De plus en plus de cadres, notamment financiers, de grandes entreprises décident de participer à des programmes de coaching à destination des dirigeants de PME. Qu’il s’agisse d’ateliers de formation ou de prestations de services bénévoles, ces initiatives leur permettent notamment de développer leur réseau professionnel, d’améliorer leurs compétences managériales… et parfois même de donner une nouvelle orientation à leur carrière !
D’un côté, il y a de nombreuses petites et moyennes entreprises qui, faute de budget, reconnaissent qu’elles manquent de compétences expérimentées en interne, notamment en matière de finance. De l’autre, bon nombre de cadres exerçant au sein de grands groupes expriment durant leur carrière le désir de transmettre leurs savoirs et de participer au développement de l’économie locale. Afin de concilier les intérêts de l’ensemble de ces parties, plusieurs initiatives se sont récemment développées en France, sous l’impulsion d’organismes publics ou d’entrepreneurs. Celles-ci s’inspirent notamment du réseau Plato.
Lancé il y a une vingtaine d’années en France par les chambres de commerce et d’industrie (CCI), ce programme consiste à former des groupes de travail composés d’une quinzaine de dirigeants d’entreprises et d’un «cadre-coach», salarié d’un grand groupe, qui se réunissent une fois par mois pendant deux ans afin d’échanger sur des thématiques définies par les responsables des PME. Il regroupe aujourd’hui des professionnels travaillant au sein de 300 grandes entreprises et les dirigeants de 1 500 petites et moyennes sociétés, réparties dans 11 régions (Ile-de-France, Bretagne, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes, Lorraine, Limousin, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte-d’Azur).
Une séance de coaching par mois
Au cours de ces réunions, qui durent en moyenne trois heures, les chefs de PME évoquent des problématiques auxquelles ils sont confrontés et tentent de trouver des solutions auprès de leur «cadre-coach». «C’est l’occasion pour les dirigeants de rompre leur isolement en échangeant avec leurs pairs sur des enjeux communs et de bénéficier de l’expertise de professionnels expérimentés», explique Delphine Neon-Lombard, responsable des réseaux d’entreprises au sein de la CCI du Val-d’Oise. Si le périmètre des thèmes abordés lors de ces séances est très étendu (gestion des ressources humaines, développement commercial, etc.), les problématiques financières figurent en bonne position parmi les préoccupations des chefs d’entreprises. Un constat qui explique la présence significative d’experts de la finance dans les rangs des «cadres-coaches».
«Après avoir accompagné mon prédécesseur chez BNP Paribas à une réunion Plato en 2011, j’ai décidé de répondre favorablement à la sollicitation d’Isabelle Lemaire, animatrice du groupe Plato Roissy, pour prendre moi aussi en charge l’animation d’un groupe de dirigeants d’entreprises, témoigne par exemple Eric Morisseau, directeur commercial espace entrepreneurs chez BNP Paribas. J’ai été très intéressé par la perspective d’échanger avec des chefs de petites sociétés, qui représentent une part importante de mes clients, dans un contexte informel. En les coachant, j’ai pu, d’une part, mieux comprendre leurs attentes vis-à-vis des banquiers, et, de l’autre, les conseiller pour améliorer leur relation avec leurs conseillers.»
Des échanges qui ont rapidement été suivis d’actions concrètes. «Suite à mes recommandations, plusieurs dirigeants ont pris pour habitude d’établir des budgets et des plans de trésorerie prévisionnels, poursuit-il. Je leur ai en effet expliqué qu’il s’agissait d’un élément essentiel pour obtenir des crédits. D’autres participants ont quant à eux pris spontanément rendez-vous avec leur banquier pour discuter de leur situation et de leurs projets, alors que par le passé ils ne les sollicitaient que lorsqu’ils voulaient exprimer un besoin de financement. Ils ont compris que ce type de démarche était utile pour améliorer la relation bancaire.»
