Les FP&A se font une place en France

Publié le 14 octobre 2024 à 15h01

Anne del Pozo    Temps de lecture 7 minutes

Encore peu connue il y a quelques années en France, la fonction de financial planning & analysis (FP&A) s’impose désormais dans le secteur de la finance et de la comptabilité. Notamment plébiscités par les entreprises en croissance, les responsables FP&A jonglent entre les missions d’analyse financière, de gestion budgétaire et de management, avec une vision très large et prospective de la vie de l’entreprise.

Si le financial planning & analysis (FP&A) est une fonction en vogue depuis longtemps aux Etats-Unis, elle n’est reconnue en France que depuis peu. « Jusqu’à récemment, cette fonction était assumée par les responsables de la direction financière, mais depuis 2022, nous recevons des demandes régulières de recrutement pour ce type de profils », indique Victor Pasquet, manager chez Fed Finance. Une nouvelle tendance portée notamment par la transformation des entreprises ainsi que leurs besoins de gagner en compétitivité. « Le métier gagne en reconnaissance face à la volonté des entreprises de prendre des parts de marché en France comme à l’international ou encore de réaliser des opérations de croissance externe, explique Benjamin Lassalle, manager exécutif senior chez Michael Page.

Un rôle clé auprès des directions de l’entreprise

Elles ont à cet effet besoin d’anticiper davantage, d’être plus prospectives, de réaliser des analyses financières très poussées et d’élaborer des prévisionnels budgétaires précis, orientés par exemple PNL, pertes et profits ou encore destinés aux opérationnels. Des missions qui reviennent au FP&A qui a donc pour vocation de collecter des données financières auprès des différentes directions de l’entreprise mais également à l’extérieur de son organisation. « Il va par exemple consulter la presse, être en veille sur ce qui se passe sur le marché de l’entreprise dans laquelle il opère, surveiller la Bourse si elle est cotée, etc., précise Alexandra Maubert Proniewski, fondatrice & dirigeante du cabinet Alex Nicols. Il dispose ainsi d’une vue d’ensemble de la santé financière de l’entreprise et en a une vision très prospective. Il diffère d’ailleurs en cela du contrôleur de gestion qui, pour sa part, a plutôt pour vocation de se concentrer sur les données internes à l’entreprise en analysant davantage le passé et d’apporter ainsi des correctifs sur le futur. »

Grâce à la collecte et l’analyse de toutes ces données, le FP&A peut être force de conseil auprès des responsables de services et leur proposer des recommandations. « Il lui revient notamment de les aider dans l’élaboration de leur propre budget afin qu’il soit le plus réaliste possible, ajoute Victor Pasquet. Au travers de ses tableaux de bord et analyses, il accompagne également les différentes directions dans leurs prises de décisions. » Le FP&A peut ainsi alimenter une direction commerciale d’informations financières nécessaires à l’élaboration d’une nouvelle stratégie commerciale, une direction générale dans l’élaboration d’un business plan à cinq ans ou encore la stratégie financière de l’entreprise. Sur la partie comptabilité, il peut être amené à analyser et interpréter un bilan et participer aux prévisions de trésorerie. « Le FP&A doit être synthétique tout en ayant le souci du détail, témoigne Thibaut Cousin, ancien VP Finance EMEA d’Aveva qui a piloté des équipes de FP&A. Si, dans le cadre de ses missions, il collecte, vérifie la fiabilité et analyse de nombreuses données, il a ensuite pour vocation de restituer de manière simple et synthétique des tableaux de bords aux personnes à qui elles s’adressent dans l’entreprise. Lorsqu’avec mes équipes de FP&A, nous avons travaillé sur des projets de restructuration ou de modernisation des métiers existants, nous nous attachions à produire des tableaux de bord très visuels pour aider à la bonne compréhension des données. »

«Le FP&A est la colonne vertébrale de la stratégie financière des entreprises en croissance.»

