La directive MIF 2 devrait considérablement transformer le monde de la recherche financière en France. Alors que ce service est historiquement inclus dans l’exécution d’ordres par les banques d’investissement et les courtiers, ces derniers devront, à partir de 2018, le facturer aux sociétés de gestion. Cette évolution pourrait peser sur la rentabilité de ces acteurs et soulève la question de l’avenir des métiers de l’analyse financière.
MIF 2 entrera officiellement en vigueur le 3 janvier 2018. Une date clé pour les analystes qui s’attendent à de grands bouleversements. Parmi les principales dispositions de cette nouvelle réglementation : l’indépendance du conseil et la stricte séparation des services d’exécution de ceux de la recherche. Le coût de l’analyse financière ne pourra ainsi plus être payé par l’exécution. Il devra être acquitté soit directement par le gérant, soit refacturé au client final investisseur via un compte dédié. Pour cette deuxième solution, les courtiers et banques d’investissement devront donc définir au préalable un budget de recherche avec leur client. Une mesure qui ne sera pas sans incidence sur les banques d’investissement et les courtiers. A l’heure actuelle, l’activité émanant de la recherche et de l’analyse financière est estimée à 5,9 milliards de dollars par an aux Etats-Unis et à 1,58 milliard de dollars par an en Europe. Selon une étude publiée début 2017 par le cabinet de conseil Greenwich Associates, 61 % des gestionnaires d’actifs européens envisagent d’opérer des changements dans leur politique de recherche à la suite de la mise en place de la directive. Cette dernière devrait également avoir pour effet une augmentation des recherches réalisées en interne au sein des sociétés de gestion d’actifs européennes (+ 4 %). Une progression réalisée au détriment des analyses livrées par les banques d’investissement, dont le repli pourrait atteindre 7 % en Europe. Cependant, le recul concernant les recherches sur un pays ou un secteur d’activité est moindre et s’établit autour de 3 % en Europe.
Un moindre besoin d’analystes au sein des banques d’investissement
Cette situation devrait donc bouleverser le marché du travail dans la recherche financière. Les premiers concernés, à savoir les analystes qui opèrent au sein des banques d’investissement, peuvent en effet légitimement se questionner quant à leur avenir professionnel. «Il doit y avoir environ 35 analystes qui couvrent une valeur telle que Sanofi, explique Pedro Fernandes, directeur et cofondateur de Research Pool. La réforme va certainement induire un recul du nombre d’analystes en charge des grandes capitalisations.» Pour faire la différence, les banques d’investissement devront alors resserrer leurs équipes et apporter à leurs clients la preuve de la valeur ajoutée de leurs travaux d’analyse et de recherche.
«Il nous faudra bien positionner notre approche fondamentale et la différencier, afin d’apporter la preuve que nous fournissons une réelle prestation de qualité», explique Matthias Desmarais, directeur de la recherche d’Oddo BHF Securities. Face au recul des effectifs au sein des banques d’investissement, plusieurs solutions s’offrent néanmoins aux analystes. En interne, certains d’entre eux pourront évoluer vers d’autres postes. En effet, les banques d’investissement sont aujourd’hui en train de revoir leur modèle, via une réallocation des analystes vers d’autres fonctions. «Certains analystes pourront être intégrés au sein des desk sales, mais il n’y aura sans doute pas de place pour tout le monde», met en garde Guillaume Coutant, fondateur de Emvest Partners. De fait, les banques d’investissement réfléchissent aujourd’hui sur leur modèle de rentabilité post-MIF 2, en créant des structures indépendantes à même de facturer la recherche. «Pour conserver cette clientèle autrefois captive, les banques d’investissement qui étudient aujourd’hui de nouvelles offres de recherche et d’analyse annoncent des tarifs très bas», constate Guillaume Coutant. Des prestations de services à bas coût, qui pourraient faire de l’ombre aux cabinets de conseil indépendants.
Vers une course à la qualité et à la spécialisation
Car l’une des évolutions de carrière envisageables pour les analystes actuellement en poste dans les banques d’investissement est de se tourner vers les cabinets indépendants qui pourraient profiter de l’entrée en vigueur de MIF 2, à condition néanmoins d’être positionnés sur des secteurs de niches, avec une très forte spécialisation marché ou sectorielle. «Au sein de Research Pool, nous sommes convaincus que MIF 2 ne se fera pas au détriment de la recherche sur les petites et moyennes capitalisations. Cette réglementation va au contraire ouvrir des opportunités sur les mid caps en décloisonnant la recherche et en allant vers davantage de spécialisation et de qualité», explique Pedro Fernandes. Ainsi, des opportunités pourraient s’offrir aux analystes au sein des cabinets indépendants. A condition toutefois de présenter une spécialisation sur un secteur de niche à l’instar de l’ISR, des marchés émergents ou encore des nouvelles technologies.«Ces cabinets indépendants spécialisés pourraient devenir d’importants recruteurs. Au Royaume-Uni par exemple, pays plus avancé que la France en termes d’offre de recherche financière, Autonomus Research a réussi une belle percée sur le secteur, avec un volume d’activité qui est passé de 5,5 millions de livres en 2009 à 27,7 millions de livres en 2016», détaille Pedro Fernandes. Pour prétendre à ces postes, il faudra néanmoins être multifonction et posséder, outre les compétences d’analyse et de recherche, de réelles qualités commerciales. «Il est possible que nous procédions à un nouveau recrutement dès le mois de septembre. Bien sûr, nous rechercherons un spécialiste des marchés émergents, mais également une personne parfaitement bilingue en anglais avec de très bonnes dispositions au contact direct avec la clientèle», explique Guillaume Coutant. Certains analystes pourront également frapper à la porte des sociétés de gestion, dont les équipes dédiées à l’analyse et à la recherche sont en train de monter en puissance. Mais pour se démarquer et convaincre ce type de recruteurs, ils devront être capables de démontrer leur valeur ajoutée notamment sur des expertises de niches et leur capacité à communiquer en interne et avec les clients.
Une évolution possible vers les fintechs
Pour les analystes à la fibre entrepreneuriale élevée, le développement des fintechs peut être une réelle source d’opportunités. Déjà, certains analystes ont commencé à imaginer de nouvelles offres de recherche permettant de l’automatiser et de la mutualiser en créant leur propre structure. Un marché qui pourrait bénéficier de la nouvelle réglementation et croître davantage encore dans les années à venir.
Analystes financiers : rémunérations et pratiques de marché
Selon l’étude de rémunération livrée par le cabinet de recrutement Robert Half pour l’année 2017, le salaire médian d’un analyste financier en France doté de six à dix années d’expérience se situe entre 60 000 et 85 000 euros. En début de carrière, le salaire pour un analyste se situe dans une fourchette allant de 35 000 à 45 000 euros. A noter, sur un an, c’est-à-dire entre 2016 et 2017, les niveaux de salaires sont restés stables, sans évolution notable. L’analyse quantitative reste la mieux rémunérée du secteur, avec des salaires à l’entrée situés entre 40 000 et 55 000 euros (en progression de 6 % sur un an) et pouvant aller jusqu’à 85 000 euros pour des analystes justifiant de six à dix années d’expérience.