De la gestion financière à la levée de fonds
Mais les cadres de grands groupes ne se contentent pas seulement de donner des conseils aux dirigeants de PME. En effet, certains d’entre eux vont jusqu’à leur fournir des outils pour améliorer leur gestion financière. «Le directeur administratif et financier d’un groupe de distribution agroalimentaire a apporté son propre tableau de bord lors d’une réunion, illustre Delphine Neon-Lombard. Après avoir présenté cet instrument, que la plupart des participants n’utilisaient pas jusqu’alors, il les a aidés à le paramétrer pour l’adapter à leurs propres besoins, en choisissant par exemple des indicateurs pertinents pour leur activité. A la fin de cette session, ils sont tous partis avec une clé USB contenant leur propre tableau de bord personnalisé. L’un d’entre eux m’a récemment confié qu’il avait sensiblement amélioré le pilotage de ses finances grâce à cet outil.»
Avec la gestion budgétaire, les problématiques liées au financement font partie des principales demandes des chefs d’entreprises. Ainsi, des ateliers permettent de mieux appréhender les démarches à réaliser dans le cadre d’une recherche de fonds auprès de capital-risqueurs et de business angels. «Lorsqu’ils rencontrent des investisseurs potentiels, bon nombre de dirigeants de PME ne savent pas exactement comment présenter leur activité et leurs projets de manière efficace, explique Alain Sanchez, associé chez KPMG. J’ai donc mis en avant les éléments qui sont les plus importants pour leurs interlocuteurs, à savoir le business plan, les comptes, les prévisions budgétaires, mais aussi les propositions de conditions de sortie pour les actionnaires potentiels. Peu de jeunes sociétés pensent à présenter différents scénarios de réalisation de plus-values aux investisseurs, alors que ces derniers considèrent généralement cette démarche comme une preuve de sérieux.»
Des opportunités commerciales et financières
D’autres dispositifs, plus récents que Plato, vont plus loin en matière de coaching de petites sociétés. Plusieurs entrepreneurs et salariés de grands groupes ont en effet fondé ces dernières années des associations destinées à faire intervenir directement des cadres au sein de petites et moyennes entreprises. C’est le cas, par exemple, de Xavier Milin, qui avait pour habitude d’organiser des rencontres entre des dirigeants de start-up, des investisseurs et des cadres d’entreprises durant son temps libre, alors qu’il était directeur administratif et financier pour l’Europe et l’Asie chez l’éditeur de logiciels informatiques Sage. Ce faisant, il a lancé en 2012 la version française du Start-up leadership program, un dispositif international créé en 2006 aux Etats-Unis pour former de jeunes entrepreneurs. «Avec ce dispositif, nous sélectionnons chaque année une trentaine de sociétés pour participer à vingt cours étalés sur six mois, dont les thèmes abordés vont de l’arbitrage entre différents modes de financement aux bonnes pratiques en matière de contrôle de gestion, explique-t-il. En plus de ces cours, les dirigeants de ces entreprises travaillent sur leurs projets avec l’appui de cadres bénévoles exerçant dans des groupes comme Veolia ou La Poste. Ils ont aussi l’occasion de participer à des simulations d’entretiens avec de vrais investisseurs.» Des rencontres qui se sont parfois concrétisées par des levées de fonds… bien réelles !
«Une soixantaine d’entreprises qui ont participé au programme ont obtenu 12 millions d’euros de financement au total, principalement auprès de business angels et de capital-risqueurs», souligne Xavier Milin.
Les entreprises qui n’ont pas pour ambition de lever des fonds trouvent, quant à elles, souvent un intérêt commercial à participer à des dispositifs tels que Plato et Start-up leadership program. «En se côtoyant, plusieurs sociétés ont établi des relations fournisseurs-clients», constate Alain Sanchez.
Du coaching… à la reconversion professionnelle
Pour leur part, les salariés de groupes qui s’investissent dans ce type de programmes apprécient donc ces opportunités qui leur permettent de développer leur réseau professionnel, leurs capacités managériales et parfois même de réaliser des affaires. «J’ai notamment décroché un mandat de commissaire aux comptes pour le compte d’une PME que j’encadrais, même si ce n’était pas le but de ma participation à ce programme», illustre Alain Sanchez.
