Télétravail : pas de retour en arrière pour les banques françaises

Publié le 7 novembre 2024 à 8h30

Chloé Consigny    Temps de lecture 6 minutes

L’annonce par Amazon d’une remise en cause du télétravail a relancé le débat sur ce mode d’organisation du travail. Faut-il aller vers davantage de présentiel, voire retourner à une configuration d’avant crise sanitaire ? Si de nombreuses entreprises s’interrogent, les grandes banques françaises, dans lesquelles 85 % des salariés hors agences en bénéficient, n’envisagent pas de retour en arrière.

En septembre 2024, Amazon, le géant de l’e-commerce, annonçait à ses 300 000 salariés un retour 100 % en présentiel à partir du 2 janvier 2025, contre trois jours obligatoires par semaine jusqu’alors. Une information qui a relancé le débat autour d’une éventuelle fin du télétravail dans l’Hexagone. Certains grands patrons ont fait part de leur scepticisme quant aux vertus du travail à distance. C’est le cas notamment de Nicolas Hieronimus. A l’occasion du Forum économique de Davos, le CEO du groupe L’Oréal a fustigé le 100 % distanciel, arguant que les télétravailleurs n’avaient « absolument aucun attachement, aucune passion, aucune créativité ».

Les grands groupes bancaires pour leur part semblent exempts de ces questionnements. Toutes les banques françaises ont signé des accords d’entreprise, formalisant deux jours de travail à distance par semaine. Désormais, « la quasi-totalité des 350 000 salariés du secteur bancaire sont couverts par un accord sur le télétravail », explique la Fédération bancaire française (FBF), qui souligne que « la majorité de ces accords a été renégociée après la crise de la Covid et prévoient en moyenne deux jours de télétravail par semaine dans les fonctions hors agences. » C’est notamment le cas pour le groupe BPCE (10 jours par mois), La Banque Postale ou encore Société Générale. En juillet 2021, BNP Paribas signait son accord sur le télétravail en France. Celui-ci fixe une limite de 50 % de temps de travail hebdomadaire en télétravail. « Il y a eu, à mon sens, plusieurs étapes dans la mise en place du télétravail, détaille Markus Asshoff, avocat spécialisé en droit du travail, Taylor Wessing. Avant la crise sanitaire, le travail à distance était résiduel. Puis la pandémie a laissé place à une période d’incertitude : il était impossible de se déplacer et dans le même temps, la conduite de l’activité devait se maintenir. Les banques ont alors expérimenté le télétravail à grande échelle. Au sortir de la pandémie, les établissements bancaires ont formalisé le télétravail, via des accords d’entreprises. Nous entrons à présent dans une quatrième phase, avec une structuration plus organisée du télétravail. » La spécificité des acteurs bancaires est d’être passés par des accords d’entreprises et non par des chartes. « La charte n’est pas un accord, c’est une décision unilatérale de l’entreprise, souligne Markus Asshoff. L’accord, en revanche, est le fruit d’une négociation entre deux parties : la direction et les organisations syndicales. »

«Il y a des banques où le télétravail est une nécessité car le nombre de salariés est supérieur au nombre de places dans l’entreprise»

Mikaël Deiller directeur exécutif ,  Michael Page

Un télétravail vu aujourd’hui comme un « avantage salarié »

Les accords sont à durée déterminée, généralement négociés pour une durée de trois ans. « Cela signifie qu’à l’issue de l’expiration de l’accord à durée déterminée, l’accord doit être renégocié entre les différentes parties, relève Markus Asshoff. Les accords contiennent des clauses de réversibilité. Cependant, l’employeur doit selon les accords justifier tout retour en arrière et prévoir également un délai de prévenance pour le retour au présentiel. » Si juridiquement, il est possible de revenir en arrière, « la réalité est autre, note Markus Asshoff. Prenons l’exemple du géant Amazon. L’annonce mondiale a été suivie par la diffusion de plusieurs communiqués en provenance d’Amazon France. Les 18 000 salariés du groupe qui opèrent en France conserveront certainement la possibilité de télétravailler ». Dans les banques, le télétravail est aujourd’hui considéré comme un avantage salarié. « Au même titre que les RTT, souligne Mikaël Deiller, directeur exécutif, Michael Page. Cela fait partie du package qui comprend désormais le sujet de la flexibilité. Dans l’univers bancaire, le télétravail est aujourd’hui considéré comme un acquis et une réalité. » A chaque nouvelle prise de brief, le recruteur pose la question du home office. En l’absence de télétravail, il sait que le recrutement va être délicat.

En étant une industrie pionnière sur le télétravail, la banque s’assure de capter et de fidéliser ses talents. « Grâce au télétravail, les banques parviennent à se placer en concurrence avec des entreprises de services financiers de plus petite taille, qui n’ont pas formalisé la mise en place du télétravail », poursuit Mikaël Deiller. A l’inverse, lorsqu’un investment manager qui opérait précédemment dans une grande banque se fait chasser par un fonds d’investissement, il va monétiser l’absence de télétravail par d’autres avantages salariés. Dans l’industrie bancaire, salariés comme employeurs tirent aujourd’hui profit du télétravail. « Le télétravail est une réalité qui touche désormais à l’organisation de la vie personnelle des salariés, relève Mikaël Deiller. Cela comporte de nombreux avantages, parmi lesquels se trouvent le coût et le temps de transport. »

Une volonté de réduire les coûts

Désormais, le télétravail est institutionnalisé dans les plans stratégiques des établissements bancaires. La pratique du télétravail s’inscrit dans le programme « Smart Working » de BNP Paribas, dont l’ambition est « de continuer à faire évoluer les modes de travail au sein du Groupe et qui intègre quatre dimensions : le télétravail, l’évolution des espaces de travail et des outils digitaux et l’accompagnement des collaborateurs et managers », détaille BNP Paribas.

A cela s’ajoute l’aspect organisationnel, avec la volonté de réduire les coûts de l’immobilier. « Il y a des banques où le télétravail est une nécessité car le nombre de salariés est supérieur au nombre de places dans l’entreprise », poursuit Mikaël Deiller. Installé dans la tour Duo depuis 2022, le groupe BPCE Natixis dispose, par exemple, d’un ratio de six places disponibles pour dix collaborateurs. Dans les banques, le retour en arrière sur le télétravail n’est donc aujourd’hui pas une option.

Les banques, en avance sur les autres secteurs

« Avant la pandémie, le télétravail était considéré comme quelque chose d’exotique », analyse Markus Asshoff. C’est désormais entré dans les normes. Selon l’étude Insee « Photographie du marché du travail en 2023 », 18,8 % des salariés ont travaillé au moins une journée par semaine à distance, au cours de l’année précédente. En 2019, seuls 4 % des salariés télétravaillaient de façon régulière. Les taux sont largement supérieurs dans les banques. Selon la FBF, hors agences, 85 % des salariés bénéficient d’un à deux jours de télétravail par semaine. En agences, des expérimentations sont actuellement en cours, afin de proposer un volume de 10 jours de télétravail par an.

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