Recrutement

Les chief digital officers : des profils très recherchés

Publié le 23 juin 2017 à 17h57

Guillaume Clément

Pour piloter leur transformation digitale, de plus en plus de sociétés, en particulier financières, se dotent d’un chief digital officer. Ces derniers ont notamment pour mission de mettre en place de nouveaux processus internes et de développer des services innovants et rémunérateurs.

SNCF, Vallourec, Natixis, Axa IM, Accorhotels, Apax Partners… ces sociétés ont en commun d’avoir toutes nommé ces derniers mois un chief digital officer (CDO). Après avoir émergé dans quelques entreprises en France il y a environ cinq ans, ce métier se diffuse désormais au sein de plus en plus d’entreprises. «Alors que les banques, les assureurs et les grands groupes qui ont en direct une clientèle de particuliers ont été les premiers à se doter d’un CDO, de plus en plus de sociétés issues d’autres secteurs (industrie, asset management…), y compris des ETI, cherchent actuellement à pourvoir ce type de poste, explique Jacques Froissant, directeur général du cabinet de recrutement Altaïde. Cette tendance s’explique par la multiplication des projets de transformation digitale au sein de nombreuses structures.»

Les pilotes de la stratégie digitale

Les chief digital officers ont pour mission de piloter la stratégie digitale d’une société. Ils mènent à ce titre des chantiers à la fois divers et transversaux. Avant tout, ils sont en première ligne pour conceptualiser et mettre en place les projets liés à la digitalisation des produits et services commerciaux. «Je vais notamment m’atteler au cours des prochains mois à la préparation du volet digital de notre prochain plan stratégique, en y intégrant par exemple potentiellement le lancement de nouveaux outils numériques (fonctionnalités additionnelles sur notre plateforme Internet, intelligence artificielle, etc.) destinés à améliorer les prestations que nous offrons à nos clients», indique Luc Barnaud, chief digital officer de Natixis.

Mais une part importante du cahier des charges des CDO porte aussi sur la mise en place en interne d’outils digitaux destinés à améliorer les processus.

«Nous avons créé une plateforme qui permet aux collaborateurs de différents départements d’avoir accès en quelques clics à de nombreuses données qui étaient auparavant cloisonnées dans des services (données sur des produits financiers, sur les performances d’actions, etc.), ce qui a grandement simplifié leurs recherches d’informations,illustre Alain Fischer, chief digital officer de Société Générale Global Banking and Investor Solutions.En outre, nous améliorons continuellement cette plateforme, sur laquelle nos équipes de marché peuvent automatiser l’exécution d’ordres de transaction dans le domaine des changes, des taux, des matières premières, des produits structurés, et bientôt des produits de flux actions.» Autre prérogative importante, les CDO sont en charge de la diffusion en interne d’une «culture digitale», et ce à tous les échelons hiérarchiques. «En plus de réaliser une veille globale sur les évolutions technologiques pouvant avoir un impact, positif ou négatif, sur nos activités, nous envisageons de mettre prochainement en place des formations pour les collaborateurs des métiers et des fonctions support afin d’améliorer leur compréhension et leur capacité d’utilisation des nouveaux outils numériques», souligne Luc Barnaud.

Des professionnels expérimentés

Compte tenu du périmètre étendu et du caractère transversal de l’ensemble de ces missions, les sociétés qui recrutent des chief digital officers recherchent des profils expérimentés. «Les candidats à ce type de poste sont généralement titulaires d’un Bac + 5 et affichent au moins une dizaine d’années d’expérience, détaille Martin Villelongue, directeur senior chez Michael Page. Leurs parcours professionnels peuvent toutefois varier fortement d’une société à une autre : certains CDO ont auparavant occupé des postes dans le marketing, l’informatique ou à la tête de lignes de métiers.»

Leur point commun reste néanmoins une forte expertise dans le domaine digital, même s’il n’est pas nécessaire de maîtriser les moindres codes de la «data science» ou d’être ingénieur pour devenir CDO. «Ces professionnels doivent avant tout démontrer leur capacité à comprendre l’intérêt des nouvelles technologies pour leur entreprise et les nouveaux enjeux auxquels elle doit faire face, mais aussi bien connaître les activités opérationnelles de cette dernière, ainsi que son environnement (concurrence, contraintes réglementaire, etc.)», souligne Ornella Biasioli, manager chez Robert Walters. A ce titre, les candidats peuvent particulièrement se démarquer en mettant en avant la réalisation de chantiers structurants durant leurs précédentes fonctions. «Au cours de la vingtaine d’années durant laquelle j’ai évolué dans le secteur des télécoms, j’ai par exemple travaillé successivement sur le déploiement de l’Internet Protocol (IP) au sein des offres réseaux d’entreprises d’Orange, puis dans le cadre du lancement de l’Internet Mobile et de l’émergence des services de télévision de la société», indique Luc Barnaud. Autant de facteurs déterminants auxquels s’ajoutent d’importantes capacités managériales. Les CDO supervisent en effet le plus souvent leur propre équipe, mais aussi d’autres fonctions. «Outre les 35 collaborateurs de notre département, nous coordonnons un réseau de plusieurs dizaines d’“experts digitaux” représentés au sein des différentes fonctions de la société, qui sont par exemple chargés de formuler des suggestions pour digitaliser des tâches concrètes liées à leurs activités et de diffuser nos bonnes pratiques digitales auprès de leurs collègues», détaille Alain Fischer.

De futurs directeurs généraux

Rattachés à la direction générale et le plus souvent membres du comité exécutif, les CDO perçoivent généralement une rémunération brute annuelle comprise entre 80 000 et 200 000 euros, voire parfois jusqu’à 300 000 euros dans certains grands groupes. «Leur salaire dépend principalement de la taille de la société au sein de laquelle ils exercent, ainsi que de la grille de rémunération des autres directeurs», précise Ornella Biasioli. A l’instar d’autres managers, la majorité des CDO bénéficient en outre d’une rémunération variable, comprise entre 10 et 25 %.«Le versement de cette dernière peut être conditionné à l’atteinte de critères de performance collectifs (chiffre d’affaires…) et/ou individuels (finalisation d’un projet digital, revenus liés au lancement d’un nouveau produit, etc.)», indique Martin Villelongue.

Alors que les professionnels anticipent une accélération des recrutements de chief digital officers cette année, notamment dans les sociétés financières et dans les ETI, ce métier a toutefois vocation à long terme… à disparaître ! «Comme la mission globale du CDO représente le développement d’une “culture digitale” au sein des sociétés et la transformation des activités et des processus, la pertinence de ce poste dans sa définition actuelle diminuera fortement une fois ces projets finalisés», reconnaît Ornella Biasioli. Les CDO n’ont toutefois a priori pas d’inquiétude majeure à avoir concernant leur avenir professionnel : certains pourront, d’après les cabinets de recrutement, se voir confier de nouveaux chantiers liés à de futures technologies encore inconnues, tandis que d’autres seront très bien positionnés pour évoluer vers des postes de direction générale.

Des projets communs avec la direction financière

S’ils collaborent davantage avec les directions des services informatique, marketing, commercial ou opérationnels, les chief digital officers mènent également des projets communs avec les directeurs financiers. «Nous discutons par exemple régulièrement de la manière dont la fonction finance pourrait tirer davantage profit d’outils analysant d’importants volumes de données (big data) dans le cadre d’activités telles que la gestion des risques», illustre Luc Barnaud, CDO de Natixis. D’autres directeurs financiers s’appuient pour leur part sur l’expertise de leur chief digital digital pour améliorer leurs systèmes de prévisions budgétaires.

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