Bien que le taux d’emploi des seniors demeure en France inférieur à celui de la moyenne européenne, les entreprises peinent à recruter des financiers seniors. Face à ce paradoxe, elles peuvent néanmoins activer des leviers, notamment en maintenant les salariés les plus expérimentés en activité.
Malgré la mise en place de la nouvelle réforme des retraites en 2023, les débats autour de cette dernière restent toujours d’actualité, que ce soit dans les rangs de l’Assemblée nationale, dans les entreprises ou auprès des principaux intéressés. Le vieillissement de la population apparaît en toile de fond de ces débats. En effet, le rapport 2024 du Conseil d’orientation des retraites (COR) a montré que le système des retraites allait être déficitaire dès cette année. Or l’un des principaux leviers pour en augmenter les recettes consiste à accroître l’emploi des seniors (55-64 ans).
Bien que ce taux d’emploi progresse chaque année, la Chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques » (TDTE) estime en effet qu’à 58,4 % en 2023, selon la Dares, il reste trop faible. Le sujet n’est pas tant de mettre en place de nouvelles mesures d’âge pour augmenter le taux d’activité des seniors, mais plutôt de proposer, en plus des mesures d’accompagnement à l’emploi, des solutions complémentaires pour le maintien dans l’emploi des seniors.
Des profils plébiscités
La démarche est d’autant plus importante à mettre en œuvre pour les seniors évoluant dans la finance qu’il s’agit de métiers souvent en tension. C’est d’ailleurs plus particulièrement le cas dans la finance d’entreprise, où les seniors en poste occupent généralement des fonctions à responsabilité – de direction financière, direction comptable ou encore direction du contrôle de gestion – connues pour être pénuriques sur le marché de l’emploi. Au-delà du manque de candidats pour ces fonctions, les seniors dans la finance sont également plébiscités pour leur forte expertise métier, voire, pour certains, pour leur connaissance approfondie de l’entreprise ou du secteur dans lesquels ils travaillent. Ils disposent ainsi d’une vision marché utile pour accompagner leur organisation dans ses projets de transformation ou de développement. D’ailleurs, selon le Baromètre 2023 « Emplois des seniors » réalisé par Malakoff Humanis, les dirigeants perçoivent ainsi les salariés de 50 ans et plus comme un atout. Pour 89 % des dirigeants, les compétences et l’expérience des seniors constituent une opportunité. 87 % les plébiscitent également pour leur connaissance de l’entreprise et 86 % pour leur capacité à prendre du recul et de bonnes décisions. « Nombre d’entre eux ont également une très bonne capacité à former ou à mentorer leurs équipes ,et en particulier ceux et celles qui seront amenés à les remplacer lors de leur départ, précise Léonie Marnas, consultante finance chez Hays. Ils sont aussi appréciés par leur employeur pour leur loyauté et leur stabilité, ce qui est moins le cas chez les plus jeunes profils, qui aujourd’hui changent plus facilement de métier ou d’entreprise que leurs aînés. » Au regard de ces différentes expertises, les seniors, en particulier dans la finance, sont notamment recherchés pour des missions ponctuelles. « Dans la finance, ils sont souvent recrutés en management de transition, en CDD ou en intérim, notamment pour gérer des situations de crise ou des projets particuliers de transformation ou d’acquisition par exemple, ajoute Léonie Marnas. Quand ils sont en poste et en CDI, tout l’enjeu consiste alors à les retenir. »
Un maintien nécessaire des seniors dans l’emploi
A cet effet, les entreprises s’adaptent et mettent en place des aménagements de postes et des conditions de travail adaptées aux seniors. Selon une étude Hays publiée en octobre sur le marché du travail et l’emploi des seniors, 43 % des personnes interrogées pensent que, pour mieux s’adapter à l’emploi des seniors, elles doivent notamment aménager les outils de travail via des formations. « La montée en compétences des financiers sur les sujets IT est d’ailleurs un enjeu fort, notamment au regard des projets de transformation digitale liés par exemple à la migration d’ERP ou au passage à la facturation électronique », précise Léonie Marnas.
