Ces dernières années, les recrutements de dirigeants s’étaient fait rares dans la gestion d’actifs, mais 2015 marque une rupture. De nombreux changements sont intervenus au sein des sociétés de gestion, les professionnels seniors ou très spécialisés étant les plus recherchés.
L’année 2015 aura été caractérisée par un retour des chaises musicales pour les postes de direction dans la gestion d’actifs ! «Après trois ans relativement calmes marqués encore par la crise financière, les mouvements dans la gestion d’actifs ont été particulièrement dynamiques cette année», confirme Florence Soulé de Lafont, managing partner au sein du cabinet de recrutement Boyden. Dès le printemps, le rythme a été donné par OFI AM qui a successivement recruté en avril Eric Turjeman (ex-Amundi) en qualité de directeur des gestions actions et convertibles, puis en juin Jean-Pierre Grimaud (ex-Swiss Life Asset Managers), comme directeur général, et enfin plus récemment Julien Duquenne (ex-Maif) pour prendre en charge la direction de la gestion privée. «OFI AM a revu sa structure de gouvernance, ce qui a généré des évolutions managériales majeures, constate Florence Soulé de Lafont. Mais cette maison de gestion de taille moyenne n’a pas été la seule à procéder à des évolutions, d’autres ont également réinvesti dans leurs ressources humaines.»
Un renforcement des boutiques entrepreneuriales
Le mercato a notamment concerné d’autres maisons de taille intermédiaire, comme CPR AM qui a consolidé sa direction avec l’arrivée de Nadine Lamotte, en octobre dernier, en tant que directeur général délégué́. Les boutiques entrepreneuriales ont elles aussi continué de renforcer leurs équipes dirigeantes. Après avoir recruté Alain Pitous (ex-directeur adjoint des gestions chez Amundi) comme directeur général en 2014, Talence Gestion a successivement intégré un ancien responsable de la clientèle institutionnelle de la Financière de l’Echiquier, Hugues Suchet, comme associé en charge du développement en juillet, puis un professionnel issu de Meeschaert, Olivier Lhoir, pour développer la clientèle privée en octobre. «Approchant la cinquantaine, certains professionnels de la gestion d’actifs issus de grandes maisons et doté d’un esprit entrepreneurial, d’un goût pour de nouveaux challenges et de l’envie d’accroître leurs responsabilités, n’ont pas hésité à donner une nouvelle orientation à leur carrière en rejoignant de plus petites structures indépendantes», résume Florence Soulé de Lafont. Dans ce contexte, les grandes maisons de gestion ont donc dû, elles aussi, faire face à certains départs. Amundi a ainsi nommé Vincent Mortier (ex-SG CIB), comme directeur adjoint des gestions en juillet dernier.
Une dynamique dans les créations de postes
La dynamique de recrutement a aussi porté sur certains métiers de spécialistes. BNP Paribas IP a par exemple embauché en novembre un ancien d’AXA IM, Laurent Gueunier, comme responsable de l’équipe de gestion de la dette alternative. D’autres maisons, cette fois, étrangères ont elles aussi créé de nouvelles expertises en France, comme Schroders qui a recruté un ancien d’Axa Real Estate, Charles Dupont pour lancer une activité de dette infrastructure à Paris. Les métiers de la dette privée ont en effet été très recherchés en 2015 (voir encadré).
Les postes de commerciaux ont eux aussi été plébiscités l’an dernier.«Si, en 2015, les recrutements de postes seniors ont repris en France, la demande provient davantage de sociétés de gestion étrangères que françaises, constate Danielle Nassif, principal au sein du cabinet spécialisé dans le recrutement de dirigeants, Kienbaum. Ce phénomène s’explique par une dynamique de collecte plus forte à l’international que dans l’Hexagone.» Bénéficiant davantage de moyens, les acteurs étrangers de la gestion d’actifs ont ainsi encore été nombreux à renforcer leurs équipes de commerciaux seniors dans l’Hexagone. BNY Mellon a par exemple recruté, en octobre, Violaine de Serrant au poste de responsable commerciale banques et partenariats pour la France et le Benelux.
