Rémunérations

Private equity et M&A : des rémunérations toujours attractives

Publié le 1 février 2024 à 8h30

Coralie Bach

Malgré le ralentissement des transactions et des levées de fonds, les sociétés de private equity et les banques d’affaires maintiennent des rémunérations élevées pour leurs collaborateurs. Avec toutefois des augmentations à venir sans doute plus mesurées que les années précédentes.

Le private equity est réputé pour ses rémunérations attractives, et rien pour l’heure ne vient entacher cette image. Selon l’étude Europe Private Capital Compensation Survey, menée auprès de plus de 200 professionnels du secteur en Europe et publiée fin décembre par le cabinet de recrutement Heidrick & Struggles, les rémunérations continuent d’évoluer à la hausse. Malgré des conditions de marché moins favorables, plus de 70 % des personnes interrogées déclarent avoir bénéficié d’une augmentation de leur salaire fixe entre 2022 et 2023. Exception faite du marché britannique, où les conditions salariales ont été plus impactées par la conjoncture, seuls 2 % des sondés ont vu leur fixe diminuer entre 2022 et 2023. Les bonus ont, quant à eux, été un peu plus touchés, 15 % des investisseurs interrogés ayant déclaré avoir subi une baisse sur ce variable au cours des 12 derniers mois. « Les rémunérations dans le private equity ont fortement progressé en 2022 et 2023. Elles vont probablement commencer à se stabiliser cette année, relève Muriel Moreau, managing partner en charge du bureau parisien du cabinet de recrutement. Mais cette industrie ne connaît pas de mouvements massifs, ni au niveau de ses effectifs, ni en termes de rémunération. Elle évolue lentement. »

«Les rémunérations dans le private equity ont fortement progressé en 2022 et 2023. Elles vont probablement commencer à se stabiliser.»

Muriel Moreau managing partner ,  Heidrick & Struggles

De fortes disparités entre les sociétés de gestion

Pas de changement radical donc, mais des disparités toujours très importantes. « Contrairement au secteur bancaire, par exemple, où les rémunérations sont assez normées, les politiques salariales varient fortement d’un fonds à un autre », souligne Renaud Garnier, senior executive manager chez Michael Page. Le montant des actifs sous gestion, la taille des opérations visées, tout comme les segments couverts par l’équipe (venture, LBO, infrastructure, etc.) sont autant de variables qui jouent sur les niveaux de rémunération. Dans son étude, Heidrick & Struggles relève ainsi une différence de 38 % entre le salaire annuel fixe moyen des associés œuvrant dans des fonds de dette (389 k€), et celui des associés de fonds en capital-risque (282 k€). Un écart dû notamment à la taille des véhicules d’investissement, bien plus importante dans l’univers de la dette privée. Cette classe d’actifs suscite en effet un vif intérêt de la part des institutionnels et autres souscripteurs (LP) qui, au vu de la hausse des taux d’intérêt, jugent ce segment particulièrement porteur. Dans sa dernière édition, le baromètre Coller Capital, qui interroge chaque semestre un panel international de LP, note ainsi que 44 % des sondés pensent augmenter leur allocation à la dette privée dans les 12 prochains mois. Cette proportion n’est que de 25 % pour le reste du private equity (stratégies de capital-risque et LBO confondues). Or, plus un secteur est porteur, plus les salaires sont attractifs…

«Contrairement au secteur bancaire, par exemple, où les rémunérations sont assez normées, les politiques salariales varient fortement d’un fonds à un autre.»

Renaud Garnier senior executive manager ,  Michael Page

Rien de surprenant dans ce contexte à ce que les fourchettes données dans les diverses études demeurent assez larges. A titre d’exemple pour le marché français, le cabinet Michael Page évoque, pour 2024, un salaire fixe évoluant entre 40 k€ et 60 k€ pour un chargé d’affaires de moins de cinq ans d’expérience. Ces chiffres montent à 100-150 k€ pour un directeur d’investissement de moins de cinq ans d’expérience, et à 150-170 k€ pour ceux affichant entre cinq et dix ans d’expérience. Pour ce dernier profil, le baromètre de Robert Walters se montre plus prudent avec une fourchette comprise entre 70 k€ et 100 k€, tandis que le recruteur estime la rémunération fixe d’un directeur d’investissement de plus 10 ans d’expérience entre 100 k€ et 140 k€. A noter par ailleurs qu’à niveau d’ancienneté similaire, un profil bénéficiant d’une double compétence pourra mieux se valoriser. « Les investisseurs qui, outre leurs connaissances financières, possèdent une expertise sectorielle, notamment sur les énergies renouvelables ou la santé, sont particulièrement appréciés », souligne Jonathan Luyt manager corporate finance & private equity chez Robert Walters.

«Les investisseurs qui, outre leurs connaissances financières, possèdent une expertise sectorielle, notamment sur les énergies renouvelables ou la santé, sont particulièrement appréciés.»

