Expatriation

L’international attire les financiers français

Publié le 25 mai 2023 à 10h29    Mis à jour le 28 août 2023 à 18h22

Anne del Pozo

Alors que les financiers français séduisent les entreprises étrangères, les candidats à l’expatriation sont de plus en plus nombreux à se laisser tenter par l’aventure, en Europe et Amérique du Nord, mais aussi en Asie et au Moyen-Orient. Des départs motivés par une volonté de faire évoluer leur carrière professionnelle mais aussi et surtout par des niveaux de rémunération très attractifs.

Suisse, Etats-Unis, Royaume-Uni, Belgique, Canada, Allemagne ou encore Espagne et Italie sont parmi les principaux pays d’accueil des expatriés français qui, selon le quai d’Orsay, seraient actuellement 3,5 millions, un chiffre en hausse constante : on comptait 270 000 départs vers un pays étranger en 2018 contre 160 000 en 2006, selon l’Insee. A la liste des pays habituels s’ajoutent certains pays d’Asie (Singapour) ou du Moyen-Orient (Emirats arabes unis) pour les métiers plus spécifiquement liés à la finance. « Le continent africain séduit également les candidats au départ et en particulier ceux issus de la diaspora, souligne Souleyman El-Kadi, consultant expert sur les zones Afrique et DOM-TOM pour Hays Executive et Hays International. Des candidats notamment appréciés par les grands donneurs d’ordres pour leur capacité à s’acclimater très rapidement et à adopter sans attendre les méthodes de travail ainsi que la culture locale. »

Une offre d’emploi variable en fonction des pays d’accueil

Les offres d’emploi pour les profils de financiers expatriés varient néanmoins d’un pays à l’autre. Selon la 11e édition de l’étude Expat Explorer d’HSBC, ce sont les profils de comptables, d’analystes financiers et de responsables financiers qui sont les plus recherchés en Allemagne et aux Emirats arabes unis. La Suisse pour sa part plébiscite également les contrôleurs de gestion. Ces profils sont d’ailleurs aussi très convoités par les entreprises installées sur les continents africain et nord-américain. « Aux Etats-Unis et au Canada, les comptables, responsables comptables et contrôleurs de gestion français sont ainsi particulièrement appréciés par les recruteurs, notamment pour leurs compétences sur les normes comptables et fiscales internationales, relève ainsi Michael Vosavanh, consultant expert sur les zones Asie, Etats-Unis et Europe pour Hays Executive et Hays International. D’ailleurs, d’une manière plus générale, c’est la technicité métier, le haut niveau de formation et la méthodologie des candidats français qui séduisent les grands groupes évoluant à l’international. » 

Au-delà des zones géographiques et pays, certains secteurs d’activité recrutent plus que d’autres. C’est notamment le cas de la construction aux Etats-Unis et en Afrique, qui propose des postes de contrôleurs de budgets aux financiers candidats à l’expatriation. Les entreprises du monde de la finance recherchent également l’expertise des candidats français, en particulier celles basées sur la côte est américaine, à Singapour, au Moyen-Orient mais également dans certains pays d’Afrique. « C’est par exemple le cas des fonds d’investissements africains », précise Souleyman El-Kadi.

«Les écarts de salaires entre la France et l’étranger sont souvent supérieurs à 15 %.»

Souleyman El-Kadi Consultant expert Afrique et DOM-TOM ,  Hays Executive et Hays International

Des capacités d’adaptation élevées

Les candidats sont également très attendus sur leurs soft skills, et en particulier sur leur ouverture d’esprit et leur capacité à adapter leur méthode de communication et de management à celles du pays et de l’entreprise qui les accueille. « Leur agilité et flexibilité en termes de leadership est essentielle, souligne David Wray. En effet, si dans les pays d’Europe de l’Ouest et du Nord tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni ou encore les Pays-Bas, il est possible d’avoir un management directif, ce n’est pas absolument pas le cas dans certains pays d’Asie et en particulier au Japon ou en Chine, où il convient plutôt de faire preuve d’humilité. » De même, sur des postes à l’international, ils doivent souvent être en mesure de manager à distance, ce qui requiert parfois de l’inventivité en termes de méthodes. « Chez Ajinomoto Foods, nous avons par exemple mis en place des credit management reviews tous les mois avec les équipes commerciales de l’entreprise, afin d’analyser ensemble nos axes d’amélioration en termes de gestion du poste client, précise Eric Latreuille. Une démarche appréciée bien que le credit management n’ait pas autorité sur elles. »

«La technicité métier, le haut niveau de formation et la méthodologie des candidats français séduisent les grands groupes évoluant à l’international.»

