Dans le contexte actuel de crise permanente, le métier du trésorier se complexifie et devient un maillon essentiel de la stratégie financière de l’entreprise. Une évolution qui nécessite certes des compétences techniques pointues – l’idéal étant de disposer d’une double compétence, trésorerie et IT – mais qui rend la profession de plus en plus attractive.
Le besoin actuel des entreprises d’optimiser la gestion du cash et de leurs financements mais aussi de sécuriser leurs moyens de paiement a fortement contribué, en 2024, à la dynamique des recrutements de trésoriers. « Nous avons enregistré cette année une augmentation de plus de 20 % de la demande des entreprises pour ces profils, indique ainsi Illan Boukais, senior manager au sein de la division finance chez Robert Walters. Fait nouveau, ce sont notamment les PME et ETI où ces fonctions étaient peu développées qui aujourd’hui créent des postes et recrutent, tandis que les grandes entreprises continuent pour leur part d’étoffer leurs équipes en place dans un contexte où les fraudes sont plus nombreuses et plus sophistiquées. » Longtemps considérée comme une fonction purement administrative et financière, la profession est également marquée par l’évolution des missions qui lui sont confiées. « Ces dernières années, la Covid, la volatilité des marchés, les tensions géopolitiques, la multiplicité des risques, etc., ont clairement mis le trésorier au centre de l’échiquier, constate Arthur Bidot, team lead chez Fed Finance Pays de Loire. Il lui revient de maîtriser au plus près les flux financiers de l’entreprise, d’identifier les priorités de son organisation en termes de gestion du cash et de les expliquer de la manière la plus intelligible possible. » L’euphorie post-Covid a en effet laissé place à un contexte économique ralenti et à une résurgence de risques divers qui accentuent la pression sur les trésoreries des entreprises. « Dans ce contexte, les trésoriers sont aujourd’hui davantage attendus sur la maîtrise des coûts et du cash et un peu moins sur les investissements même si, bien entendu, ils font toujours partie de leur périmètre d’intervention, ajoute Arthur Bidot. Leurs missions sont donc fortement dépendantes de la conjoncture, mais également du type de structure dans laquelle ils évoluent. »
Des missions dépendant du profil de l’entreprise
En effet, si dans un groupe international, les trésoriers ont notamment pour rôle de gérer le cash des différentes filiales, dans une start-up, ils peuvent également participer à la préparation des levées de fonds. Chez Euroapi, carve-out de Sanofi depuis 2021, la trésorerie a ainsi pour vocation de diffuser la culture du cash au sein de son organisation. « Au sein d’une jeune société indépendante comme Euroapi, la culture du cash est un enjeu majeur, précise Hélène Guessant, directrice financement et trésorerie d’Euroapi. Au-delà de nos missions traditionnelles, l’équipe trésorerie d’Euroapi s’attache donc particulièrement à promouvoir cette culture au sein de l’entreprise. Ce travail est notamment mené auprès des directeurs financiers des filiales, mais aussi auprès des équipes comptables et de contrôle de gestion centrales et centres de services partagés pour leur expliquer les enjeux sur les flux financiers et afin qu’ils soient nos relais privilégiés dans l’entreprise pour les optimiser. Nous appliquons également cette démarche auprès des équipes commerciales, avec lesquelles nous identifions les bonnes pratiques à mettre en œuvre auprès des clients pour améliorer le DSO. »
Les missions des trésoriers évoluent également au rythme des nouvelles réglementations et du renforcement de la pression fiscale. « Par exemple, la RSE prend une importance croissante dans les opérations de financement et de trésorerie, et la mise en place de la directive CSRD 2025 ajoutera une pression légale à la pression technologique », précise Illan Boukais. Plus traditionnellement, les trésoriers remplissent des missions de gestion de cash, de gestion des risques, de financements, de conseil aux directions sur la gestion stratégique de l’entreprise mais également de gestion de projets tels que le déploiement d’un nouvel outil de gestion de trésorerie ou l’ouverture d’une filiale.
«Mon expérience de plusieurs années au sein de banques d’affaires m’est précieuse dans le domaine de la recherche de solutions de financement.»