Benjamin Lassalle manager exécutif senior ,  Michael Page

Des FP&A-ingénieurs financiers

Ces différentes missions nécessitent que le FP&A sache lire un bilan et des comptes de résultats, récolter et analyser des données mais également s’assurer de leur fiabilité. Ses compétences en analyse et prévisions financières sont à ce titre indispensables. A cet effet, le FP&A qui s’appuyait auparavant surtout sur des outils bureautiques, en particulier Excel, recourt désormais de plus en plus à des solutions de business intelligence tels que Power BI de Microsoft. Cet outil permet notamment de produire des reportings à partir de données internes provenant d’un outil CRM, d’un ERP ou même d’Excel, mais aussi de sources de données externes ou venant du cloud. « Pour renforcer la précision de ses analyses financières et s’assurer de la fiabilité des données, le FP&A utilise aujourd’hui des outils de plus en plus modernes, qui embarquent des technologies d’intelligence artificielle, indique à ce sujet Alexandra Maubert Proniewski. Des compétences digitales et en modélisation financière lui sont donc indispensables. » Certains d’entre eux sont d’ailleurs ingénieurs de formation. Ils viennent compléter les rangs de ceux qui ont suivi des cursus plus classiques de hautes études en finance (école de commerce option finance, master 2 en finance…). Souvent, les FP&A ont une première expérience en contrôle de gestion, en audit ou en contrôle interne, des métiers dont les missions s’articulent également autour de l’analyse financière. « Les contrôleurs de gestion qui souhaitent monter en compétences sur l’analyse de données ou se tourner davantage vers des missions stratégiques peuvent ainsi se positionner sur des postes de FP&A », précise Benjamin Lassalle.

Quel que soit leur parcours académique et professionnel, ils ont tous des compétences métiers en finance. « Mais ces compétences ne font pas tout, insiste Benjamin Lassalle. Ce métier nécessite pour celui qui l’exerce rigueur, autonomie et compréhension des enjeux de l’entreprise ainsi qu’une capacité à interagir avec beaucoup de parties prenantes dans l’entreprise, telles que les directions générale, financière, commerciale, marketing, RH. Il doit être suffisamment convaincant et pertinent pour aider aux prises de décisions. » Cette capacité à convaincre est également importante pour récupérer des informations auprès de personnes qui n’ont pas toujours intérêt à les donner. « Par exemple, il arrive parfois que des commerciaux diffèrent la signature d’un contrat pour l’inscrire sur leurs objectifs de l’année à venir, explique Thibaut Cousin. Le FP&A doit alors être suffisamment curieux et à l’écoute des métiers pour récupérer des données qui ne sont pas biaisées. »

Alors que certaines décisions se prennent parfois dans l’urgence, ses capacités d’adaptabilité à son environnement sont par ailleurs importantes. D’autre part, comme il est souvent amené à travailler sur différents projets en parallèle, sa bonne gestion du temps et des priorités est indispensable. « Dans le cadre de sa participation aux prises de décisions stratégiques, le FP&A doit aussi savoir s’adapter à son marché et se montrer créatif et curieux pour proposer des solutions innovantes, par exemple, en termes d’investissements, d’acquisition ou encore de fusion », précise Alexandra Maubert Proniewski. Enfin, une expertise à l’international et la maîtrise de l’anglais font également partie des prérequis à l’embauche, les entreprises qui recrutent des FP&A ayant souvent une dimension internationale.

Des rémunérations intéressantes et de bonnes perspectives d’évolution

S’ils sont attendus sur une diversité de compétences qui sont parfois très techniques, les FP&A bénéficient néanmoins de grilles de salaires attractives, comprises entre 45 000 et 50 000 €/an pour les profils juniors, 75 000 et 80 000 pour des profils plus seniors puis jusqu’à plus de 130 000 € pour des postes de direction FP&A. Au-delà des salaires, souvent plus élevés que ceux des contrôleurs de gestion à niveau d’expertise équivalent, ce sont également les perspectives d’évolution des FP&A qui rendent le métier attractif. Après quelques années d’expérience, ils peuvent en effet prétendre à des évolutions managériales mais aussi plus transverses et accéder ainsi à des postes de directeur du contrôle de gestion, de la stratégie ou de la finance. Ils peuvent également se tourner vers les cabinets spécialisés dans les M&A ou sur les stratégies de modélisation financière.

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