Lors des processus de recrutement, les entreprises ont plus d’attentes sur les qualités relationnelles ou «soft skills» des candidats dans les métiers de la finance. Les tests de personnalité et les mises en situation professionnelle sont désormais de plus en plus prisés.
Les recruteurs se penchent de plus en plus sur la personnalité des candidats dans les métiers de la finance. «Depuis deux ou trois ans, nous assistons à une montée en puissance des attentes sur les “soft skills”, c’est-à-dire sur les qualités humaines et le savoir-être des cadres de la finance et de la comptabilité», constate Bruno Fadda, directeur au sein du cabinet de recrutement Robert Half. «Les candidats ne sont plus jugés avant tout sur leurs connaissances techniques, mais davantage sur leurs qualités relationnelles.» Ainsi, de plus en plus de recruteurs demanderaient que les postulants passent des tests de personnalité.
Certaines entreprises y ont même recours systématiquement. C’est notamment le cas de PwC. Le géant anglo-saxon de l’audit et du conseil – qui a prévu d’embaucher en France 800 personnes en audit, 200 en expertise comptable et 650 pour ses activités de conseil d’ici à juin 2017 –, soumet désormais tous les candidats à un questionnaire de personnalité. Sa directrice du recrutement, Virginie Groussard, a décidé de le mettre en place depuis septembre 2015.«Nous estimons que les compétences relationnelles et comportementales deviennent de plus en plus importantes, explique-t-elle. Ce qui fait la différence entre deux candidats, c’est désormais leur capacité à gérer la relation avec les clients, à comprendre les problématiques commerciales pour mieux certifier les comptes, à savoir communiquer et diriger une équipe, mais aussi leur curiosité et leur ouverture d’esprit.»
Le test PAPI
Chez PwC, la session de recrutement débute ainsi par un test de personnalité envoyé en amont via Internet au candidat. Il s’agit du PAPI (Inventaire des perceptions et préférences), l’un des questionnaires de personnalité professionnelle les plus utilisés en recrutement. Ce dernier dure généralement vingt minutes, et permet de cerner la personnalité et le comportement d’une personne dans son travail en analysant une série de traits de caractère, tels le dynamisme, la sociabilité, l’autorité, la stabilité émotionnelle et l’ouverture d’esprit. Le candidat doit répondre en ligne à une série de questions en choisissant la réponse qui lui correspond le mieux. Les résultats font ensuite l’objet d’une discussion approfondie lors de l’entretien d’embauche. «Le questionnaire de personnalité sert à alimenter cet entretien, indique Virginie Groussard. Si, par exemple, la personne a indiqué qu’elle aimait faire preuve de leadership, nous allons lui demander de donner un exemple concret de ce qu’elle a fait dans ce domaine au cours des trois derniers mois.»
Pourquoi les «soft skills» sont-ils jugés si essentiels ? Les professionnels de la finance doivent de plus en plus s’adapter à des environnements changeants, ce qui suppose une certaine souplesse intellectuelle. C’est notamment le cas dans l’audit avec la réforme européenne qui oblige les entreprises à changer d’auditeur tous les dix ans, afin d’augmenter la concurrence sur ce marché. «Du fait de cette évolution réglementaire, nos auditeurs doivent avoir la fibre plus commerciale, d’où l’importance du côté relationnel», explique Virginie Groussard.
Surtout, tous les métiers de la finance sont transformés par le développement des nouvelles technologies.«L’essor du numérique et l’automatisation des processus et des données modifient les fonctions financières et comptables au sein des entreprises. L’aspect transactionnel de la finance est de plus en plus automatisé. Les professionnels de la finance doivent désormais plus communiquer, travailler en équipe», souligne Bruno Fadda. Dans un tel environnement, le rôle du responsable comptable ou du directeur financier évolue. «Les entreprises attendent désormais de leur directeur financier qu’il puisse conduire des projets, travailler de façon transversale avec différents services, et communiquer de façon claire avec tous les collaborateurs», indique Emilie Torne, manager chez Page Assessment, une filiale du spécialiste du recrutement, PageGroup.
Les mises en situation
Pour éviter une erreur de «casting», les entreprises se penchent donc de plus en plus sur la personnalité de leurs futurs directeurs financiers et directeurs de contrôle de gestion ou comptable.
Au-delà des questionnaires, elles ont, pour ces postes à responsabilité, également recours à des tests de mise en situation. «Les mises en situation professionnelle permettent d’aller plus loin, d’observer et d’évaluer un candidat sur des compétences comportementales précises pour un poste donné, durant quelques heures, voire sur une journée ou deux», explique Emilie Torne, manager chez Page Assessment, qui réalise ces tests. Le candidat est convoqué dans un centre d’évaluation, un «assessment center» où il est évalué par des consultants. Cette méthode est basée sur des «jeux de rôle» et des mises en situation où le candidat se place dans la position du manager et un consultant celui par exemple d’un collaborateur mécontent. Des situations concrètes, telle une prise de décision, l’élaboration d’un planning ou l’annonce d’un plan stratégique sont mises en scène. Des tests collectifs sont également menés : plusieurs candidats sont réunis, et doivent réaliser ensemble une mission, sous l’œil d’un consultant qui évalue notamment leur sens de l’écoute, leur capacité à faire passer leurs idées, etc.
Le principal avantage des mises en situation serait leur fiabilité car elles permettraient de prédire avec le plus de certitude le potentiel d’un candidat à un poste donné, notamment par rapport aux questionnaires de personnalité qui sont jugés moins fiables par les psychologues. «A partir des réponses à un questionnaire de personnalité, nous ne pouvons que formuler des hypothèses sur le mode de fonctionnement d’un candidat, estime Emilie Torne. Il faut pouvoir en discuter avec lui pour comprendre ce qu’il a voulu dire». Le coût des mises en situation est cependant relativement élevé, de 2 000 à 8 000 euros la journée, ce qui explique qu’elles soient généralement réservées aux recrutements de managers, lorsqu’une entreprise hésite par exemple entre deux candidats.
Quelle que soit sa fiabilité, aucune évaluation ne prétend toutefois dévoiler «toute la vérité» sur un candidat et déterminer une embauche.«L’évaluation psychologique ne permet que de confirmer ou non l’impression qu’a eue le recruteur lors de l’entretien d’embauche. Il ne s’agit que d’un outil supplémentaire d’aide à la décision dont l’entreprise peut tenir compte ou non», souligne un professionnel du recrutement. L’entretien d’embauche mené avec le recruteur reste donc primordial.
Comment se préparer à une évaluation de personnalité ?
. Pour les questionnaires de personnalité de type PAPI, il faut répondre instinctivement, selon la réponse qui vous semble bonne. «Il n’y a pas de mauvaise réponse, il faut donner celle qui vous correspond le plus», souligne Mikaël Deiller, directeur finance et comptabilité chez Michael Page. Si vous vous forcez à donner des réponses qui ne vous correspondent pas, cela se verra, car le profil obtenu sera trop équilibré. Il existe d’autres tests, comme le Sosie, qui est très semblable au PAPI ou encore le test de Sigmund, qui est quant à lui beaucoup plus long, étant composé de 450 questions contre environ 90 pour le PAPI.
. Concernant les mises en situation, il est bien de savoir à l’avance quels sont les principes de l’«assessment center» (jeux de rôle, etc.) pour ne pas être pris au dépourvu. De plus, il vaut mieux être en forme le jour de ce type d’évaluation qui nécessite une concentration assez longue. «Je conseille aux candidats d’arriver frais et reposés, surtout s’ils viennent de loin, et d’être le plus naturels possible», indique Emilie Torne, de Page Assessment.