M&A

Les recruteurs dans les starting-blocks

Publié le 23 mai 2014 à 16h13    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h32

Alexandre Rajbhandari

Face à la multiplication des opérations de fusions-acquisitions en France depuis le début de l’année, les différents acteurs du M&A réfléchissent à étoffer leurs équipes. Si les recrutements se font encore rares en banques d’affaires, les boutiques et les entreprises sont déjà actives sur le front des embauches.

La fusion entre Lafarge et Holcim, entre Sopra et Steria, l’acquisition de SFR par Numericable… le retour des méga-deals en France a de quoi faire travailler l’ensemble de la Place, après plusieurs années d’activité atone. Au premier trimestre, la valeur totale des transactions annoncées a même bondi de 153 % par rapport à la même période l’année précédente, selon Thomson Reuters. De fait, les besoins humains au sein des banques d’affaires comme des entreprises sont de plus en plus importants.«Tous nos interlocuteurs nous font part de recrutements et de créations de postes à venir», témoigne ainsi Emmanuelle Villacèque, manager chez Michael Page. Toutefois, la vague attendue par les professionnels du recrutement tarde encore à se concrétiser, et le regain d’activité du marché du travail en M&A reste encore très modeste pour l’instant.

Des banques d’affaires sur le qui-vive

En effet, les banques d’affaires se montrent encore timides sur le front des recrutements. «Nous ne sommes qu’en début de cycle de croissance de l’activité du marché M&A, explique Baptiste Lambert, manager de Robert Half financial services. De ce fait, les banques réussissent encore à absorber la majorité de leur activité en augmentant la charge de travail des équipes déjà en place.» Mais le marché du recrutement de ces structures est tout de même plus actif que ces dernières années. «Pendant la crise, les banques universelles ont renforcé leurs équipes M&A via des recrutements par mobilité interne, notamment sur des profils associates, VP, et directeurs, explique Amaury La Clavière, consultant senior de la division banque d’investissement chez Robert Walters. Désormais, depuis le début de l’année, ces institutions procèdent de nouveau à quelques recrutements externes de profils ciblés, plug and play et très opérationnels.» Des embauches qui ont pour but d’épauler les managing directors qui commencent à ne plus pouvoir suivre à eux seuls l’activité de leur structure. «Les banques d’affaires recherchent des experts capables d’originer et de superviser une opération tout en pouvant apporter une expertise sectorielle», poursuit Amaury La Clavière. Les recruteurs focalisent donc leur attention sur des profils expérimentés, qui affichent au moins cinq années d’expérience.

 

Si l’activité du M&A poursuivait son rythme de croissance actuel, les banques d’affaires pourraient initier des politiques de recrutement d’ampleur plus importante. Toutefois, ces dernières devraient se concentrer principalement sur les jeunes diplômes de grandes écoles de commerce ou d’ingénieur. «Tous les ans, ces structures réalisent une grande part de leurs embauches via des graduate programs, poursuit Baptiste Lambert. Nous pensons que ces derniers seront de plus grande envergure dans les prochains mois.»

Toutefois, même si la demande en ressources humaines dans ce secteur a vocation à augmenter, les rémunérations ne devraient pas progresser davantage.«L’offre de candidats est encore loin de s’assécher, et les rémunérations proposées en banque d’affaires sont toujours bien au-dessus des moyennes du marché, explique Baptiste Lambert. Il n’y a donc pas encore de pression à la hausse.» En effet, les salaires proposés à l’embauche pour un analyste débutant s’établissent autour de 55 000 à 60 000 euros annuels, avec une part de variable autour de 30 %. Une rémunération qui augmente très rapidement : elle peut atteindre entre 85 000 et 100 000 euros de fixe annuel, assortis d’un salaire variable compris entre 40 et 50 %, après seulement trois ans d’expérience.

Des besoins plus urgents pour les boutiques

Si les banques d’affaires se montrent encore prudentes, les boutiques de M&A sont déjà actives quant aux embauches. «Il est difficile d’estimer l’ampleur de ce mouvement car une majorité d’entre elles est effectuée par cooptation, mais les candidats avec qui nous sommes en contact peuvent être impliqués simultanément dans deux ou trois processus de recrutement», constate Baptiste Lambert. En effet, les besoins de ces structures sont beaucoup plus pressants, car elles ne bénéficient pas d’effectifs suffisants pour répondre à la multiplication des opérations de ces derniers mois en augmentant simplement leur charge de travail. D’ailleurs, pressentant le retour des opérations pour 2014, les boutiques ont commencé à approcher des candidats dès l’année dernière, de manière opportuniste. «En revanche, depuis le début de cette année, elles procèdent à des recrutements effectifs, afin de répondre à leurs besoins compte tenu de l’accélération de l’activité M&A», témoigne Amaury La Clavière.

Toutefois, même si elles sont dans l’urgence, les boutiques demeurent exigeantes quant aux profils qu’elles souhaitent recruter. En effet, elles focalisent leur attention sur des candidats qui affichent environ trois à cinq ans d’expérience, et non des jeunes diplômés. «Compte tenu des effectifs réduits, l’essentiel pour ces structures est de recruter des professionnels qui peuvent travailler de manière indépendante», explique Emmanuelle Villacèque.

Des compétences également recherchées par les entreprises

Mais le regain d’activité du marché M&A n’a pas seulement d’impact sur les équipes des conseils financiers. En effet, les grandes entreprises du CAC 40 sont également à la recherche de ces professionnels pour renforcer leurs équipes dédiées aux opérations de croissance externe. «Jusqu’alors, ces équipes, constituées de dix personnes au maximum, se concentraient principalement sur la supervision de la transaction, témoigne Amaury La Clavière. Ensuite, les entreprises avaient généralement recours à des conseils financiers pour exécuter l’opération.»

Des prestations qui peuvent se révéler particulièrement coûteuses, surtout pour les acquisitions de taille modeste. Afin de réduire ces frais, les grandes entreprises veulent désormais recruter directement des professionnels du M&A qui peuvent assurer l’ensemble des étapes d’une acquisition sans recourir à un prestataire externe. «Pour cela, les entreprises recherchent des profils capables d’intervenir sur toutes les étapes d’une acquisition, du ciblage à la signature du deal, en passant par l’évaluation et les processus de due diligence», explique Bruno Fadda, associate director de Robert Half finance et comptabilité.

Leur attention se focalise donc sur des banquiers d’affaires qui affichent au minimum de six à huit ans d’expérience, ou bien des professionnels qui ont exercé dans des cabinets d’audit en transaction services, mais qui disposent également d’une première expérience en entreprise, sur des problématiques de M&A. Si, pour le moment, les entreprises sont encore en train d’approcher des candidats, certaines d’entre elles, comme EDF, auraient déjà recruté moins d’une dizaine de banquiers en ce début d’année. Afin de convaincre ces professionnels aguerris des fusions-acquisitions de les rejoindre, les entreprises sont prêtes à offrir des salaires très intéressants.«Ainsi, un professionnel qui affiche entre huit et dix ans d’expérience peut prétendre, en intégrant une entreprise du CAC 40, à un salaire annuel fixe compris entre 100 000 et 120 000 euros, estime Amaury La Clavière. Ce qui est relativement proche des niveaux de rémunération en banque à ce niveau d’expérience.» En revanche, ils devront forcément revoir leurs exigences à la baisse en ce qui concerne leur rémunération variable. En effet, les entreprises proposent en moyenne une part variable de 25 %, ce qui est bien moindre des 100 % rencontrés parfois en banque d’affaires… Une concession qui correspond au prix, en contrepartie, d’un rythme de vie beaucoup plus détendu !

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