Recrutement : comment les fintechs attirent les perles rares

Publié le 30 septembre 2024 à 17h04

Anne del Pozo    Temps de lecture 8 minutes

Pour recruter et fidéliser les candidats dont les compétences doivent généralement combiner expertises métiers et maîtrise des questions financières, les fintechs tablent sur leur modèle organisationnel et de management mais aussi sur leurs valeurs.

Même si certaines fintechs, comme Spendesk, Payfit ou Ledger ont été contraintes de réduire leurs effectifs, nombre d’entre elles continuent de grandir et de recruter. Le bassin d’emploi de ce secteur, établi à 34 000 salariés en France par l’Observatoire de la fintech, était ainsi en hausse de 5 % au premier semestre 2024, un peu en retrait par rapport à 2023 qui avait vu une progression annuelle de 10 %. La croissance des recrutements pourrait se poursuivre en 2025. « Nous prévoyons de recruter plus de 50 personnes d’ici la fin de l’année 2025 », indique ainsi Grégoire Hug, CEO et fondateur de Weefin, fintech spécialisée dans la finance durable. Même son de cloche chez le jeune assureur crédit Cartan Trade qui devrait doubler ses effectifs à horizon de trois à cinq ans.

Toute la difficulté pour ces fintechs consiste alors à recruter des candidats aux compétences parfois très spécifiques, et ce sur un marché souvent en pénurie de candidats.

Des expertises métiers et techniques qui se font rares

« Notre produit est complexe, avec différents modules et des fonctionnalités telles que la gestion de trésorerie à court et à moyen terme, qui sont au cœur de toute entreprise, explique Stephan Krehl, DRH d’Agicap, spécialisée dans la gestion de trésorerie. Nos interlocuteurs sont généralement des directeurs financiers, des responsables des finances et des directeurs généraux d’entreprise de taille moyenne dans toute l’Europe. Pour communiquer efficacement avec toutes ces parties prenantes, nos collaborateurs doivent avoir une bonne compréhension des sujets financiers que nous traitons et des fonctions spécifiques (par exemple le marketing ou les ventes) au sein desquelles ils travaillent. Or de tels talents sont rares en Europe, générant une forte concurrence pour les meilleurs candidats. » Chez WeeFin comme chez Cartan Trade, les difficultés de recrutement tiennent également souvent aux compétences recherchées. « Nous recherchons trois expertises clés chez nos candidats, qui s’articulent autour de la finance, des nouvelles technologies et de la durabilité, poursuit Grégoire Hug. Au-delà du manque de candidats, nous sommes encore peu connus des profils spécialisés de notre marché. Il nous revient donc souvent d’aller chercher les candidats et d’activer à cet effet tous nos réseaux. » Les fintechs n’hésitent d’ailleurs pas à être proactives, à l’instar d’Agicap qui préfère contacter de potentiels candidats sur des plateformes telles que LinkedIn plutôt que de se fier aux candidatures entrantes. « Notre direction générale s’implique également largement dans nos processus de recrutement, allant notamment facilement à la rencontre des candidats », précise Stephan Krehl.

Pour attirer les candidats, ces fintechs ont également souvent besoin de sortir des arguments de poids, et surtout, des éléments différenciants par rapport à ce que peuvent offrir les entreprises plus traditionnelles.

Des valeurs mises en avant

A cet effet, elles travaillent notamment leur marque employeur et mettent en avant leurs valeurs. « Ces dernières années, nous avons fortement investi dans notre marque employeur et continuons de mettre en pratique dans l’ensemble de notre organisation notre valeur fondamentale “visez l’excellence” », explique Stephan Krehl. Une stratégie qui paie : les profils financiers sont de plus en plus attirés par le développement et les performances d’Agicap. Pour attirer les talents, Weefin prône pour sa part la transparence, notamment sur sa stratégie d’entreprise, les salaires pratiqués ou encore son organisation. « Cette transparence se traduit également dans la liberté que nous offrons à nos collaborateurs de s’organiser comme ils le souhaitent dans leur travail et la confiance que nous leur accordons en la matière, indique Grégoire Hug. Par exemple, ils sont libres de télétravailler ou non et ce, au rythme qu’ils veulent. » La transparence dans les fintechs se traduit également souvent par la mise en place et la présentation, dès la phase de recrutement, des plans de carrières possibles, ce qui offre ainsi une visibilité claire aux candidats sur leurs perspectives d’évolution au sein de l’entreprise. Les opportunités proposées par les start-up de la finance en matière de mobilité à l’international représentent d’ailleurs aussi souvent un élément différenciant ou un vecteur d’attractivité, notamment auprès des jeunes candidats. « Nous encourageons la mobilité internationale, ce qui permet aux employés de travailler dans n’importe lequel de nos six bureaux en Europe », précise ainsi Stephen Krehl.

