éviter les impayés, voire  les défaillances, nous recommandons aux entreprises de ne pas lâcher la garde l’été sur le suivi du risque client. A cet effet, elles peuvent notamment réaliser une cartographie des risques clients en s’appuyant par exemple sur des bases de données en la matière ou le comportement de paiement de leurs clients, afin d’identifier ceux qui présentent un risque d’insolvabilité à court terme. »

Dans certaines entreprises, la mise en place de procédures spécifiques pour l’été n’est cependant pas nécessaire. C’est par exemple le cas de celles qui ont un centre de services partagés avec des processus de traitement des commandes très centralisés et automatisés, à l’instar de Bel. « Nos processus de clôture et de credit management sont identiques tout au long de l’année et ce même en période de vacances, explique Benoît Rousseau, trésorier groupe de Bel et administrateur de l’AFTE. Les processus de paiement sont centralisés pour le monde, y compris dans les pays émergents dans un shared service center à Paris qui fonctionne en continu grâce à la mise en place d’un core model SAP commun à nos filiales. Nous n’avons pas de fonction de trésorerie en local, à l’exception de certains pays émergents pour lesquels la réglementation bancaire est contraignante. Nos équipes de credit management sont locales avec des polyvalences suffisamment développées pour assurer la continuité des procédures de recouvrement même en période de congés. »

Quelle que soit l’organisation en place l’été, la relation client doit cependant rester une priorité. «Les impayés restent malgré tout souvent, en cette période de l’année, dus à l’absence des collaborateurs en charge des paiements chez nos clients» souligne Frédéric Jean. De quoi inciter les entreprises à relancer très rapidement les processus de recouvrement habituels dès la rentrée de septembre.

«Nous devons être beaucoup plus vigilants l’été. Avant les périodes de congés, nous faisons des rappels sur les procédures anti-fraude.»

Benoît Rousseau Trésorier groupe de Bel ,  Administrateur de l’AFTE

Pas de trêve pour la fraude aux fournisseurs l’été

La période estivale est propice à la fraude aux virements ou aux fournisseurs. L’absence des collaborateurs traditionnellement en charge des paiements fournisseurs affecte parfois la rigueur des process de contrôle interne, ouvrant ainsi la voie aux risques de fraude aux fournisseurs. « Nous devons donc être beaucoup plus vigilants l’été, explique Benoît Rousseau, trésorier groupe de Bel et administrateur de l’AFTE. Avant les périodes de congés, nous faisons des rappels sur les procédures anti-fraude : par exemple, dès que nous recevons un changement de coordonnées bancaires d’un fournisseur par mail, nous devons appeler systématiquement notre référent fournisseur pour confirmer cette modification et autant que possible sur un téléphone fixe plutôt qu’un portable dont le numéro est plus facilement falsifiable. »

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