Si les entreprises manquent encore d’experts en gestion des risques, elles préfèrent surtout former des collaborateurs en interne. Quand elles recrutent à l’extérieur, elles sélectionnent des professionnels expérimentés et souvent issus du même domaine d’activité.
Selon la dernière étude livrée par l’Afnor (Association française de normalisation), un tiers des PME se trouvent aujourd’hui en difficulté du fait de l’absence de stratégie claire de gestion des risques. Un constat qui laisse entrevoir le potentiel de développement de la fonction de risk manager au sein des entreprises, quel que soit leur secteur d’activité ou leur taille. Pour l’heure, ce marché de niche offre surtout des opportunités à des professionnels aguerris.
Il est vrai que les compétences requises pour exercer la fonction de risk manager sont vastes.«Pour prendre en charge une direction des risques dans un grand groupe, le candidat idéal doit cumuler une formation académique solide (bac + 5 minimum) tout en disposant d’une expérience professionnelle de 7 à 10 ans ainsi que de grandes compétences d’écoute, de diagnostic, d’audit et une réelle faculté à gérer les conflits», détaille Jean-David Darsa, auteur de La Gestion des risques en entreprise aux éditions Gereso. Des profils rares qui laissent finalement peu de place aux nouveaux entrants. «Nous sommes sur un marché très restreint, explique Sophie Debergues, chasseur de têtes au sein du cabinet Taste. Aussi, dans nos recherches, nous retombons très souvent sur les mêmes personnes, car les candidats potentiels sont rares.»
A défaut de trouver de nouveaux talents en externe, les groupes optent généralement pour la mobilité interne. «J’ai sélectionné une personne qui, en interne, n’avait plus de marge de progression dans son poste actuel, détaille Xavier Mary, directeur du management des risques pour Aéroports de Lyon. Il s’agit d’un profil senior, ancien auditeur interne, connu de tous les services. Je reste convaincu qu’outre les compétences techniques, les principales qualités d’un risk manager sont la curiosité et l’ouverture d’esprit. Il est de ce fait délicat d’opter pour une personne de l’extérieur.» En effet, le risk management est une fonction transversale qui nécessite d’entrer en relation constante avec les forces opérationnelles de l’entreprise. Une nouvelle recrue qui connaît déjà le groupe sera ainsi plus rapidement opérationnelle.
Un marché de niche
Et de fait, selon le dernier baromètre élaboré par l’Amrae (Association management des risques et des assurances des entreprises), 38 % des risk managers ont été recrutés via une opération de mobilité interne. Le réseau ou les relations constituent la deuxième option (22 %) tandis que le passage par des chasseurs de têtes ne représente que 17 % des cas.
Des statistiques confirmées par Sophie Debergues : «Au sein de notre cabinet, nos missions de chasse pour le recrutement de risk managers sont rares : de l’ordre de deux à trois par an. Lorsque je suis mandatée par un groupe pour trouver un risk manager, c’est souvent parce qu’ils ne sont pas parvenus à trouver le bon profil en interne.»Impossible par ailleurs pour un candidat de postuler directement de l’assurance ou du courtage à un poste de directeur des risques.«Dans 90 % des cas, les risk managers recrutés par l’intermédiaire d’un cabinet de chasseurs de têtes ont exercé des fonctions similaires dans d’autres entreprises, explique Sophie Debergues. Notre mission consiste alors à rechercher la perle rare au sein d’un marché de niche. Les nouvelles recrues peuvent venir de secteurs différents. Cependant, nous nous attachons à chercher des profils qui ont travaillé sur des sujets communs.»
Une rémunération attractive
Un bémol cependant à cette mobilité : celui des directeurs des risques qui œuvrent dans l’industrie financière. «En banque et gestion d’actifs, le volet réglementaire est une compétence essentielle, explique Jacques d’Arvieu, chasseur de têtes au sein du cabinet Smith & Partners. Impossible donc pour un risk manager d’évoluer vers d’autres secteurs.»
