Après plusieurs années d’évolution dans les métiers de la finance, nombreux sont les financiers à rejoindre des cabinets de recrutement. Ils y sont plébiscités pour leur expertise et leur compréhension de problématiques souvent techniques. Charge à eux de développer la fibre commerciale indispensable à l’exercice du métier de consultant.
C’est ce que l’on peut appeler une reconversion. Après six années passées en tant que contrôleur de gestion et responsable financier dans les filiales du groupe Vivendi, Bruno Fadda a rejoint le cabinet de recrutement Robert Half en tant que consultant au sein de sa division finance. Il y a gravi les échelons, jusqu’à devenir directeur France de toutes les divisions de recrutement permanent. «Aujourd’hui managing director de la practice Executive Search, j’interviens désormais sur des mandats de chasse pour des postes des cadres dirigeants», témoigne-t-il.
Comme lui, les financiers opérationnels, des plus jeunes aux plus chevronnés (voir encadré), sont aujourd’hui nombreux à quitter l’entreprise pour devenir, au sein de cabinets, consultants en recrutement, notamment sur des postes financiers. «Le phénomène s’est intensifié ces dernières années à mesure que les spécialistes du recrutement faisaient de plus en plus le choix de la spécialisation par métiers au détriment d’un positionnement généraliste, indique Bruno Fadda. Ceci pour répondre à une attente de leurs clients désireux d’avoir affaire à des interlocuteurs capables de comprendre au mieux les spécificités techniques des postes et des profils recherchés.» Chez certains acteurs du marché, cette sélection à l’embauche s’est même systématisée : «La totalité de nos 15 collaborateurs chargés du recrutement permanent sur la finance a eu une expérience préalable dans la discipline, qui peut s’échelonner de trois à dix ans», confirme Aude Boudaud, senior manager Finance chez Robert Walters.
Les auditeurs externes plébiscités
Si l’intérêt manifesté par les cabinets de recrutement pour les anciens opérationnels est manifeste, les profils recherchés varient en fonction des missions qui leur sont confiées. «Pour le recrutement permanent, nous apprécions beaucoup les auditeurs externes ayant évolué au sein de structures de conseil, car ils sont habitués à la notion de mission, au contact clients et au travail en équipe, souligne Aude Boudaud. Sont également ciblés les contrôleurs financiers et de gestion, pour leur connaissance de l’environnement corporate de l’entreprise.»Les profils seniors, comme les responsables ou directeurs financiers de filiales auront, pour leur part, tendance à être recherchés dans le cadre de recrutements sur des missions de transition.«Ceci pour leur expertise de pointe et leur capacité à comprendre les enjeux d’une entreprise confrontée à un contexte de grand bouleversement ou de tension», précise Frédéric Aymonier, fondateur et associé chez Fitch Bennett Partners. Enfin, plus le poste à pourvoir sera élevé dans l’organigramme et les responsabilités afférentes importantes, plus le recruteur devra être aguerri. «Il est très fréquent de voir d’anciens top managers en finance être mandatés sur la recherche d’un candidat appelé à siéger au comité exécutif d’une entreprise cliente», indique Frédéric Aymonier.
Quoique primordiales, expertise et affinité technique ne font pas tout. «Le métier de consultant en recrutement requiert une intelligence relationnelle et une fibre commerciale prononcées, souligne Bruno Fadda. Nous ne recrutons jamais d’anciens financiers, aussi bon soient-ils techniquement, s’ils n’ont pas le goût du challenge, de la vente, du conseil, et du dépassement des objectifs.» Bien souvent, ce sont d’ailleurs ces défis opérationnels qui séduisent les financiers reconvertis. «Récemment, nous avons embauché un ancien responsable financier qui, après avoir travaillé durant des années au contact de la direction commerciale de son entreprise, a décidé de se confronter à la prospection et à la négociation tout en ne s’éloignant pas des sujets constituant son cœur de métier», témoigne un professionnel.
Une diminution du salaire fixe
Dans la très grande majorité des cas, le virage vers le recrutement opéré par les financiers est définitif. Outre l’attrait exercé par l’aspect commercial du métier, c’est aussi sa richesse qui séduit les reconvertis. «Du recrutement en CDI à l’intérim en passant par le management de transition, les problématiques de recrutement rencontrées par les entreprises sont multiples», illustre Bruno Fadda. Autre atout non négligeable, les perspectives d’évolution de carrière sont, selon lui, nombreuses.«Le secteur du recrutement se caractérise par des possibilités de progression hiérarchique rapide, soutient-il. Par ailleurs, il est toujours possible de monter sa propre structure après quelques années, une fois sa clientèle fidélisée.» Au final, de l’avis de plusieurs spécialistes, si des retours en entreprise peuvent survenir, ils interviennent le plus souvent dans les un ou deux ans suivant le départ de la fonction finance, et se font généralement vers un département ou la dimension humaine est au cœur des préoccupations opérationnelles : les ressources humaines.
Sur le plan de la rémunération, les financiers prêts à sauter le pas doivent s’attendre à une diminution de leur salaire fixe, un écart d’autant plus conséquent passé un certain niveau d’expérience et de compétence. «L’écart de salaire entre un directeur financier et un consultant, même senior, peut être important, prévient Bruno Fadda. Cette différence de fixe peut toutefois être largement compensée par des parts variables plus élevées dans le recrutement.» D’où l’importance de développer une certaine culture de la gagne.
Pour les plus expérimentés, un enjeu d’employabilité
Pour les opérationnels expérimentés désireux de franchir la ligne vers le conseil, ce choix répond, en plus de l’intérêt intellectuel et humain du métier, à une logique d’employabilité. «Beaucoup de directeurs financiers sont confrontés, passés 50 ans, au plafond de verre, et ne progressent plus dans l’entreprise, reconnaît Frédéric Aymonier. Cette reconversion leur permet de rester proches de sujets dont ils maîtrisent les moindres aspects, tout en étoffant leur palette de compétences.» Comme dit l’adage, il n’y a décidément pas d’âge pour apprendre…
Les cabinets plébiscités pour les recrutements en finance
63 % des 150 recruteurs interrogés dans le cadre du dernier baromètre de Fed Finance sur l’embauche dans la finance, intitulé «360°, recrutement en comptabilité et finance», ont déclaré avoir fait appel, en 2017 et 2018, à un cabinet pour recruter des profils financiers. Ceci tous niveaux hiérarchiques confondus, qu’il s’agisse de postes permanents, intérimaires ou de transition. Ce canal de prospection devance le réseau interne à l’entreprise, plébiscité dans 43 % des cas.