Finance

Les rémunérations variables se démocratisent

Publié le 15 juin 2018 à 15h02

Anne del Pozo

Longtemps réservé dans la finance aux fonctions de direction, le variable tend à s’inviter dans le package de rémunération des fonctions de middle management. Une approche rendue possible par l’évolution de certains métiers et tenant à la nature des nouvelles missions, qui impliquent d’attirer des profils atypiques ou des compétences spécifiques.

Un manager comptable sur deux aurait aujourd’hui une part de variable dans son package salarial, selon le cabinet Hays. «Quasi inexistant il y a cinq ou six ans, le variable sur les postes de middle management dans la finance (contrôleur de gestion, chef comptable, contrôleur financier) tend donc à se confirmer, même si sa présence dans les packs de rémunération est inégale selon la taille des entreprises», constate Pierre Moulin, senior manager chez Hays. Alors que dans les PME, seuls 40 % des managers et directeurs financiers disposent d’une part de variable, ils sont 60 % dans les ETI et plus de 80 % dans les grands groupes. «Plus une entreprise est ouverte à l’international, plus elle conçoit la part variable comme un outil de fidélisation et de mesure de la performance de ses collaborateurs, y compris financiers», ajoute Pierre Moulin.

Un marché du travail tendu

Plusieurs raisons expliquent cette tendance et notamment, selon Pierre Moulin, «l’évolution des métiers de la finance».

Par exemple, grâce aux nouvelles technologies, un contrôleur de gestion passe aujourd’hui moins de temps sur la production d’informations et se consacre davantage à l’analyse de données, ce qui peut influencer positivement le résultat opérationnel de son organisation. «Sur le middle management, les fonctions supports dans la finance sont ainsi devenues des business partners de leur organisation,analyse Jean-Pierre Magot, leader rewards chez Mercer France.Les gratifier notamment en fonction de la performance annuelle de l’entreprise devient à ce titre logique.»

Par ailleurs, le développement du variable sur les postes de middle management dans la finance s’inscrit également dans un contexte de marché de l’emploi parfois tendu sur ces postes. «Chez les cadres financiers, le taux de chômage est inférieur à 4 %, précise Jean-Pierre Magot. Introduire une part de variable dans le package de rémunération permet à l’entreprise de rendre le poste plus attractif et de recruter plus facilement.»D’autre part, le déploiement de certains projets nécessite parfois des compétences particulières, actuellement rares sur le marché.«Les profils mi-comptable mi-informatique, nécessaires par exemple à la mise en place d’un nouveau système d’information financier ou d’une nouvelle fonctionnalité, sont actuellement rares sur le marché, précise ainsi Alexandra Proniewski, manager chez Fed Finance Executive. Pour les attirer, l’entreprise peut notamment les incentiver sur la réussite du projet comme le respect des délais de déploiement, la capacité à rédiger un cahier des charges, la qualité du paramétrage, etc.» La démocratisation du variable sur ces fonctions est également liée au développement des entreprises, notamment à l’international. Dans le cadre de ces stratégies, les trésoriers sont par exemple de plus en plus amenés à mettre en place des systèmes de centralisation de trésorerie, dits cash poolings. «Ils peuvent alors être challengés par une part variable de leur rémunération sur le déploiement de tels projets, mais également sur ses bénéfices, en termes de performance, pour l’organisation», explique Fabien Lucron, directeur du développement chez Primeum.

Une pratique répandue dans les groupes anglo-saxons

Bien que le variable dans le package salarial de ces fonctions tende à se démocratiser, son poids dans la rémunération globale continue néanmoins d’être limité. «Plus le niveau de responsabilité est élevé, plus la part de variable est importante, note Pierre Moulin. Alors que pour un directeur financier elle dépassera souvent les 20 %, elle reste généralement inférieure à 10 % pour un directeur comptable, un contrôleur de gestion ou encore un contrôleur financier.»Surtout, peu de non-cadres bénéficient, dans la finance, d’une rémunération variable individuelle car elle reste difficile à mettre en place pour chacun des membres de l’équipe. «Autant les entreprises arrivent à mesurer la performance d’un commercial à titre individuel et ainsi, à déterminer si un bonus doit être activé ou non, autant il leur paraît parfois plus complexe de le faire pour un financier», poursuit Pierre Moulin. Ainsi, bien qu’il soit simple d’identifier un indicateur de performance quantitatif pour un comptable fournisseurs sur la base, par exemple, du volume de factures traitées, de la diminution des délais de paiement ou de la baisse des litiges, la démarche est plus difficile à mener pour un comptable général. «Dans les fonctions hors cadres de la finance, les entreprises continuent donc de raisonner davantage en termes de “tenue de poste” plutôt que de performance, raison pour laquelle le variable n’est pas encore complètement entré dans les mœurs sur ces métiers, contrairement aux entreprises des pays de culture anglo-saxonne, qui le pratiquent plus largement», constate Fabien Lucron. En France, le directeur financier préférera donc souvent mettre en place des systèmes variables uniquement pour ses managers, tandis que les non-cadres, pour leur part, se verront plutôt attribuer une gratification collective.

Principaux critères de rémunération variable dans la fonction finance

  • Selon le cabinet Hays, dans 40 % des cas, le pilotage d’un projet orienté finance peut être source de gratifications exceptionnelles. «C’est notamment le cas d’opérations modifiant le périmètre de l’entreprise (fusion, acquisition, cession) ou de projets liés aux systèmes d’information, comme le déploiement d’un ERP ou encore l’obtention d’un crédit impôt recherche», explique Pierre Moulin, senior manager chez Hays.
  • Dans 50 % des cas, la fiabilisation du nouveau process mis en place constitue l’un des items du variable. «Nous parlons alors d’amélioration de délai de reporting, d’optimisation des délais de recouvrement ou encore de contrôles fiscaux dont l’issue n’entraîne aucune pénalité», illustre Pierre Moulin.
  • Enfin, dans 60 % des cas, l’amélioration du résultat de l’entreprise représente la principale raison d’une gratification. «Pour challenger le middle management dans la finance, il convient de mettre en place des indicateurs de performance intégrant aussi bien des éléments quantitatifs que qualitatifs», explique Jean-Pierre Magot, leader rewards chez Mercer France. Par exemple, la performance d’un responsable du contrôle de gestion peut se mesurer à partir de la conjonction de différentes analyses, telles que la fiabilité et la qualité des prévisions, le taux de satisfaction des clients internes suite à l’envoi de correctifs, le nombre de talents retenus sur une période donnée et le nombre de jours gagnés dans les dates de reporting.

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