«Les seniors sont appréciés pour leur capacité à former et à mentorer leurs successeurs.»
Parallèlement, les entreprises mettent également en œuvre des mesures d’organisation de transmission des compétences ou des dispositifs de transition vers la retraite. Parmi le top 5 des actions jugées prioritaires par les dirigeants et salariés recensés dans le baromètre Malakoff Humanis figure ainsi la mise en place de dispositifs de transition vers la retraite tels que la retraite progressive ou le cumul emploi-retraite. D’ailleurs, d’après l’Institut français des seniors, trois quarts des seniors actifs en 2023 envisageaient un cumul emploi-retraite. Si seulement 12 % des retraités l’ont fait actuellement, la tendance est à la hausse (+ 65 % en dix ans, 580 000 cumulaient emploi et retraite en 2021, selon la CNAV). « Avec ce dispositif, à compter du jour de l’âge légal de son départ en retraite, un salarié a la possibilité, plutôt que de passer à 100 % à la retraite, de signer un nouveau contrat de travail avec son employeur pour basculer vers un cumul emploi-retraite et réduire ainsi progressivement son temps de travail, précise Emmanuel Grimaud, fondateur et PDG de Maximis RH et Maximis Retraite. En cumulant une part de salaire et une part de retraite, il peut gagner plus qu’en basculant directement à la retraite, sans que cela coûte plus à son employeur. D’autre part, depuis la loi Borne de 2023, les nouvelles cotisations versées pendant cette période “cumul emploi-retraite” génèrent désormais des droits dans le calcul de la retraite, ce qui n’était pas le cas avant. » Ce dispositif présente également des avantages pour l’entreprise. Il est en effet souvent gage d’une passation en douceur des compétences entre le senior et celui ou celle qui sera amené à le remplacer. Il permet également de pallier les manques actuels de ressources dans certains métiers, comme ceux, notamment, liés à la finance.
Bien que les seniors soient ainsi des profils recherchés dans la finance, les offres d’emploi qui les concernent sont néanmoins souvent « invisibles ». « Dans la finance, 80 % des postes pour des financiers seniors ne sont pas connus, poursuit Mélanie Flouhr, cofondatrice de Purple Squirrel. Les candidats doivent donc soigner leur “branding”, notamment sur LinkedIn, pour être facilement identifiables par les recruteurs. » Dans le cadre de cette démarche, il est également recommandé de soigner son réseau et en particulier ses relations avec les fonds d’investissement qui, généralement, sont les premiers informés des départs à venir dans des postes de financier à responsabilité dans les entreprises.
Un taux d’emploi des seniors inférieur à la moyenne européenne
Selon la Dares, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans poursuit sa progression, passant de 34 % en 2020 à 58,4 % en 2023. Ce taux continue d’augmenter, pour atteindre son plus haut niveau depuis 1975 et qui es notamment en lien avec les réformes des retraites, allongeant les durées de cotisation et l’âge d’ouverture des droits. Ces chiffres sont néanmoins à nuancer selon les catégories d’âge. Les seniors sont ainsi beaucoup moins présents sur le marché du travail après 60 ans. Alors que le taux d’emploi est de 77 % chez les 55-59 ans, il chute à 38,1 % chez les 60-64 ans. Une baisse que la Dares impute notamment aux transitions progressives vers la retraite : « Jusqu’à 55 ans, la part de personnes en retraite est marginale, alors qu’à 60 ans, une personne sur six environ est retraitée, et plus de deux sur trois le sont à 63 ans. »
D’autre part, le taux d’emploi des seniors demeure encore inférieur à la moyenne relevée dans l’Union européenne, qui est de 63,9 %. A tranche d’âge égale, le taux d’emploi des seniors est ainsi de 78 % en Suède, 74,6 en Allemagne ou encore 67,1 % au Portugal.