Mais certains d’entre eux le voient également comme l’occasion rêvée de donner une nouvelle orientation à leur carrière. «Après avoir accompagné bénévolement plusieurs sociétés dans la mise en place de leurs processus financiers et certaines de leurs levées de fonds, j’ai décidé de quitter Sage pour devenir directeur financier à temps partagé, confie Xavier Milin. J’interviens aujourd’hui notamment auprès d’entreprises pour lesquelles j’ai officié gratuitement par le passé.»
Ce type de reconversion est fortement encouragé par une autre association, Parrainer la croissance, créée en 2011. En plus de proposer des rencontres entre des cadres et des dirigeants de start-up, elle permet aux collaborateurs seniors de grandes entreprises disposant de plans de départs volontaires de rejoindre de jeunes sociétés, tout en restant rémunérés par leur employeur pour des durées pouvant aller de neuf à vingt-quatre mois, selon les entreprises. «Nous avons déjà accompagné une trentaine de cadres avec ce programme, notamment des profils financiers, provenant d’entreprises comme L’Oréal, Alcatel, Sanofi, Engie (ex-GDF Suez) et Total, confie Denis Jacquet, président de Parrainer la croissance. Cela a permis à des dirigeants de start-up de bénéficier temporairement de leurs compétences sans avoir à les rémunérer. Certains collaborateurs ont même continué à travailler ensemble après la fin de ce dispositif, par le biais de contrats de prestation ou de contrats de travail à temps partiel.»
Une manière pour les PME de renvoyer l’ascenseur aux professionnels qui les ont soutenues dans un premier temps à titre bénévole.
Comment rejoindre…
- Le réseau Plato
Les cadres salariés commencent par se renseigner auprès de leur direction des ressources humaines pour savoir si leur groupe est partenaire de ce programme, comme c’est le cas par exemple de GDF Suez, KPMG, Veolia ou BNP Paribas. Ils prennent ensuite contact avec la chambre de commerce et d’industrie de leur département pour passer un entretien de motivation et peuvent ensuite s’engager à animer pendant deux ans des réunions mensuelles avec un groupe de dirigeants de PME. La participation est gratuite et bénévole.
Les dirigeants de PME prennent directement contact avec les CCI. Sont éligibles les sociétés justifiant d’au moins trois ans d’existence et employant entre 5 et 100 salariés dans les secteurs de l’industrie et des services à la personne. Ils doivent s’acquitter d’une cotisation mensuelle de 75 euros durant toute la durée du programme.
- Le Start-up leadership program
Les professionnels souhaitant encadrer des dirigeants de jeunes entreprises peuvent prendre contact directement auprès du bureau parisien du Start-up leadership program. Après un entretien dédié à l’évaluation de leurs domaines d’expertise et de leur motivation, ils peuvent intégrer le programme gratuitement.
Les dirigeants de start-up doivent déposer un dossier de candidature présentant leur entreprise et leurs projets entre début juin et fin juillet de chaque année, directement sur le site Internet de l’association, puis passer plusieurs entretiens avec les responsables du programme. Les sociétés actives dans les secteurs du numérique, des biotechnologies, des technologies propres, de la grande consommation, du social et de l’éducation sont privilégiées. Celles qui sont retenues doivent ensuite s’acquitter d’une cotisation de 400 euros.
- L’association Parrainer la croissance
Les cadres salariés et les entrepreneurs peuvent adhérer à l’association en réglant une cotisation annuelle comprise entre 150 euros et 2 500 euros, selon l’étendue des prestations souscrites (participation à des événements professionnels, accès privilégié à des investisseurs, rencontres avec des personnalités politiques et économiques, etc.).
Les cadres salariés qui souhaitent bénéficier du programme d’accompagnement vers une petite société doivent se renseigner auprès de leur direction des ressources humaines pour savoir s’ils peuvent en bénéficier. Les critères à remplir dépendent des politiques internes des groupes.
Les dirigeants de start-up et de PME membres de Parrainer la croissance qui souhaitent accueillir un cadre salarié candidatent quant à eux auprès de la direction de l’association. Ils doivent justifier d’au moins trois ans activité, avoir des ambitions de développement commercial international et employer au moins 5 collaborateurs.