Une maîtrise nécesssaire des solutions de gestion de trésorerie
Pour mener à bien ces différentes missions, les trésoriers doivent être capables de gérer les liquidités, d’anticiper les flux financiers et de s’adapter rapidement aux évolutions de leur environnement qui tendent à s’accélérer (nouvelles réglementations, crises, risques, normes…). A ce titre, la maîtrise des outils digitaux et, en particulier, des solutions de gestion de trésorerie (TMS) devient indispensable. « Nous devons constamment rester en veille sur les sujets liés à la gestion des flux financiers. A cet effet, il est essentiel de disposer de solides bases métier, de règles de gestion fiables, de financements bien en place et d’un outil de gestion de trésorerie performant, explique Hélène Guessant. Nous devons savoir agréger et automatiser les processus de gestion de trésorerie mais également connecter nos outils avec le système d’information en place, tels que les ERP, et avec ceux des banques. » L’appétence des trésoriers pour les systèmes d’information est d’autant plus importante que les outils du marché évoluent sans cesse, devenant de plus en plus intégrés et incorporant des technologies innovantes comme, par exemple, l’intelligence artificielle et le machine learning. « Les compétences en informatique des candidats sont donc souvent un prérequis indispensable, insiste Hélène Guessant. Lors de nouveaux recrutements au sein de notre équipe de trésorerie, nous cherchons des candidats ayant une base en trésorerie ainsi qu’une expérience des systèmes d’information voire en développement informatique. » Une tendance d’ailleurs confirmée par les cabinets de recrutement. « Nous avons de plus en plus de demandes pour des candidats ayant une double compétence en trésorerie et en systèmes d’information, à l’aise avec l’IA, le machine learning et les systèmes de gestion de trésorerie (TMS), note Illan Boukais. Dès lors qu’ils disposent de cette double compétence, ces profils ayant déjà une première expérience peuvent négocier un salaire plus élevé, des perspectives d’évolution, voire même des formations pour aller un cran plus loin dans leur expertise IT. »
De la rigueur et une capacité de communication
D’autre part, dans le cadre de leur mission, les trésoriers sont également amenés à gérer et optimiser les placements financiers, voire, pour certains d’entre eux, à travailler sur des sujets de financements d’entreprise par voie bancaire, de levées de fonds ou de recherches de subventions. Ils sont, à ce titre, également attendus sur leur capacité à négocier avec différentes parties prenantes. « Mon expérience de plusieurs années au sein de banques d’affaires m’est précieuse dans ce domaine, précise Florence Tresarrieu, global senior vice president – investor relations, treasury and group cash performance chez Pernod Ricard, et administratrice de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE). Pendant cette période, je recherchais des solutions de financement adaptées aux besoins des clients et faisais des recommandations. Aujourd’hui, j’adopte la même démarche dans mon entreprise, auprès des banques. »
Un métier en tension mais qui gagne en attractivité
Le métier de trésorier séduit de plus en plus les candidats, notamment en raison des perspectives offertes. « Longtemps, la direction de trésorerie groupe était un aboutissement dans une carrière, poursuit Illan Boukais. Aujourd’hui, de plus en plus de directeurs de la trésorerie accèdent à des postes de DAF. Une évolution professionnelle réalisée récemment par les DAF actuels de Kering et Intermarché. La communication financière est également de plus en plus rattachée à la trésorerie. » Par ailleurs, les directions de la trésorerie se voient de plus en plus souvent confier une autre responsabilité, comme les M&A, la fiscalité d’entreprise ou encore les relations investisseurs. « Nous sommes un certain nombre à occuper ce poste avec une double casquette », précise Florence Tresarrieu, qui gère à la fois la trésorerie et les relations investisseurs pour le groupe Pernod Ricard. En outre, les salaires sont attractifs. Un diplômé d’un master « trésorier » disposant de notions avancées en finance peut atteindre entre 40 000 et 80 000 euros, voire 100 000 euros en région parisienne. Le revenu d’un responsable trésorerie d’un groupe évoluant à l’international peut atteindre les 120 000 euros.