De leurs côtés, les maisons de gestion françaises s’intéressent quant à elles davantage à des profils ayant une dimension très internationale. «Les sociétés de gestion françaises de taille intermédiaire recherchent en effet des relais de croissance à l’international, notamment des profils de commerciaux capables de couvrir les pays d’Europe du Nord ou du Sud», complète Danielle Nassif. La financière de l’Echiquier a par exemple nommé en septembre un country manager pour la Suisse (Benjamin Canlorbe) et recruté en décembre un responsable du développement pour l’Allemagne et l’Autriche début décembre (Markus Alefelder). « Depuis deux ans, je constate une hausse de mes missions de chasse pour des postes de commerciaux avec 5 à 8 d’expérience dans la gestion d’actifs, confie Etienne Billing, consultant senior en finance de marchés chez Fed Finance. Nous continuons d’avoir des demandes en France tant pour des profils spécialisés sur la clientèle des institutionnels que des CGPI, preuve de l’attractivité persistante du marché français.»
Une tendance qui va se poursuivre
Les mouvements dans la gestion d’actifs ont également concerné des postes à plus haut niveau. BNP Paribas Investments Partners a par exemple promu Frédéric Janbon en octobre pour remplacer à sa tête Philippe Marchessaux. Plusieurs sociétés de gestion filiales de groupes étrangers ont également changé de dirigeants : Frédéric Lejeune a été nommé, en septembre, président de Robeco en France, Jean-Denis Bachot a été promu responsable du bureau parisien de Fidelity International. Mais c’est BlackRock qui a le plus surpris le marché en nommant Jean-François Cirelli, ancien vice-président et directeur général de GDF Suez, aux côtés de Stéphane Lapiquonne pour prendre la direction du bureau en France.
Ces mouvements devraient se poursuivre en 2016.«Compte tenu des tendances enregistrées en fin d’année et notamment de la part croissante des créations de postes, nous devrions connaître un volume de recrutements supérieur à celui de l’année dernière, souligne Etienne Billing. Mais l’exigence des sociétés de gestion ne devrait pas faiblir car elles recherchent toujours des profils expérimentés, et de plus en plus avertis quant aux évolutions réglementaires en cours et à venir.» Les postes à pourvoir concerneront toujours des commerciaux ainsi que des gérants ou des responsables de gestion seniors avec des spécialités marquées, notamment sur la dette privée, l’immobilier ou encore les pays émergents. De même, le nombre de professionnels de la gestion d’actifs en recherche de nouvelles opportunités de carrière devrait lui aussi croître. «Pendant la crise, les professionnels français se montraient particulièrement frileux pour changer de poste, commente Danielle Nassif. Ils restent toujours prudents, mais ils se montrent plus ouverts à de nouvelles opportunités.» En changeant de structure, les profils les plus rares peuvent, il est vrai, espérer des revalorisations salariales comprises entre 10 et 15 %, alors que les rémunérations dans la gestion d’actifs ont eu tendance à stagner en 2015.
Des profils expérimentés sont recherchés sur la dette privée
- De nombreux banquiers ont pu trouver de nouvelles opportunités de carrière dans la gestion d’actifs avec l’émergence des fonds de dettes privées. «Dès la mi-2014, j’ai obtenu plusieurs mandats de chasse pour recruter des professionnels chargés de développer une activité de dette privée dans des sociétés de gestion, commente Florence Soulé de Lafont, managing partner de Boyen. Cette tendance s’est même accélérée au premier semestre 2015.»
- Ce nouveau métier nécessite souvent de trouver des candidats atypiques. «Le profil idéal est un ancien banquier, qui outre des capacités techniques pointues en matière de structuration et d’analyse crédit, a les qualités commerciales indispensables pour réussir la levée de fonds auprès des investisseurs et l’origination des financements, sait faire preuve de pédagogie, et pourra assurer la gestion ultérieure du portefeuille, énumère Florence Soulé de Lafont. Ce type de professionnel doit ainsi avoir une certaine polyvalence car ses missions seront élargies par rapport à celles qu’ils pouvaient assurer précédemment au sein d’un groupe bancaire.»