Par ailleurs, les rémunérations pratiquées au sein des groupes financiers freinent souvent les risk managers à se porter candidats dans d’autres secteurs. Ces dernières sont en effet souvent plus élevées que celles pratiquées dans les secteurs non financiers. Les grilles de rémunération varient d’ailleurs assez fortement selon les secteurs et les profils. «Pour un directeur des risques qui dispose d’une quinzaine d’années d’expérience, le montant annuel de la rémunération s’établit autour de 70 000 à 100 000 euros et peut atteindre jusqu’à 250 000 euros dans certains grands groupes du CAC 40, explique Sophie Debergues. Mais ces niveaux de rémunération ne reflètent pas ceux pratiqués par les PME et ETI, qui sont souvent bien inférieurs à ceux des grands groupes et même à ceux constatés dans d’autres secteurs, à l’instar du courtage en assurances où une dimension commerciale plus importante peut permettre de belles progressions de rémunération.»
Si l’évolution du courtage vers l’entreprise n’est pas la norme, en revanche, l’évolution inverse est fréquente. «Les risk managers peuvent ensuite évoluer vers des fonctions d’encadrement dans les secteurs de l’assurance et du conseil», explique Xavier Mary. Un constat partagé par d’autres recruteurs. «La fonction de gestion des risques est si transversale qu’elle offre ensuite de nombreux débouchés, confirme Sophie Mauvieux, directrice des risques et du contrôle interne chez Gemalto. Aussi, il n’est pas rare de voir des risk managers évoluer en interne, vers des fonctions encore plus stratégiques. D’autres s’orientent également vers les cabinets de conseil.» Les opportunités d’évolutions pour les risk managers ne manquent donc pas.
Des profils juniors également recherchés
Outre les hauts profils disposant de plusieurs années d’expériences, les profils juniors sont également recherchés, notamment au sein des grands groupes dotés de larges effectifs en risque. «Nous avons des profils assez variés, et notamment des juniors qui assurent d’abord des tâches plus simples pour ensuite monter en compétence», confie Sophie Mauvieux, directrice des risques et du contrôle interne chez Gemalto, qui encadre une équipe de onze personnes.
Dans ce cadre, les groupes privilégient souvent les formations en alternance. «Le volet académique est parfois éloigné de la réalité du métier, détaille Sophie Mauvieux. D’où l’importance d’encadrer les jeunes profils au plus tôt dans le cadre de formations en alternance». Et de fait, ces jeunes recrues peuvent également amener d’autres perspectives à la fonction. «La présence de digital natives au sein d’un service de gestion des risques est un vrai plus ! Nous avons récemment recruté un profil junior au sein de notre équipe qui nous aide à mettre en place une communauté sur notre réseau social interne autour la culture du risque», conclut Sophie Mauvieux.
Une fonction en voie de professionnalisation
- Les formations aux métiers de risk management restent rares. Bien souvent, les profils sont issus d’écoles de commerce et ont ensuite suivi un parcours d’auditeur ou de gestionnaire technique en assurances. Pour autant, la donne tend à changer et de nouvelles formations émergent, à l’instar de celle proposée par l’Institut européen de la qualité totale (IEQT) qui dispense dorénavant des formations en risk management au sein de cinq de ses sept sites : Lunéville, Saint-Brieuc, Vichy, Marseille et Rodez.
- Les candidats sont sélectionnés sur dossier et entretien pour une formation qui se solde par un diplôme bac + 5. Parmi les enseignements dispensés : l’analyse des risques globaux, le développement durable, la gestion de crise, l’approche économique et les ressources humaines. A cela s’ajoute une mise en pratique. «Afin que la formation soit des plus pragmatiques, tout au long de l’année les stagiaires mènent une analyse des risques au sein d’une entreprise partenaire de notre institution», explique Myriam Bousquet, assistante pédagogique du Service IFA (Institut de formation par alternance) filière QSE, au sein de la CCI de Rodez.