Jonathan Luyt manager corporate finance & private equity ,  Robert Walters

Une négociation accrue sur la participation au capital

A ces différentes estimations s’ajoutent des rémunérations variables, composées de bonus et du carried interest (lié aux performances du fonds) même si les conditions d’accès à ce dernier sont là encore très hétérogènes. « Certains directeurs d'investissement  n’ont pas de carried mais bénéficient dans ce cas de bonus plus élevés, commente Jonathan Luyt. Les sociétés de gestion jouent sur différents types de rémunération, ce qui rend le marché peu lisible. » Autre élément important pour les profils les plus seniors : les outils d’intéressement au capital auxquels les associés sont de plus en plus attachés. « Quelle est la proportion d’actions qui peut leur être accordée ? A quelles conditions ? Ces points font l’objet de négociations accrues, observe Muriel Moreau. D’une part, les dividendes peuvent représenter plusieurs millions d’euros par an au sein des plus grosses sociétés de gestion, et d’autre part, l’equity a une valeur patrimoniale. » Une valeur devenue plus concrète avec le développement des opérations d’ouverture de capital au sein des sociétés de gestion, qui permettent de valoriser précisément les titres possédés par les salariés et associés. Récemment, PAI Partners, acteur français historique de l’upper mid-cap avec 26,4 milliards d’euros sous gestion, a par exemple confié une participation minoritaire à l’investisseur américain Dyal Capital. Sur un segment inférieur, le spécialiste du secteur de l’agroalimentaire ? FrenchFood Capital (400 millions d’euros d’actifs sous gestion), a lui accueilli à son tour de table Sofiprotéol, une filiale du groupe Avril.

Des oppurtunités d'embauche et des marges de négociations salariales en M&A

Cette tendance de rémunérations toujours élevées et de poursuite des augmentations, à un niveau plus modéré, se retrouve dans les banques d’affaires. « Le secteur du M&A n’est certes plus dans l’euphorie qu’il a connu post-Covid, mais cela ne signifie pas qu’il n’y a plus de besoin, résume Renaud Garnier. Il y a encore des opportunités d’embauche, et des marges de négociations salariales. » L’étude de Michael Page évalue le salaire fixe d’un junior entre 60 k€ et 70 k€, et celui d’un professionnel affichant entre cinq et dix ans d’expérience entre 110 k€ et 150 k€. A noter que les estimations de Robert Walters sont un peu plus basses : entre 60 k€ et 90 k€ pour des profils intermédiaires, et entre 90 k€ et 120 k€ après 10 ans d’expérience. « Les fourchettes restent relativement stables mais peuvent cacher des disparités, précise Renaud Garnier. Certains obtiendront des augmentations, d’autres non. Il est également probable que des seniors sur le départ soient, dans certaines banques, remplacés par des profils plus juniors. » Et si les recrutements de juniors sont moins tendus que dans le passé, ils donnent toujours lieu, selon les chasseurs de têtes, à une certaine compétition entre les banques.

Les évolutions sur ce métier peuvent toutefois être assez rapides. Or, des réductions d’effectifs dans les banques d’affaires impacteraient non seulement le marché de l’emploi du M&A mais aussi celui du private equity vers lequel de nombreux jeunes se dirigent après quelques années d’expérience. « Il y aurait mécaniquement plus de candidats sur le marché, avec un impact sur les rémunérations », note Muriel Moreau. Un scénario plus sombre qui pour le moment reste hypothétique.

Des directions M&A relativement préservées

« En 2021 et 2022, nous avons connu un boom des recrutements au sein des directions M&A des entreprises. Les transactions ont toutefois connu un vrai ralentissement l’année dernière, et il y a depuis moins d’opportunités sur le marché français », remarque Joseph Guetta, partner chez Michael Page. Les situations sont néanmoins très variables d’une société à une autre:  certains secteurs comme les services à la personne ou les cliniques connaissent un mouvement de concentration. « Les niveaux de rémunération vont ainsi évoluer selon l’activité du groupe et le nombre de transactions à réaliser, poursuit-il. Mais de manière générale, nous ne constatons pas de baisse de salaire. » Beaucoup de profils sont en effet issus de banques d’affaires, et consentent déjà à réduire leurs prétentions en se dirigeant vers l’entreprise. Difficile dans ces conditions de leur demander un effort supplémentaire. « Les rémunérations demeurent plutôt stables, confirme Jonathan Luyt. Les entreprises ont toujours besoin de spécialiste du M&A, même si les équipes sont souvent assez réduites. »

Les estimations des salaires 2024 sont d’ailleurs assez similaires d’un cabinet à l’autre. Un analyste de moins de cinq ans d’expérience peut prétendre à une fourchette comprise entre 50 k€ et 80 k€, et peut monter jusqu’à 110 k€ avec les années. Quant à un directeur M&A, sa rémunération évolue entre 90 k€ et 150 k€ les premières années, puis grimpe entre 120 et 200 k€ après 10 ans d’expérience. Un fixe auquel s’ajoutent des bonus pouvant représenter entre quatre et six mois de salaire.

Les relations investisseurs continuent de se renforcer

Au sein des métiers de back-office des sociétés de gestion, les responsables des relations investisseurs tirent leur épingle du jeu. Longtemps jugée peu structurée dans les fonds français par rapport à leurs homologues anglo-saxons, cette fonction s’est considérablement renforcée au cours des dernières années. « Ce métier continue de se professionnaliser et de recruter, remarque Muriel Moreau. Il y a eu une prise de conscience au sein des acteurs français de la nécessité d’avoir des profils plus seniors. » Avec des levées de fonds qui deviennent plus longues et laborieuses, s’adjoindre les services d’une personne expérimentée est devenue indispensable. L’étude de Robert Walters fait d’ailleurs état de rémunérations en légère hausse pour ces professionnels : entre 60 k€ et 80 k€ pour une personne bénéficiant de cinq à dix ans d’expérience, contre une fourchette de 60 k€ à 75 k€ l’année précédente, avec la possibilité de dépasser les 100 k€ après 15 ans d’expérience.

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