C’est également par leur crédibilité acquise sur le marché que ces fintechs feront la différence auprès des candidats. Un atout sur lequel mise notamment Cartan Trade qui a su depuis sa création se faire reconnaître auprès de son écosystème (brokers, assureurs), pour recruter certains profils et en particulier les experts en assurance. « Pour attirer ces profils, nous leur proposons notamment des missions plus larges que celles effectuées traditionnellement chez les assureurs et avec davantage de responsabilité », explique Sébastien Guidoni, CEO de Cartan Trade. Parallèlement, les fintechs essaient aussi d’être plus compétitives sur les salaires proposés. « Nous offrons des rémunérations attrayantes qui sont fortement liées aux performances de la plupart des équipes, précise Stephan Krehl. Par exemple, les commissions des collaborateurs de notre équipe commerciale ne sont pas plafonnées, ce qui leur permet d’obtenir des salaires importants en fonction de leurs performances. »

«Nous misons sur notre marque employeur et les valeurs de l’entreprise pour attirer les candidats.»

Stephan Krehl DRH ,  Agicap

Des formations et une montée en compétences prévues dès l’embauche

Au-delà de l’organisation, les démarches mises en place pour favoriser la transmission des savoirs et la montée en compétences des collaborateurs peuvent aussi être des arguments de poids lors des processus de recrutement. Agicap investit ainsi beaucoup dans la formation. La fintech a notamment lancé en début d’année l’académie Agicap, qui a pour vocation de renforcer les compétences de ses collaborateurs en matière de finance d’entreprise, de comptabilité et de connaissance sur ses produits. « Dans le cadre de cette démarche, nous organisons également deux fois par an des certifications produits pour nos salariés, afin qu’ils maîtrisent bien les concepts liés à notre offre », poursuit Stephan Krehl. De son côté, Cartan Trade table sur les membres de son comité de direction et leur expérience dans des grandes entreprises pour transmettre aux jeunes recrues leur expertise métier et les « coacher » au quotidien. « Cartan Trade a été créé et s’est développé notamment grâce à des hommes et des femmes aguerris au métier de l’assurance-crédit et qui ont aujourd’hui la volonté de transmettre ce savoir-faire, rappelle Sébastien Guidoni. Cet accompagnement est d’autant plus réalisable au sein de notre entreprise que nous sommes pour le moment une petite équipe de 28 personnes. Elle favorise les échanges entre notre management et les collaborateurs et la participation de chacun à la construction de la culture de l’entreprise. »

L’implication des collaborateurs dans la vie et la performance de l’entreprise peut d’ailleurs aussi être un vecteur d’attractivité. Weefin pratique ainsi la méthode OKR (objectives and key results) qui consiste à s’appuyer sur les objectifs de l’entreprise pour organiser son management. Un OKR est un élément qui regroupe à la fois un objectif et les résultats permettant de mesurer si cet objectif a été atteint ou non (et si c’est le cas, dans quelle mesure). Il peut concerner l’entreprise dans son ensemble (par exemple, la vision de l’entreprise est un OKR à part entière) ou être centré sur une équipe ou un service en particulier dans l’entreprise. « Chez Weefin, toute décision qui peut être stratégique pour l’entreprise peut faire l’objet d’un OKR, explique Grégoire Hug. De même, tous les salariés sont invités à proposer des OKR chaque trimestre. Par exemple, une personne du marketing peut décider que nous ne faisons pas suffisamment de contenu pour nos clients UK et proposer un OKR sur ce sujet. Chacun est ensuite libre de participer aux OKR qui l’intéressent. » Cette méthode de management développée dans les années 1950 et popularisée en 1999 par le géant Google se répand ainsi de plus en plus dans les entreprises de la tech et contribue à responsabiliser les collaborateurs. Une approche souvent appréciée des jeunes générations, qui prônent davantage les formes de management horizontales plutôt que hiérarchiques.

490 fintechs actives

– Un écosystème stable de 490 fintechs actives

– Neuf métiers, avec des services de gestion B-to-B qui captent 76 % des levées de fonds du semestre, dépassant de loin le métier historique du paiement qui avait été rejoint ces dernières années par l’assurance. Ces secteurs restent néanmoins en tête en cumul avec 1,9 milliard d’euros de fonds levés depuis les débuts de la fintech chacun

– Une stabilité des levées de fonds entre le 1er semestre 2023 et le 1er semestre 2024 :

  • – 6 % de fonds levés par rapport au 1er semestre 2023
  • 630 millions d’euros de fonds levés au 1er semestre 2024 contre 673 millions au 1er semestre 2023 ; 9,8 milliards d’euros levés en tout dans la fintech en France
  • 51 opérations de levées de fonds au cours du semestre

– Un bassin d’emploi de 34 000 salariés, en hausse de 5 % ce semestre, en ligne avec 2023 qui avait vu une progression annuelle de 10 %, après une progression 2021/2022 exceptionnelle de 37 %.

Source : L’Observatoire de la fintech, juillet 2024

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