Michael Vosavanh Consultant expert Asie, Etats-Unis et Europe ,  Hays Executive et Hays International

Des candidats motivés par la nouveauté

Pour les candidats à l’expatriation, l’international représente souvent un tremplin vers des postes à plus forte responsabilité. « L’expatriation est souvent une case à cocher pour prétendre ensuite à une carrière brillante, souligne Michael Vosavanh. Une étape d’ailleurs bien comprise par exemple par les jeunes diplômés sortant des grandes écoles de commerce, qui sont de plus en plus nombreux à accepter des postes à l’étranger et en particulier dans les grandes banques ou sièges sociaux d’entreprise situés à New York ou sur la côte est des Etats-Unis. » 

Les seniors qui n’ont plus de contraintes familiales ou qui sont en fin de carrière sont également plus enclins à accepter un poste d’expatrié. « La présence des femmes sur des postes à l’international tend par ailleurs à se renforcer, portée par leur volonté de prendre en main leur carrière de plus en plus tôt », précise David Wray. D’autre part, l’attrait pour un poste à l’étranger peut également être motivé par la volonté du candidat d’exercer son métier différemment ou de mener une nouvelle mission. A poste équivalent, les métiers de la finance peuvent en effet relever de méthodes, process ou encore réglementations différentes selon un pays ou une zone géographique mais également l’organisation de l’entreprise. « Par exemple, la culture cash est beaucoup plus développée dans les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande, Australie) qu’en France et les credit managers y sont davantage reconnus et écoutés qu’en France, précise Dimitri Berbari, directeur crédit de Venator. Au sein de notre entreprise, la politique crédit s’organise donc aussi bien avec le credit management que les équipes commerciales et marketing. Une approche qui me séduisait tout particulièrement lorsque j’ai été sollicité pour la fonction que j’occupe actuellement au siège de Venator à l’international. C’est également l’opportunité qui se présentait à moi de développer une équipe de credit management centralisée qui a motivé mon départ pour un poste en Angleterre. Il s’agissait d’une nouvelle mission que je n’avais pas encore eu l’occasion de mener auparavant. »

«Les compétences métiers demandées aux financiers qui travaillent à l’international peuvent varier d’un pays à l’autre.»

Eric Latreuille Corporate credit manager, Ajinomoto Foods Europe ,  Vice-président à l’international, AFDCC

Une rémunération qui incite fortement au départ

Cependant, bien plus que le tremplin professionnel ou l’attrait pour un pays ou pour une mission, ce sont avant tout les salaires proposés qui séduisent les candidats à l’expatriation. « Ces écarts de salaire entre la France et l’étranger sont souvent supérieurs à 15 % », souligne Souleyman El-Kadi. Un constat relevé par Dimitri Berbari, expatrié en Angleterre depuis de nombreuses années. « En Angleterre, un credit manager perçoit salaire de 30 % supérieur à celui d’un credit manager en France », précise-t-il. En Chine et aux Etats-Unis, où les candidats d’Europe de l’Ouest sont particulièrement convoités, ces différences de salaires peuvent atteindre des niveaux à même de séduire les plus sédentaires des financiers. « Un cadre de la finance qui touche 50 000 euros annuels en France peut prétendre gagner jusqu’à 200 000 euros à poste équivalent en Chine », indique David Wray. Quelles qu’elles soient, ces différences de revenus se justifient en partie par des facteurs tels que les primes d’expatriation, les frais de santé, la fiscalité, la différence de coût de la vie, la situation familiale ou encore les mesures d’accompagnement (logement, véhicule, voyages, frais de scolarité…). Des facteurs qu’il convient par ailleurs de bien appréhender pour ne pas déchanter lors du retour en France…

Contrat local versus contrat d’expatriation

Sous contrat local, le salarié est directement recruté par une entreprise étrangère et ne possède aucun lien avec une entreprise française. Il dépend du droit du travail, de la fiscalité et de la sécurité sociale du pays d’accueil. Si le contrat local se trouve dans un pays membre de l’Union européenne ou bien avec un pays ayant des accords sociaux avec la France, une coordination en termes de sécurité sociale pourra avoir lieu. Dans le cadre d’un contrat local, le salarié ne cotise pas pour sa retraite et n’a pas la garantie de réemploi au retour de son expatriation, contrairement au contrat d’expatrié. En revanche, la négociation salariale est plus libre, le contrat de travail n’est pas limité dans le temps et il peut bénéficier d’une série d’avantages en nature comme une assurance privée ou la scolarité des enfants.

Sous contrat d’expatrié, le salarié est envoyé à l’étranger pour une mission particulière et son contrat français est suspendu le temps de son expatriation. Il continue de dépendre du droit du travail français. Ce type de contrat peut correspondre à deux cas de figure :

– un contrat de travail français pour une mission à durée indéterminée à l’étranger ;

– un contrat de travail local pour une entreprise ou une filiale française à l’étranger : cela s’apparente à un prêt de main-d’œuvre, il s’agit d’une « mise à disposition nationale ». Le contrat de travail suspendu est réactivé à l’issue de la mission, lors du retour en France. Idem en cas de licenciement par l’entreprise d’accueil : le rapatriement est assuré par la société mère (article L. 1231-5 du Code du travail).

Dans le cas de l’expatriation, la domiciliation fiscale est en France ou dans le pays d’accueil (en fonction du foyer fiscal). Le versement de l’impôt sur le revenu dépend des conventions internationales signées entre la France et le pays de résidence. La protection sociale est à la charge de l’employé, qui doit s’affilier au régime de protection sociale du pays d’expatriation. Cotiser à la Sécurité sociale pour conserver les mêmes droits qu’en France relève souvent d’une démarche volontaire d’adhésion à la Caisse des Français de l’étranger (CFE). Enfin, si la souscription à des régimes complémentaires dédiés aux expatriés, voire à une assurance privée, n’est pas indispensable, elle peut néanmoins garantir une meilleure prise en charge.

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